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Afrique du Sud

Jacob Zuma échappe à la justice

par Valérie Hirsch

Article publié le 06/04/2009 Dernière mise à jour le 06/04/2009 à 14:27 TU

Jacob Zuma devrait devenir le président de la République d'Afrique du Sud à l'issue du scrutin du 22 avril 2009.(Photo : V. Hirsch/RFI)

Jacob Zuma devrait devenir le président de la République d'Afrique du Sud à l'issue du scrutin du 22 avril 2009.
(Photo : V. Hirsch/RFI)

Le procureur général sud-africain a annoncé la levée définitive des poursuites contre Jacob Zuma en raison d’ingérences politiques dans l’enquête. C’est un triomphe pour le président de l’ANC, qui a toujours affirmé être victime d’un complot. Mais l’opposition estime que Zuma, qui deviendra chef d’Etat à l’issue des élections du 22 avril, aurait tout de même dû être jugé.

Le chef du parquet sud-africain (NPA, National Prosecuting Authority) Mokotedi Mpshe a annoncé ce matin l’abandon des poursuites  pour corruption, racket et fraude à l’encontre de Jacob Zuma. « Une décision très difficile », a souligné le procureur général, dont l’émotion était palpable Le président de l’ANC était accusé d’avoir reçu plus de 300 000 euros, entre 1995 et 2005, de l’homme d’affaires Shabir Shaik, qui aurait bénéficié de son appui politique pour obtenir des contrats. Zuma avait également négocié le paiement annuel d’un pot de vin de 40 000 euros payé par la société française Thales en échange de sa protection pour éviter une enquête anti-corruption dans le cadre d’un contrat d’achat d’armes. En 2005, Shaik avait été condamné à 15 ans de prison. Zuma devait apparaître une nouvelle fois en justice le 25 août prochain dans le cadre de l’interminable enquête, commencée en 2000.

Mais un coup de théâtre est venu bouleverser la donne. Le mois dernier, l’avocat de Zuma a présenté au NPA des enregistrements de conversations téléphoniques entre  Leonard McCarthy, le chef des « Scorpions » (l’unité chargée de l’enquête) et l’ex-procureur général Bulelani Ngcuka. Les écoutes, faites en décembre 2007 par les services de renseignement sud-africains , ont été rendues publiques ce lundi matin. Le procureur général a lu plusieurs extraits, lors de la conférence de presse. Ils révèlent que McCarthy s’est soumis aux injonctions de Ngcuka et d’autres proches du « grand homme » (NDLR – l’ancien président Thabo Mbeki) de réinculper Zuma à la veille du Congrès de l’ANC à Polokwane, afin de contrer sa candidature à l’élection à la présidence de l’ANC. Dans les conversations, McCarthy  confie notamment « Je suis l’homme de Thabo » et « il n’y en a qu’un qui puisse sauver le pays », en faisant allusion à l’ancien président qui se présentait pour un troisième mandat à la tête de l’ANC (Mbeki avait finalement été battu par Zuma, qui avait remporté 60% des voix au congrès de Polokwane).

Faute de preuves 

Selon le procureur général, McCarthy a donc « abusé de son pouvoir, en utilisant la procédure légale à des politiques ». Dans conditions « il serait inéquitable et injuste de continuer les poursuites », même si les accusations de corruption restent fondées contre Zuma. Mpshe va présenter un rapport pour recommander des poursuites contre McCarthy. Il a toutefois estimé qu’il n’existait pas de preuves d’une ingérence de l’ancien président Thabo Mbeki dans l’enquête.

Après l’annonce de l’abandon des poursuites, des militants de l’ANC sont aussitôt descendus dans les rues pour célébrer l’événement. L’opposition, par contre, regrette que l’affaire n’ait pas été tranchée par un juge. L’Alliance démocratique envisage de saisir la justice. « La confiance dans le système judiciaire a été érodée », a déclaré, pour sa part, le président du nouveau parti d’opposition Cope, Mvume Dandala

Pour Jacob Zuma, c’est en tout cas l’épilogue d’une longue bataille et un soulagement énorme pour le futur chef d’Etat, qui devait être jugé, quelques mois après son intronisation. La Constitution sud-africaine ne prévoit pas en effet, d’immunité pour les présidents en exercice. « Pour nous, c’est fini, a conclu Mpshe, même si Zuma n’a pas prouvé son innocence ».