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Etats-Unis

Le casse-tête de l’après-Guantanamo

par Stefanie Schüler

Article publié le 01/05/2009 Dernière mise à jour le 01/05/2009 à 16:44 TU

Quel destin pour les détenus de la prison militaire de Guantanamo? Alors que Barack Obama a décrété la fermeture de ce centre de détention d'ici janvier 2010, les autorités américaines se penchent sur la question de savoir quels prisonniers seront libérés et lesquels seront traduits en justice. Mais il y a aussi une troisième catégorie : ceux qui ne peuvent être ni libérés, ni jugés. Cette déclaration, faite ce jeudi par le secrétaire à la Défense, Robert Gates, met encore une fois le doigt sur une inextricable situation juridique et diplomatique pour l'administration Obama.

Manifestation pour la fermeture de la prison de Guantanamo à l'occasion des cent jours de Barack Obama à la Maison Blanche.(Photo : Mike Theiler/Reuters)

Manifestation pour la fermeture de la prison de Guantanamo à l'occasion des cent jours de Barack Obama à la Maison Blanche.
(Photo : Mike Theiler/Reuters)

Des 241 prisonniers encore détenus dans la base militaire américaine de Guantanamo, entre 50 et 100 sont jugés « trop dangereux » par le département américain de la Défense pour être libérés. Mais, ils ne peuvent pas non plus être traduits en justice. « Soit il n’y a pas assez de preuves contre ces personnes, soit il y a des preuves qui ont été obtenues sous la torture », explique Geneviève Garrigos, la présidente d’Amnesty International France. « Mais ces preuves obtenues sous la torture ne peuvent pas être utilisées au cours d’un procès. Sinon, cela ouvrirait la porte à la pratique généralisée de la torture pour obtenir des aveux ».

C'est donc un véritable casse-tête auquel se trouve actuellement confronté l'administration de Barack Obama. Robert Gates a tenté ce jeudi d'apporter un élément de réponse : le secrétaire américain à la Défense a demandé au Congrès un budget exceptionnel de 50 millions de dollars pour construire aux Etats-Unis un ou plusieurs centres de détention pouvant accueillir ces prisonniers.

« Pas chez nous ! »

Mais la perspective d'ouvrir un nouveau centre de détention pour les suspects de terrorisme, cette fois non pas à Cuba mais sur le territoire américain, ne suscite guère l'enthousiasme des élus locaux. « C'est une question de sécurité. Nous n'avons pas été attaqués depuis le 11- Septembre et nous aimerions que cela n'arrive plus », a lancé jeudi Mitch McConnel, sénateur du Kentucky. Sam Brownback, sénateur du Kansas, dont la base militaire de Fort Leavenworth est souvent citée comme une possible option pour accueillir les détenus de Guantanamo, a également émis des réserves : « S’il vous plaît, pas à Leavenworth ». Le secrétaire à la Défense est dores et déjà conscient du problème : « Je m’attends à voir arriver sur mon bureau 535 motions avant la fin de l’année affirmant "pas dans mon quartier, pas dans mon Etat" », a reconnu Robert Gates.

« Guantanamo bis » : problème moral pour Obama

Mais le projet du département de la Défense de transférer les détenus jugés trop dangereux pour être libérés dans une prison aux Etats-Unis, pourrait surtout poser un problème moral à l'administration Obama : « Comment sait on que quelqu’un est dangereux », a demandé Sharon Bradford Franklin, experte auprès du Constitution project (projet pour la Constitution, ndlr) à Washington, interrogée par l’AFP. « Si c’est à partir d’éléments recueillis sous la torture, nous savons que ce n’est pas entièrement fiable et si ce n’est pas sur cette base, s’il existe des preuves crédibles, alors ne devrions-nous pas les réunir et être en mesure d’inculper cette personne » ?

Détenir indéfiniment une personne sans charge est en effet contraire à la Constitution américaine et au droit international, fait aussi remarquer Geneviève Garrigos d’Amnesty International. « Les personnes ne peuvent pas continuer à être détenues de façon illimitée que ce soit à Guantanamo ou que ce soit sur le sol américain. Il faut que l’administration Obama trouve réellement une solution. À savoir : l’inculpation des responsables d’actes terroristes, la libération des autres ».

Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty international, France

« Aujourd’hui, nous n’avons aucune information. Apparemment, ce seraient des personnes soi-disant très dangereuses, que l’on ne pourrait pas juger, mais que l’on ne pourrait pas libérer non plus parce qu’elles présenteraient un risque. La question est : “Comment détermine-ton la dangerosité ?” »

01/05/2009 par Stefanie Schüler

Une chose est cependant sûre : ouvrir un « Guantanamo bis » n’est pas une mesure susceptible de restaurer l’image des Etats-Unis dans le monde.