par Nadia Blétry
Article publié le 02/05/2009 Dernière mise à jour le 02/05/2009 à 11:43 TU
Depuis qu'ils sont la cible des talibans dans la région de Swat, les policiers démissionnent en masse.
(Photo : Eric de Lavarène/RFI)
« J’étais posté à Swat mais j’ai quitté la police car c’était vraiment trop dangereux. J’ai été enlevé par des talibans et torturé », explique Hadji Ali qui a fui la vallée de Swat pour se réfugier à Peshawar avec sa famille. Il habite aujourd’hui dans une petite pièce insalubre qu’il partage avec sa femme et ses quatre enfants. Les murs sont suintants d’humidité. « Maintenant, je vis en vendant des babioles dans la rue, je ne gagne pas ma vie mais je préfère la misère à la peur », ajoute-t-il en désignant un stock de cerfs-volants en papier dans un coin de la pièce.
Ces derniers mois, le nombre de démissions de policiers à Swat a atteint un chiffre record : entre 600 et 800 hommes. La campagne de terreur menée par les militants a manifestement porté ses fruits. Sur une radio pirate, les militants ont donné pendant plusieurs mois des listes nominatives de policiers qu’ils voulaient voir démissionner sous peine de représailles.
Pour Rahimullah Yusufzai, spécialiste de la question des talibans dans la région : « Il est très difficile pour la police d’agir à Swat. Ce sont des agents locaux très faiblement armés et dont les familles sont parfaitement connues des talibans. C’est pour ça qu’il y a eu un très grand nombre de désertion à Swat avant l’accord de paix. Aujourd’hui encore la situation reste très instable. Et même si certains agents sont prêts à retourner dans les forces de l’ordre, beaucoup sont toujours très réticents et attendent de voir ce qui va se passer ».
La police pakistanaise n'est pas équipée et formée pour combattre les talibans.
(Photo : Eric de Lavarène/RFI)
Le mépris de l'Etat
Pour Hadji Ali, retourner dans les rangs de la police, n’est pas envisageable. Le visage fatigué, il explique qu’il a été profondément déçu par l’Etat : « Pendant ma captivité, mon salaire n’a même pas été versé à ma famille. Alors pourquoi j’irais reprendre du service pour un Etat qui me méprise ». Malik Naveed Khan, inspecteur général de police, autrement dit chef de la police de toute la province frontière, ne nie pas les difficultés : « Avec la multiplication des attentats et l’insurrection des militants, la police est en première ligne. Rien que l’année dernière, on a perdu 170 hommes. On manque terriblement de moyens alors c’est vrai qu’on rencontre un certain nombre de problèmes. La corruption en fait partie. Notamment quand on entend dire que les talibans rémunèrent parfois mieux leurs recrues que l’Etat ne le fait avec ses propres agents. Il nous faut des moyens supplémentaires ».
Dans la vallée de Swat, la situation est extrême mais globalement, la police rencontre des difficultés dans toute la province du Nord-Ouest. Une région frontalière de l’Afghanistan, où les talibans gagnent du terrain. L’officier Sayful Maluk se tient devant le check post (poste de contrôle) de Pishte Khara qui délimite la frontière entre Peshawar et la zone tribale de la Khyber. De nombreux camions colorés franchissent le barrage. « C’est un check post stratégique. Parfois les militants passent par ici pour essayer de gagner les zones tribales. Le problème c’est que nous, nous sommes formés pour lutter contre les criminels et non pas pour nous battre contre des talibans qui connaissent le maniement des armes et les techniques de combat ». Là est toute la difficulté de cette police frappée de plein fouet par une insurrection croissante face à laquelle elle ne sait comment réagir.