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Médias / Liberté de la presse

Hommage posthume à un journaliste sri-lankais

Article publié le 03/05/2009 Dernière mise à jour le 03/05/2009 à 07:16 TU

Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse.(Photo : AFP)

Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse.
(Photo : AFP)

Pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse, l'Unesco attribue un prix et cette année il a été décerné à titre posthume au journaliste sri-lankais Lasantha Wickrematunge, rédacteur en chef du Sunday Leader, assassiné le 8 janvier 2009 en plein coeur de la capitale Colombo par deux motards. Très engagé contre la guerre civile dans son pays opposant le gouvernement aux rebelles tamouls, le journaliste était également connu pour ses éditoriaux condamnant l'impunité et la corruption.

Lasantha Vikrématoungué se sentait menacé. Avant d'être assassiné, il avait rédigé un éditorial destiné à être publié s'il lui arrivait quelque chose, éditorial dans lequel il expliquait son engagement pour son métier et pour la liberté de la presse : « C'est un appel de ma conscience » écrivait-il, et il commençait par cette phrase : « il n'existe aucune profession au monde, hormis celle des forces armées, qui exige que l'on risque sa vie pour son art, pourtant au Sri Lanka le journalisme entre dans cette catégorie ».

Vincent Brossel de Reporters Sans Frontières

« Le nombre de journalistes tués, de journalistes empêchés d'aller dans le nord-est couvrir la guerre, les menaces permanentes, l'auto-censure, l'exil... l'assassinat de Lasantha Vikrématoungué a représenté le point critique de cette répression contre les médias... »

02/05/2009 par Véronique Gaymard

 L'article est paru trois jours après son assassinat, publié dans le Sunday Leader , un journal d'opposition à la guerre qu'il avait fondé en 1994 avec son frère.

Né en 1958, cet avocat de formation, membre du barreau du Sri Lanka s'était lancé dans le journalisme d'investigation. Ses enquêtes qui dénonçaient la corruption, les abus de pouvoir et la guerre opposant l'armée aux Tigres de l'Eelam Tamoul, lui avaient valu des ennemis de part et d'autre. Malgré toutes les menaces, ce père de trois enfants n'avait bénéficié d'aucune protection policière. 

Témoignage de Vincent Brossel de Reporters sans frontières

« Il avait mis à jour le fait que la famille Rajapakse, le président lui-même et plusieurs frères, avaient une emprise sur la vie politique et économique du pays. Il a dénoncé les dérives de l’armée et notamment de son chef, le général Fonseka. Donc on peut raisonnablement penser que cet assassinat a été commandité par les secteurs les plus radicaux au sein de l’Etat ou de l’armée.

Malheureusement il n’y a pas d’enquête donc pas de preuve. C’est ce que lui-même craignait, c’est ce que sa veuve Sonali Vikrématoungué dit : on n’a malheureusement pas de preuves directes mais on a ces suppositions, et cet éditorial posthume qui montre du doigt ceux au sein de l’armée et de l’Etat qui sont les plus radicaux et qui voulaient sa mort.

Il était accusé d’être un journaliste terroriste. Le chef de l’Etat lui-même me l’a dit en face à l’occasion d’un rendez-vous avec Reporters sans frontières, « Lasantha est un terroriste, un journaliste terroriste, c’est lui qui mène le pays au désastre ».  Le chef de l’Etat et ses frères ont une énorme responsabilité, de même que les médias de propagande de l’Etat car ils ont chauffé à blanc l’opinion publique contre des journalistes comme Lasantha, alors qu’il ne faisait que défendre l’honneur de la presse sri-lankaise.

 

Sa femme Sonali Vikrématoungué, elle-même journaliste et avocate, actuellement en exil, a dénoncé l'absence de volonté des autorités sri-lankaises pour élucider ce crime.

 L'Unesco rend hommage à son engagement pour la paix et la liberté d'expression. Le prix 2009 attribué à son mari devrait lui être remis à Doha au Qatar où se déroulent les cérémonies de l'Unesco pour cette journée mondiale de la liberté de la presse.