par Sarah Tisseyre
Article publié le 19/04/2009 Dernière mise à jour le 21/04/2009 à 09:26 TU
Yeux de biche, longues tresses en queue de cheval, discrets diamants aux oreilles, Bongi Selane appartient elle-même à cette nouvelle élite noire. Née à Soweto, elle a étudié six ans à Londres, grâce à une bourse qu’elle a décrochée auprès du British Council à l’âge de 17 ans. De retour depuis 1995, elle a produit des films, fréquenté les festivals, Cannes, le Fespaco...
Dans son 4x4 Range Rover noir, une montre Cartier au poignet, elle nous emmène à Lonehill, sa banlieue chic de Johannesburg. « Ici, il ne faut jamais faire trop de bruit », raconte la jeune femme, « les gens ne se connaissent pas, entre voisins et, c’est vraiment drôle, nous-mêmes les Noirs qui avons emménagé dans ces quartiers, nous sommes devenus pareils. A Soweto, les gens se rassemblent pour regarder la télévision, le foot.Tout tourne autour du fait d’être ensemble. Il y a un sens incroyable de la communauté, de l’appartenance au groupe ». Bongi avoue être parfois un peu nostalgique, mais elle s’empresse d’ajouter : « Je dois dire aussi que j’aime le calme, et avoir un espace privé ».Elle vit dans un « cluster », un ensemble de maisons avec garde à l’entrée. Déco afro-chic, piscine, piano. Ses fils, Kamogelo et Marumo, ont 9 et 5 ans, et son mari, Tamoledi, a créé une agence de pub. Lui aussi vient de Soweto. « Je ne serais pas où j’en suis si des politiques comme le Black Economic Empowerment n’avaient pas été mises en place », précise-t-il, « par exemple, ma société est détenue à 90 % par des Noirs, et pour décrocher des contrats, ça nous donne un avantage, nous sommes prioritaires ».
Direction Soweto. Bongi va voir sa mère à Orlando West, dans l’une de ces innombrables rangées de petites maisons de plain-pied qui caractérisent le township. Au passage, des habitants saluent la voiture de la main. « Tu vois, ils font bonjour, et ils ne me connaissent pas », dit la jeune femme dans un éclat de rires, « c’est ce que j’adore à Soweto ! ».
Ici, la maison où vécut Nelson Mandela, là, celle de Desmond Tutu. Puis l’école où enseignait la mère de Bongi, en 1976, quand les élèves se sont soulevés contre le régime d’apartheid qui voulait leur imposer d’étudier en afrikaans. Fikile Ngcobo, la soixantaine, se souvient bien de ce 16 juin : « c’était un matin comme les autres », raconte-t-elle, « j’ai marché jusqu’à l’école avec mes livres et mon sac. Mais quand j’ai dit à mes élèves, allez, on rentre en classe ? », ils m’ont dit « non madame, pas aujourd’hui ». Des élèves arrivaient d’autres écoles petit à petit, et soudain, les gens se sont mis à courir, et la police était là, elle tirait, on aidait ceux qu’on pouvait, ceux qui tombaient. C’était juste le chaos ! ». Un an plus tard, elle démissionnera en signe de résistance.
Fikile Ngcobo, devant les maisons de ses voisins, maisons «boîtes d'allumettes» (matchboxes) typiques du township.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)
Fikile Ngcobo travaille aujourd’hui pour la Fondation Nelson Mandela pour les enfants. Ses cinq enfants, eux, ont tous fait des études. Elle se dit aujourd’hui fière de Bongi : « fière de ce qu’elle a accompli, et fière aussi qu’elle se souvienne d’où elle vient. Tous les week-ends, cette voiture est garée ici », dit-elle en désignant le 4x4 noir dans son allée.
Black Economic Empowerment et Affirmative Action en Afrique du Sud |
La communauté noire représente l’essentiel des classes les plus défavorisées en Afrique du Sud. |
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