par RFI
Article publié le 08/07/2009 Dernière mise à jour le 08/07/2009 à 11:09 TU
Dans sa déposition devant le juge d’instruction Marc Trévidic, au tribunal de grande instance de Paris, le 25 juin dernier, le général François Buchwalter affirme que les sept moines français enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par le Groupe islamique armée (GIA) ont été tués par erreur, lors d’un raid aérien de l’armée algérienne contre un bivouac du GIA en avril ou mai de cette même année. François Buchwalter, né en 1943 à Toulouse, était, à l’époque, attaché militaire à l’ambassade de France à Alger. Il affirme avoir obtenu ses informations d’un ancien camarade algérien de Saint-Cyr, dont le frère était le chef d’une escadrille d’hélicoptères basée à Blida et avait participé à cette bavure.
Extraits de la déposition du général François Buchwalter :
« (…) QUESTION : Quand et comment avez-vous appris la mort des moines ?
REPONSE : Par le communiqué du GIA, je crois le 21 mai. En fait, il y a eu deux versions de ce communiqué 44. J’ai eu la première version je crois par un journaliste. J’ai donné cet exemplaire à un islamologue (…). Il m’a dit que mes islamistes n’étaient pas doués, car il y avait une erreur dans le verset cité du Coran. Puis, une deuxième version de ce communiqué, corrigé, sans l’erreur de référence du verset du Coran, est arrivé par le canal habituel. (…)
QUESTION : Quand et comment avez-vous appris la découverte des corps ou des têtes selon ce qui vous a été présenté au début ?
REPONSE : J’ai appris la découverte des dépouilles. C’était neuf jours après le communiqué du GIA. Le 30 mai ou une date proche du 30 mai, entre 9 heures et 10 heures du matin, Algérie Presse Service a annoncé officiellement : " Les dépouilles des moines ont été découvertes dans un champ près de Medea". Cette annonce est arrivée quelques heures après le décès de Monseigneur DUVAL. Je l’avais rencontré une quinzaine de jours avant sa mort. Il était malade. Il était très préoccupé par l’affaire des moines mais il n’avait pas d’élément particulier. Monseigneur DUVAL avait la nationalité algérienne. Dans un communiqué en 1957, il avait condamné l’usage de la torture par l’armée française. Beaucoup de pieds noirs avaient très mal pris cette prise de position, mais il était très apprécié par les Algériens.
QUESTION : Voulez-vous dire qu’en annonçant la mort des moines quelques heures après la mort de Monseigneur DUVAL, on arrivait en quelque sorte à enterrer cette dernière information par une nouvelle encore plus importante pour les Algériens ?
REPONSE : Oui.
QUESTION : Quand et comment avez-vous appris qu’il n’y avait que les têtes dans les cercueils ?
REPONSE : Je pense que l’on en arrive à la raison de ma demande d’audition. C’est difficile pour moi car c’est une chose dont on m’a demandé de ne pas parler. J’en avais parlé au père VEILLEUX, à Monseigneur TEISSIER et à l’ambassadeur. Pour que vous compreniez, j’ai eu des liens d’amitié avec divers officiers algériens qui avaient fait leur formation à Saint-Cyr et c’est ainsi que j’ai connu une personne dont je préfère ne pas vous dire le nom car il est possible que son frère soit encore en Algérie. (…) C’était un ami. Quelques jours après les obsèques des moines, il m’a fait part d’une confidence de son frère. Son frère commandait l’une des deux escadrilles d’hélicoptères affectées à la 1ère région militaire dont le siège était à Blida. Son frère pilotait l’un des deux hélicoptères lors d’une mission dans l’Atlas blidéen, entre Blida et Medea. C’était donc une zone vidée et les hélicoptères ont vu un bivouac. Comme cette zone était vidée, ça ne pouvait être qu’un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac. Ils se sont ensuite posés, ce qui était assez courageux car il y aurait pu y avoir des survivants. Ils ont pris des risques. Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient tiré notamment sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles. (…)
QUESTION : Combien de personnes y avait-il dans les deux hélicoptères ?
REPONSE : Ce sont des gros hélicoptères et je pense qu’il pouvait y avoir une dizaine d’hommes armés.
QUESTION : Avez-vous d’autres détails de la part de votre ami sur ce que lui a dit son frère ?
REPONSE : Je ne vois pas d’autre détail. En revanche, pour répondre à votre question sur la façon dont j’ai appris que nous n’avions que les têtes des moines, je précise que j’ai rencontré après les obsèques, le médecin du renfort de gendarmerie attaché à l’ambassade de France (…). Il avait beaucoup de mal à me parler car l’ambassadeur lui avait fait promettre le silence. Je lui ai demandé s’il avait vu les corps puisque mon ami m’avait dit qu’ils étaient criblés de balles, et c’est là qu’il m’a dit qu’il n’y avait que les têtes.
QUESTION : Que vous a-t-il dit sur les têtes ?
REPONSE : Il m’a dit que les têtes avaient séjourné longtemps dans la terre, que c’était épouvantable. Il ne m’a pas parlé d’impacts des balles dans les têtes.
QUESTION : Que pensez-vous des déclarations de TIGHA impliquant les services algériens dans l’enlèvement des moines ?
REPONSE : Il n’y a pas que les déclarations de TIGHA [ancien officier du renseignement algérien]. J’ai trouvé sur internet les déclarations de Habib SOUAÏDA [lieutenant algérien réfugié en France, auteur du livre La sale guerre] qui doit être un ancien de la DRS [sécurité militaire algérienne], qui allaient dans le même sens. Et puis il y a les déclarations de SAMRAOUI [ancien colonel de la sécurité militaire algérienne] sur l’infiltration du GIA par les services de sécurité.
QUESTION : En qualité d’attaché de défense, avez-vous rendu compte par écrit de ce que vous aviez appris sur la mort des moines par votre ami (***) ?
REPONSE : Oui.
QUESTION : Ce rapport a-t-il été transmis aux mêmes autorités que d’habitude ?
REPONSE : Oui. Il n’y a pas eu de suites, ils ont observé le black-out demandé par l’ambassadeur. (...) »