Article publié le 08/04/2009 Dernière mise à jour le 09/04/2009 à 07:47 TU
De notre correspondante à Jakarta, Solenn Honorine
Le parti islamiste PKS a tenu un meeting de 100 000 personnes à Jakarta. Au mieux, il devrait stagner dans les urnes.
(Photo: Solenn Honorine / RFI)
Les leaders des partis, eux, ont le regard rivé sur les urnes puisque seuls ceux qui obtiendront 20% des sièges au Parlement, ou 25% des voix au niveau national, pourront présenter un candidat à la présidence, en juillet prochain. Selon les sondages, seul l’un d’entre eux, le parti du président Susilo Bambang Yudhoyono, est susceptible d’atteindre un tel score.
Ce serait une première depuis l’introduction de la démocratie, il y a 11 ans, car jusqu’à présent, les grands partis ont toujours dû former des coalitions, parfois totalement ad hoc, pour pouvoir présenter un candidat.
Priorité : l’économie
Principal facteur de choix pour les électeurs : l’économie. Bien que la bonne santé macro économique de l’archipel ait été restaurée, des millions d’Indonésiens continuent à souffrir des conséquences de la douloureuse crise asiatique de 1998 qui les avait plongés dans la pauvreté.
Ainsi, après la chute des exportations, la hausse des licenciements et l’essoufflement de la croissance, la crise économique pourrait faire une nouvelle victime : les partis à base religieuse. Plusieurs sondages les voient passer de 38,1% des voix en 2004, à un petit quart de l’électorat. En matière de résultats économiques, tous les partis religieux, des plus démocratiques et pluralistes jusqu’aux plus conservateurs, sont vus comme moins qualifiés pour apporter une solution concrète aux maux du petit peuple.
Un seul nouvel acteur pourrait, lui, créer la surprise grâce à la vague de popularité qu’une campagne populiste habilement menée est parvenue à susciter : le général Prabowo et son parti tout neuf, le Gerindra. Son curriculum vitae ne manque pas d’inquiéter les observateurs internationaux : ce gendre de l’ancien dictateur Suharto, ex-commandant des forces spéciales, est accusé de multiples atteintes aux droits de l’homme durant la dictature : kidnappings d’opposants politiques, crimes de guerre au Timor Oriental. « Ça, c’est ce que disent les médias », reconnaît Atep, un supporter de Gerindra, « mais le plus important, c’est que nous, on vive bien ». Des sondages accordent jusqu’à 7% des voix à Gerindra, ce qui pourrait être suffisant pour rapporter à l’ancien général une place sur le ticket présidentiel.
Un test pour le président |
Les bulletins de vote ont la taille d’un journal. Une centaine de noms à cocher. Dans la troisième plus grande démocratie du monde, les électeurs sont pourtant fiers de participer à cette journée électorale, considérée comme la plus compliquée au monde. 11 200 candidats se présentent pour les élections législatives. Quelque 800 000 candidats pour les élections locales ! Ceux qui sortiront vainqueurs de ce rendez-vous politique décideront de la physionomie de l’élection présidentielle du 8 juillet 2009. Car pour avoir un candidat à la magistrature suprême, un parti ou une coalition doit avoir 25% au moins des voix au plan national, ou un cinquième des sièges au Parlement. L’avenir du président Yudhoyono, 59 ans, dépend donc en grande partie du résultat de sa formation, le Parti démocratique. Les sondages semblent favorables. S’ils se confirment, le Parti démocratique pourrait devenir, huit ans après sa création, la première formation indonésienne. Si la campagne électorale s’est bien déroulée, elle s’est limitée à une guerre de personnalités dans laquelle, le président Susilo Bambang Yudhoyono est apparu comme l’homme à battre. Face à la crise, quels sont les programmes des partis ? Quelles solutions pour lutter contre la pauvreté ou pour favoriser l’accès à l’eau ? Les électeurs seraient bien incapables de répondre, et pour cause : ces questions n’ont pas vraiment été abordées. Stabilité politique et économique Depuis la chute de Suharto en 1998, l’Indonésie est politiquement plus stable. A tel point que ses pairs asiatiques, la Thaïlande, les Philippines ou la Malaisie, paraissent bien dissipés. Malgré des crises sporadiques, les foyers de tension à Aceh ou en Papouasie se sont largement apaisés. Dans le plus grand pays musulman du monde, l’islam a souvent été instrumentalisé par certaines formations politiques. Or, la douzaine de partis de la mouvance islamique semble perdre du terrain. Ils sont crédités de 25% des intentions de vote alors qu’en 2004, ces partis avaient obtenus 38% des voix. Pour s’adapter au contexte, le PKS (Parti de la justice et de la prospérité) ne parle même plus d’appliquer la charia, mais de promouvoir « la bonne gouvernance ». Sur le plan économique, l’Indonésie a bénéficié d’un taux de croissance de 6% en 2007 et en 2008. Avec 3 ou 4% de croissance en 2009, (prévisions du Fonds monétaire international), l’archipel devrait éviter la tempête grâce à d’énormes réserves de gaz et d’immenses champs de palmiers à huile. Le bilan du président Yudhoyono servira, à coup sûr, les intérêts de son camp. Et il est fort probable que les Indonésiens votent pour le parti présidentiel pour continuer sur le chemin de la stabilité. Corruption, le fléau Même le fléau de la corruption ne serait pas en mesure de casser cette dynamique. Et pourtant de nombreuses affaires ont récemment fait tomber des personnalités, dont l’ex-gouverneur de la Banque centrale. Plus que jamais l’achat de voix a miné la campagne. Mais, en Indonésie, le clientélisme électoral est un sport national. Petra Oderbrecht, la première candidate d’origine étrangère à se présenter à la députation en a fait l’amère expérience. Lors d’un meeting, une question lui a souvent été posée : « Madame, vous voulez que je vote pour vous, mais que me donnerez-vous en échange ? ». Par Nicolas Vescovacci (avec AFP) |