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Iran / Présidentielle

Economie, nucléaire et main tendue d’Obama

par Nicolas Falez

Article publié le 05/06/2009 Dernière mise à jour le 10/06/2009 à 10:28 TU

Le président sortant Mahmoud Ahmadinejad, l’ancien Premier ministre Mir Hossein Mousavi, le religieux réformateur Mehdi Karoubi et l’ancien chef des Gardiens de la Révolution Mohsen Rezaï sont les quatre candidats en lice pour l’élection présidentielle du 12 juin en Iran. Tous définissent leur programme dans le cadre de la République islamique et de ses institutions. Mais, avec des orientations parfois très éloignées.

Economie : situation d’urgence


Un technicien iranien sur la plateforme offshore de Balal.(Photo : AFP)

Un technicien iranien sur la plateforme offshore de Balal.
(Photo : AFP)

Une inflation galopante (plus de 25%), un chômage en hausse, la situation économique de l’Iran est alarmante et contraste avec la promesse de Mahmoud Ahmadinejad qui a fait campagne en 2005 en voulant « mettre l’argent du pétrole sur la table de tous les Iraniens ». Conscients des difficultés rencontrées par une grande partie de la population, les adversaires du président sortant fustigent son bilan et multiplient les propositions. « J’ai l’intention de changer l’économie contrôlée par l’Etat en une économie avec une participation significative du secteur privé » explique le conservateur Mohsen Rezai. Une idée partagée par l’ancien Premier ministre Mir Hossein Mousavi (soutenu par les réformateurs) qui veut miser sur les investissements et les créations d’emplois plutôt que sur une redistribution de la rente pétrolière (l’Iran est le quatrième exportateur mondial de brut et il possède les deuxièmes réserves au monde). Et Mahmoud Ahmadinejad ? Quelles sont ses promesses en 2009 ? « Il se contente de dénoncer les ‘mafias’ liées à ses prédécesseurs » explique Fereydoun Khavand, maître de conférence à l’université de Paris 5 « et il affirme qu’il n’a pas eu assez de temps pour accomplir sa mission et qu’il lui faut encore quatre ans ».


Tous pour le nucléaire mais divisés sur la stratégie


L’Iran enrichit de l’uranium malgré cinq résolutions (dont trois assorties de sanctions) du Conseil de sécurité de l’ONU. Téhéran affirme que son programme n’a qu’un objectif civil, ce dont doute une bonne partie de la communauté internationale. Les quatre candidats en lice soutiennent le droit de leur pays à poursuivre son programme nucléaire. Mais un seul prône la poursuite de la politique actuelle de confrontation : Mahmoud Ahmadinejad qui – en pleine campagne électorale – a rejeté la proposition du groupe des « Six » de reprendre les négociations dans le dossier nucléaire. Face à cette ligne dure, un proche du religieux réformateur Mehdi Karoubi constate : « Nous avons des problèmes avec le monde et la moitié d’entre-eux viennent des sanctions ». Partant du même constat, le modéré Mousavi se dit « prêt à discuter avec le groupe des Six », tout en précisant que l’Iran ne renoncera pas à son droit à la technologie nucléaire et qu’il faut donc imaginer des garanties internationales pour sortir de la logique de confrontation. Plus concret, le conservateur Mohsen Rezaï propose la création d’un consortium international permettant à l’Iran d’enrichir de l’uranium sur son sol mais avec un contrôle de pays voisins et européens. Mahmoud Ahmadinejad apparaît bien isolé face à ses trois candidats. Comme l’explique l’universitaire d’origine iranienne Fereydoun Khavand : « le président sortant veut mobiliser le nationalisme des Iraniens autour de ce programme nucléaire mais aussi autour des progrès balistiques (missiles et fusées). Alors que les autres candidats privilégient une entente avec le monde extérieur » pour sortir de cette crise.
 

Quel dialogue avec l’Amérique ?


A Khan Younès, une famille palestinienne regarde la retransmission du discours du président Barack Obama au Caire, le 4 juin 2009. (Photo : Reuters)

A Khan Younès, une famille palestinienne regarde la retransmission du discours du président Barack Obama au Caire, le 4 juin 2009.
(Photo : Reuters)

En prononçant son grand discours au monde musulman, le 4 juin au Caire, Barack Obama a réaffirmé sa volonté de renouer le dialogue avec l’Iran, après 30 ans de rupture totaleIntention assortie d’un geste historique puisque, pour la première fois, un président américain a reconnu la responsabilité de son pays dans le renversement du Premier ministre iranien Mossadegh en 1953 (l’opération « Ajax »). Cette « main tendue » permettra-t-elle de surmonter le fossé de méfiance qui sépare les deux pays ? Et la République islamique pourra-t-elle abandonner un pilier aussi fondamental que son anti-impérialisme américain illustré chaque semaine par les « Morts à l’Amérique ! » qui fusent pendant la grande prière du vendredi à l’université de Téhéran ? Ces interrogations résonnent dans la campagne en cours en Iran. La démarche de Barack Obama « crée une nouvelle ambiance et renforce les modérés (Mousavi et Karoubi) dans leur idée de dialoguer avec la communauté internationale », estime Fereydoun Khavand « alors que Mahmoud Ahmadinejad considère la main tendue d’Obama comme un piège dans lequel il ne faut pas tomber » 


Société et liberté


(Photo: Reuters)

(Photo: Reuters)

Dans les strictes limites de la constitution de la République islamique, les droits de l’homme, les droits de la femme et les droits des minorités font aussi partie des thèmes de campagne. On a ainsi vu les épouses des deux candidats réformateurs faire campagne aux côtés de leurs maris et s’exprimer en faveur d’une amélioration du statut des femmes. Dans ce domaine, une ligne idéologique sépare les candidats classés « conservateurs »  (Mahmoud Ahmadinejad et Mohsen Rezaï) de leurs deux adversaires de la mouvance réformatrice. Mais ce clivage correspond également à une nécessité stratégique : les réformateurs savent bien que l’abstention les affaiblit alors qu’une forte participation joue pour eux. Il leur faut donc à tout prix  rallier la participation des femmes et des minorités (sunnites, azéris, baloutches…).