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Portraits de la société sud-africaine

La «famille» Postnet, Nation Arc-en-Ciel modèle réduit

Article publié le 20/04/2009 Dernière mise à jour le 21/04/2009 à 09:20 TU

Pour clore cette série, Sarah Tisseyre nous emmène cette fois dans une petite entreprise, chez Postnet, à Rosebank, un quartier aisé de Johannesburg. L’image idéale de la Nation Arc-en-Ciel réconciliée.

Une partie de l'équipe de Postnet à Rosebank. De gauche à droite : Lolo, Alan, Felicity, Donovan et Dave.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Une partie de l'équipe de Postnet à Rosebank. De gauche à droite : Lolo, Alan, Felicity, Donovan et Dave.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Un vieil homme vient passer un fax chez Postnet à Rosebank. D’autres sont là pour faire des photocopies, envoyer du courrier ou consulter internet.

Les patrons, Mickael et John Statheros.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Les patrons, Mickael et John Statheros.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)


A la tête de l’entreprise, deux frères nés en Afrique du Sud de parents grecs : John et Mickael Statheros, la quarantaine. Ils ont ouvert le magasin en 1994, quelques mois après les premières élections libres. Aujourd’hui, ils ont une dizaine d’employés de toutes couleurs et tous horizons, de Woulter l’Afrikaner, à Felicity la Zimbabwéenne, en passant par Denise l’Indienne ou Alan le Chinois.

Les frères Statheros expliquent qu’ils embauchent quiconque veut travailler et le fait bien : « Quand on recrute quelqu’un, on ne regarde pas sa couleur », dit Mickael, « peut-être qu’on est plus sensible à la discrimination parce qu’on l’a ressentie nous-mêmes étant jeunes. A l’époque, si on n’était pas d’origine anglaise ou afrikaner, on était un Eitlander. On vous faisait toujours sentir que vous n’étiez pas d’ici ».

Felicity, Zimbabwéenne fraîchement immigrée en Afrique du Sud.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Felicity, Zimbabwéenne fraîchement immigrée en Afrique du Sud.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

« L’ambiance est bonne ici », estime Felicity, la jeune hôtesse d’accueil zimbabwéenne au large sourire. Elle a franchi la frontière vers l’Afrique du Sud, il y a 2 ans. « On fait des blagues aussi », dit-elle en riant, « par exemple, mes collègues me demandent  si je suis venue à la nage ou en bus, parce certains immigrés zimbabwéens traversent le Limpopo à la nage… Eh bien moi, je suis venue en bus ! ».

Ken, Sud-Africain aux ancêtres britanniques.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Ken, Sud-Africain aux ancêtres britanniques.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Ken, lui, vient d’une famille blanche installée en Afrique du Sud depuis plusieurs générations. Il a le regard qui pétille. Devant son ordinateur, il raconte le grand bouleversement de 94, quand il a fallu apprendre à vivre ensemble. « Enfants, on nous a enseigné qu’on était supérieur aux Noirs, et qu’il fallait vivre séparés. Et puis d’un coup, tout a changé. Mais il nous a fallu du temps pour nous adapter, ouvrir les yeux, et aller de l’avant. Pour apprendre à se comprendre, se respecter. Même notre façon de serrer la main est différente de celle des Noirs ! Mais pour nos enfants, c’est beaucoup plus facile. Ils vont à l’école ensemble. Ma fille de 6 ans a plein de copains noirs qui viennent jouer à la maison. A mon époque, c’était impensable ».

Lolo et Dave.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Lolo et Dave.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

« Tout le monde est gentil avec moi ici », assure de son côté Lolo, la Sud-Africaine noire qui passe l’aspirateur, mais ça n’est pas le cas partout, dit-elle : « Des gens ont changé, oui, mais beaucoup de Blancs n’arrivent pas encore à accepter qu’on soit égaux. Il y a toujours du racisme. L’apartheid est toujours là ».


Mickael, le patron, accuse, lui, les autorités de maintenir les divisions : « La couleur et la race ne devraient pas compter. Nous sommes Sud-Africains. Mais ça n’est pas ce que pense notre gouvernement. Vous voyez beaucoup de Blancs dans ce gouvernement ? Pas un ».

Alors, la Nation Arc-en-Ciel, existe-t-elle vraiment, au-delà des mots ?

Question posée au hasard à un client de passage, Sandilé, un avocat noir. D’après lui, c’est une réalité dans les zones commerciales, et dans le milieu professionnel de façon générale. « A mon travail aussi, nous sommes mélangés, et c’est beaucoup dû aux lois de ce pays qui réclament la diversité au travail. Mais si vous allez dans les townships, à Soweto par exemple, je doute que vous trouviez des Chinois ou des Blancs, tout simplement parce qu’ils n’y vivent pas ! ».

A voir les employés de Postnet travailler ensemble, toutefois, on en oublierait presque que l’apartheid existait encore, il y a moins de 20 ans.

Une autre partie de l'équipe.(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

Une autre partie de l'équipe.
(Photo : Sarah Tisseyre / RFI)

L’Afrique du Sud, Nation Arc-en-Ciel

L’Afrique du Sud compte 49 millions d’habitants. Environ 80 % sont noirs, 9 % blancs, 9,2 % métis, et 2,6 % indiens. Quelque 13 000 Chinois vivent aussi dans le pays. Ainsi qu’environ 5 millions d’immigrés venus d’ailleurs en Afrique.

 

Depuis la fin de l’apartheid, il y a 11 langues officielles. Les plus parlées sont le zulu (24%), le xhosa (18%), l’afrikaans (13%), le pedi (9,4%) et l’anglais (8,2%).

 

C’est l’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, qui a le premier choisi ce symbole de l’arc-en-ciel pour désigner l’Afrique du Sud post-apartheid. Image reprise par Nelson Mandela qui a axé son mandat de premier président noir du pays, en 1994, sur la réconciliation des communautés.

 

Extrait de la Charte de la liberté, signée en 1955 par les mouvements de résistance contre l’apartheid, texte fondateur auquel Nelson Mandela s’est toujours référé : « Tous ensemble - Africains et Européens, Indiens et Métis. Avec ou sans droit de vote. Privilégiés et sans droit. Les heureux et les sans-logis.Tout le peuple d’Afrique du Sud, des villes et des campagnes. Parlons ensemble de liberté. Et du bonheur qui peut naître si les hommes et les femmes naissent sur une terre libre ».

Tous les portraits

(Photos : S. Tisseyre/RFI - Réalisation : E. Dupard/RFI)