Article publié le 23/04/2009 Dernière mise à jour le 23/04/2009 à 17:22 TU
Condoleezza Rice avait donné son feu vert, tout comme l’ex-vice-président Dick Cheney ainsi que trois ou quatre autres hauts responsables de l’administration Bush... En 2002 ou 2003, ils se seraient réunis pour discuter des pratiques d’interrogatoire à utiliser sur les personnes soupçonnées de terrorisme. Leur conclusion : les agents de la CIA peuvent avoir recours à des méthodes brutales comme le « waterboarding », ou simulacre de noyade. Selon un rapport de la Commission du renseignement du Sénat, ces mêmes responsables ont réaffirmé, en 2003, au cours d’une réunion avec le directeur de la CIA George Tenet que « le programme de la CIA est légal et reflète la politique de l’administration ».
Discours du président américain Barack Obama, aux côtés de Leon Panetta, directeur de la CIA, lors de sa visite au siège de l'organisation, à Langley en Virginie, le 20 avril 2009.
( Photo : Saul Loeb/AFP )
Ces révélations sont les dernières en date d’une affaire qui fait polémique aux Etats-Unis et qui risque de s’inscrire dans la durée. Tout a commencé la semaine dernière, lorsque Barack Obama a décidé de rendre publiques des notes internes sur les méthodes d'interrogatoire utilisées par la CIA sous l'administration Bush. L'agence de renseignement s'était opposée à ce que ces notes soient rendues publiques mais le président a dû céder face à la pression des organisations de défense des droits de l'homme.
Torturé 183 fois
Les notes révèlent que certains détenus ont été soumis à des pratiques assimilées à de la torture, comme par exemple Khaled Cheikh Mohamed, un membre d'al-Qaïda qui a subi la simulation de noyade 183 fois. La pression augmente sur le chef de l’Etat américain : cette fois, les défenseurs des droits de l'homme et certains démocrates demandent que les responsables de ces tortures soient poursuivis.
Mais Barack Obama refuse d'inquiéter les agents qui n'ont fait qu'exécuter les ordres. C’est ce qu’il confirme lors d’une visite au siège de la CIA, où il s’est rendu ce lundi pour rassurer les agents. Le président s’est dit conscient d’avoir provoqué de « l’anxiété » dans les milieux du renseignement suite à la publication des notes internes et juge qu’il serait « inapproprié » d’engager des poursuites contre des agents qui s’en seraient tenus aux avis des juristes de l’administration Bush.
« Regarder vers l’avant, non pas vers l’arrière »
Ce sont ces juristes qui risquent aujourd’hui d’être mis en cause : ceux qui ont rédigé les fameuses notes et justifié les actes de torture d’un point de vue légal. Face à la pression exercée par les organisations de défense des droits de l’homme et de certains démocrates, Barack Obama cède une nouvelle fois : il remet le sort de ces juristes entre les mains du ministère de la Justice.
La question est désormais de savoir jusqu’où iront les enquêtes de l’administration Obama ? Les dirigeants de l’époque qui ont donné leur aval comme l’ex-secrétaire d’Etat Condoleezza Rice ou l’ancien vice-président Dick Cheney seront-ils à leur tour inquiétés par la justice ? Depuis son investiture il y a trois mois, Barack Obama a toujours écarté la possibilité de juger les anciens responsables de l’administration Bush, préférant « regarder vers l’avant, et non vers l’arrière ». C’est finalement l’opinion et de puissantes organisations de défense des droits de l’homme, comme l’ACLU (American Civil Liberties Union), qui l’auront poussé à ouvrir la boîte de Pandore.
« Barack Obama a finalement répondu à l'exigence de son électorat. »
Cette fois, le débat est bel et bien lancé aux Etats-Unis et les républicains s’empressent de contester les décisions du président. Selon eux, les méthodes d’interrogatoire musclées ont fait leurs preuves. L’ancien vice-président Dick Cheney va jusqu’à demander la publication d’autres notes internes : « Il y a des rapports qui montrent ce que nous avons obtenu avec ces méthodes, a-t-il déclaré sur Fox News. Mais ils n’ont pas été déclassifiés ». D’autres reprochent au président Obama d’avoir donné aux ennemis de l’Amérique le « mode d’emploi » des interrogatoires de la CIA et de compromettre le fonctionnement de l’agence en interdisant une partie de ses pratiques. Des pratiques qui servaient initialement dans un but défensif, afin de préparer les soldats américains en cas de capture par l’ennemi.