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Corée du Nord

Propagande autour d’un tir

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 02/04/2009 Dernière mise à jour le 03/04/2009 à 15:39 TU

 Kim Jong-il le 26 mars 2009 selon l'agence officielle de presse nord-coréenne.(Photo : Reuters)

Kim Jong-il le 26 mars 2009 selon l'agence officielle de presse nord-coréenne.
(Photo : Reuters)

Avec son tir de missile, la Corée du Nord veut montrer au monde entier qu’elle est capable de rivaliser avec les plus grands. Mais au pays de Kim Jong-il, maîtrise-t-on vraiment la technologie qui permet de propulser dans l’espace un engin de 40 mètres de haut, pesant plusieurs dizaines de tonnes ? Personne n’est aujourd’hui capable de réponde précisément à cette question. Et puis, la Corée du Nord fait peur parce qu'elle est incertaine. Elle n’hésite pas à menacer les Etats-Unis et les pays de la région. Elle prévoit même de « réduire en miettes » le Japon si le pays venait à intercepter son missile.

Qu’il s’agisse de diplomatie nucléaire ou de tir de missile, la Corée du Nord dispose d’un avantage majeur sur les Occidentaux : elle appartient à « l’axe du mal ».

Avec sa carrure stalinienne et ses accents martiaux, la nation la plus fermée du monde joue à merveille de son obsolescence pour mieux incarner son rôle de « grand méchant », tragique et grandiloquent. C’est un rôle, voire un statut qu’aucun autre pays n’est aujourd’hui en mesure d’assurer dignement. La Corée du Nord le sait et en abuse sans vergogne.

Répertoire de propagande

Son immense répertoire de propagande s’appuie évidemment sur des actes.

Le 9 octobre 2006, Pyongyang annonce avoir fait exploser sa première bombe atomique. Il ne s’agit que d’un mini test sous-terrain. Mais les sismographes s’affolent. Les médias internationaux s’inquiètent. La Corée du Nord vient d’entrer officiellement dans le club fermé des puissances nucléaires. Aucun expert n’est véritablement capable de le confirmer. Mais attention danger !

Pour ne rien arranger, l’Institut des sciences et de sécurité internationale, basé à Washington, affirme que Pyongyang dispose de 46 à 64 kilogrammes de plutonium. De quoi faire une petite dizaine de bombes atomiques. Attention danger !

En matière militaire, la Corée du Nord a certes des arguments, mais sa force repose sur l’entretien d’un jeu quasi théâtral basé sur la fascination et la répulsion.

La propagande guerrière emballe le tout et donne une longueur d’avance à ses diplomates. Quand la Corée du Nord en a envie, elle participe au marathon des discussions nucléaires (2007/2008). Quand elle le désire, elle quitte la table des négociations et suspend son programme de démantèlement du complexe de Yongbyon. Face aux Américains, et avec les Chinois, le pays donne le tempo de la coopération, donc de l’agenda diplomatique. Résultat : les négociations nucléaires impliquant six nations sont aujourd’hui dans l’impasse.

Faire peur, c’est leur métier. Et les Nord-Coréens ont l’expérience des crises. En 1998, un missile Taepodong-1 avait survolé une partie du territoire japonais, provoquant l’ire de la communauté internationale. Ils provoquent mais sans prendre le risque de braquer définitivement ses ennemis supposés. A leurs côtés, le grand frère chinois veille à ce que son allié demeure crédible ; lui qui a l’ambition de se hisser au rang des grandes puissances pour négocier face à face avec les Etats-Unis.

L’affaire du Taepodong-2 est le meilleur exemple

Après un premier essai en 2006, la Corée du Nord affirme que la fusée a pour objectif de mettre en orbite un nouveau satellite de télécommunications baptisé Kwangmyongsong-2, soit littéralement « l'étoile qui éclaire le monde » ; une expression utilisée en général pour désigner Kim Jong-il, le numéro un nord-coréen.

Pour le régime, le lancement du Taepodong-2 a un but scientifique, pas militaire. Le gouvernement de Pyongyang a donc prévenu les instances internationales que le tir aurait lieu entre le 4 et 8 avril 2009. Au mois de mars, la Corée du Nord a même fait savoir qu’elle avait adhéré au traité international Outer Space (signé en 1967) qui régit l’utilisation de l’espace et bannit la mise en orbite de têtes nucléaires ou d’armes de destruction massive.

Ce geste accrédite la thèse que Pyongyang a les moyens de ses ambitions spatiales et permet aux dirigeants nord-coréens de se barricader derrière le droit international. Toutefois, le lancement par la Corée du Nord d’une fusée longue portée interviendrait clairement en violation de la résolution 1718 du Conseil de sécurité (14 octobre 2006) qui interdit à Pyongyang tout tir de missile balistique.

Cette attitude légitimiste en trompe l’œil donne des arguments aux thuriféraires du régime nord-coréen pour faire barrage aux critiques américaines, sud-coréennes et japonaises.

Ces pays redoutent, comme en 2006, un simple test de missile balistique, capable en théorie d’atteindre l’Alaska. Les Japonais ont expliqué qu’ils intercepteraient le missile si celui menaçait son territoire. La Corée du Nord ne s’est pas embarrassée de diplomatie et a promis en représailles d’attaquer le Japon, faisant fi des semonces et de nouvelles menaces de sanctions économiques.

Comme au théâtre, chaque nation joue un rôle. Plus le ton monte, plus la Corée du Nord bombe le torse, glissant dans un discours contrôlé, sa rhétorique guerrière. C’est comme cela que le régime se construit vis-à-vis de l’extérieur. C’est comme cela que le régime enrichit son répertoire de propagande, qu’il entretient son image et poursuit, au fil des crises, l’œuvre créatrice du fondateur Kim Il-sung, l’éternel leader.