par RFI
Article publié le 18/06/2009 Dernière mise à jour le 19/06/2009 à 10:25 TU
Mir Hossein Moussavi, le principal concurrent de Mahmoud Ahmadinejad, a demandé, dans son dernier communiqué du mercredi 17 juin, à tous les citoyens de manifester leur compassion pour les familles des personnes tuées après la grande marche du lundi dernier à Téhéran.
D’après le gouvernement, sept personnes ont été tuées « en attaquant un centre de police ». Mais les familles des victimes qui sont allées à la morgue disent avoir vu une trentaine de cadavres.
« Organiser des marches pacifiques »
M. Moussavi adopte une ligne qui rappelle, à bien des égards, la vieille méthode de l’ayatollah Khomeyni, il y a trente ans, qui consistait à célébrer, suivant la tradition chiite, les troisième, septième et quarantième jours de la mort des victimes des violences. Une manière habile de maintenir la mobilisation populaire.
En Iran, parents et amis enterrent une victime des violences du lundi 15, Téhéran le 17 juin 2009.
(Photo : Reuters)
De son côté, M. Karroubi, autre candidat malheureux, a, quant à lui, appelé la population à manifester massivement le vendredi 20 juin. Il invite à « une marche jusqu’à l’endroit où aura lieu la grande prière du vendredi ». C’est un grand défi, puisque la télévision d’Etat a annoncé que cette prière sera dirigée par le guide suprême en personne, l’ayatollah Khamenei. Les deux candidats protestataires semblent vouloir s’engager dans un long bras de fer avec le pouvoir et ils comptent sur la participation des citoyens qui pourrait être décisive.
Le dilemme de Khamenei
Pour l’ayatollah Khamenei, qui a toujours mis en avant son « humilité », il est maintenant très difficile de d’ignorer complètement les revendications populaires. Tout aussi embarrassant, pour lui, est d’admettre que les élections étaient frauduleuses. D’où le ton exceptionnellement conciliateur de ses propos récents, dans lesquels il a insisté sur la dignité de tous les candidats. Il a souligné que les violences urbaines « étaient l’œuvre des mercenaires à la solde de l’étranger », et que les sympathisants des candidats n’y étaient pour rien. Ne pouvant plus soutenir explicitement le camp d’Ahmadinejad, l’ayatollah Khamenei cherche à adopter une posture d’arbitre.
Mobilisation sans grande organisation
Le black-out imposé aux réseaux des SMS, le mauvais fonctionnement des téléphones portables, ainsi que l’absence de tout média d’opposition entraînent évidemment une communication approximative entre les dirigeants de la contestation et les manifestants. Les nouvelles se propagent grâce aux contacts directs, dans la rue ou dans les transports en commun. Et, le mouvement avance un peu à l’aveuglette. Toutefois, dans le milieu universitaire, il y a eu un début d’organisation. Un grand nombre d’enseignants des universités de la capitale ont présenté unanimement leur démission. Ils ont également décidé d’organiser tous les jours des sit-in à la mosquée de la grande université de Téhéran.
En revanche, les étudiants n’ont pas eu une présence remarquée. Dimanche dernier, la cité universitaire avait été attaquée par les casseurs que certains ont accusés d’être à la solde du régime. Quelques rumeurs parlent même des cas de meurtres d’étudiants.
Le bazar, qui a un poids économique très important et qui a été toujours un allié fidèle du clergé, n’a pas encore adopté une position claire. Cependant, il y a deux jours, une rumeur de menace de grève était partie du bazar, mais il n’y a eu aucune suite. D’après un grand joaillier, « le bazar est déçu de la politique et il a peur ».
« Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont de nouveau rassemblées sur une place du sud de Téhéran puis ont défilé dans le calme, en silence...»
Les manifestants réclament une reprise du scrutin |
Avec notre envoyée spéciale à Téhéran, Aida Paula Les gens sont de plus en plus déterminés et n’ont pas l’intention de s’arrêter. Ils veulent l’annulation de ce scrutin. Ils ne veulent pas faire tomber la République islamique d’Iran pour l’instant, mais exigent que le scrutin soit repris, et « après, on verra ! ». On voit aussi Moussavi qui s’implique de plus en plus dans les manifestations. C’est en fait les gens qui lui ont donné la force de persévérer et non l’inverse. Il sera dans les manifestations, et personne ne sait la tournure que prendront les événements. La contestation ici ne prend pas les mêmes formes qu’en Occident. Ici, il n’y a pas de plateforme politique. Il n’y a pas d’associations ni de partis politiques. Ici, il n’y a que des tendances. Les gens n’ont plus peur, ils vont manifester. Hier, ils étaient des centaines de milliers dans la rue et ils promettent d’être encore plus nombreux. Ils vont manifester en silence, comme ils l’ont fait jusqu’à présent. Pour eux, « sept morts, c’est beaucoup » et ils pensent d’ailleurs que le nombre pourrait être plus élevé. Puis, il y a beaucoup de pleurs. |
A écouter
« Il est bien évident que les ordres viennent d'autorités très haut placées qui ont ce pouvoir de les faire exécuter. »
18/06/2009
« Ces arrestations signifient l'indifférence de ceux qui sont censés faire exécuter la loi. »
18/06/2009