par Jean-Karim FALL
Article publié le 08/06/2009 Dernière mise à jour le 10/06/2009 à 09:43 TU
Le conseiller de l'Elysée pour les Affaires africaines, Jacques Foccart (g), accueille le président gabonais Omar Bongo, le 15 novembre 1973 à Paris, dans le cadre de sa visite officielle en France.
(Photo : AFP)
La vie politique d'Omar Bongo se confond avec celle de la Ve République en France.
Jamais sans doute, un chef d'Etat africain n'aura été aussi proche, pour ne pas dire plus, des cercles du pouvoir français. Et c'est d'ailleurs l'une des éminences grises de la Ve République qui lui met le pied à l'étrier. Celui qui s'appelait à l'époque Albert Bernard Bongo succède en 1967 au premier président Gabonais, Léon Mba, avec la bénédiction du tout puissant monsieur Afrique du général De Gaulle. Jacques Foccart a pour le moins une très forte influence sur le nouveau président gabonais.
Dans ses mémoires* M. Foccart racontera en ces termes un entretien avec le président gabonais, en visite à Paris, en avril 1968 : « Bongo vient comme prévu à 10h30 et il ne part que vers 18h. C'est dire que nous avons de très longues conversations, qui manifestement sont essentielles, car nous avons pu mettre au point beaucoup de choses sur la politique que le Gabon doit suivre ».
Le jeune président - il n'a que 32 ans - va fonder le parti unique, le PDG (parti démocratique gabonais) sur lequel il va s'appuyer pour régner en maitre. Pendant plus de vingt ans, le Gabon, transformé en eldorado pétrolier sous la houlette de la société Elf, va être le pivot de la politique africaine de la France.
C'est l'âge d'or de la françafrique, expression créée pour illustrer les relations incestueuses entre Paris et les capitales du pré carré. « Le Gabon sans la France, c’est une voiture sans chauffeur, la France sans le Gabon, c’est une voiture sans carburant », écrivait dans les années 80 Omar Bongo, au faite de sa gloire et de sa puissance.
L'accession du socialiste François Mitterrand à la magistrature suprême en 1981 ne changera rien. Roland Dumas, avocat, ami de François Mitterrand et chef de la diplomatie française, maintient le lien entre Paris et Libreville durant le premier septennat socialiste.
L'heure de la contestation
Il faudra attendre 1990 et le discours du même Mitterrand à la Baule, pour que le régime de parti unique du président Bongo soit ébranlé. Sous la pression de la rue, et notamment d'émeutes dans la cité pétrolière de Port Gentil, le multipartisme est instauré. Mais grâce à un système clientéliste bien huilé, Omar Bongo va réussir à se maintenir au pouvoir. Les opposants les plus irréductibles finissent par rentrer dans le rang. En 2002, l'un des plus farouches opposants au régime, le Père Paul Mba Abessole entre au gouvernement.
Les élections présidentielles se suivent et se ressemblent. Omar Bongo Onimba est réélu sur fond de contestations sans lendemain. Mais à l'abri des regards indiscrets, dans les villas hollywoodiennes des barons du régime, la guerre de succession se prépare. Plusieurs dignitaires du système, mais aussi le fils du président, Ali Bongo, ministre de la Défense, fourbissent leurs armes.
L'un des membres du premier cercle, fidèle parmi les fidèles, fait défection. Zackarie Myboto, quitte l'ex parti unique et crée son propre mouvement politique. Le palais de marbre qui surplombe l'océan se transforme alors en théâtre d'ombres, où les clans s'affrontent à fleurets mouchetés.
Le temps des affaires
Soutenu par son ami, Jacques Chirac, Omar Bongo affronte en 2001, une tempête politico-diplomatique avec le grand déballage de « l'affaire Elf ». De fins connaisseurs des arcanes de la vie politique gabonaise se retrouvent dans le box des accusés. Roland Dumas, Loik Le Floch Prigent, Alfred Sirven et André Tarallo, le Monsieur Afrique d'Elf. Les tensions entre Paris et Libreville persistent. Omar Bongo assiste, dépité, à l'affadissement des relations franco-gabonaises.
Le président Bongo devient la cible de plusieurs ONG qui critiquent sa gestion. Pire, son patrimoine immobilier à Paris fait l'objet de procédures judiciaire... Nicolas Sarkozy, adepte de la « rupture» lors de son accession à la magistrature suprême, tente d'apaiser la colère de ce vieil allié, dont les secrets pourraient embarrasser beaucoup de dirigeants français, de droite comme de gauche.
Omar Bongo apparait de plus en plus fatigué. Il ne supportera pas le décès d’Edith Lucie Bongo Ondimba, au Maroc le 14 mars dernier. Très affaibli, Omar Bongo sera évacué vers une clinique espagnole, à Barcelone, officiellement pour « se ressourcer dans le repos ».