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Afghanistan/Etats-Unis

Des talibans victimes de crimes de guerre

par Amélie Baron

Article publié le 13/07/2009 Dernière mise à jour le 14/07/2009 à 14:32 TU

L’administration de l’ancien président américain George W. Bush aurait tenté à plusieurs reprises de bloquer des enquêtes sur le massacre, fin 2001, de centaines de prisonniers talibans. Les exactions ont été commises par le chef de guerre Rachid Dostam, alors soutenu par Washington. Le président américain Barack Obama a indiqué avoir ordonné une enquête sur ces possibles blocages.

Abdul Rachid Dostam est aujourd'hui chef d'état-major du haut commandement des forces armées afghanes. (Photo : AFP)

Abdul Rachid Dostam est aujourd'hui chef d'état-major du haut commandement des forces armées afghanes.
(Photo : AFP)

En novembre 2001, l’armée de l’Alliance du Nord et ses alliés encerclent Kunduz, une ville du nord de l’Afghanistan où des talibans se cachent parmi les civils. A la chute de la ville, ce sont plus de 3 000 combattants d’al-Qaïda qui se rendent aux troupes d’Abdul Rachid Dostam, un puissant chef de guerre afghan d’origine ouzbèke.

Crimes de guerre

Avec ses miliciens, Dostam organise des convois pour transporter les talibans déchus vers la prison de Sheberghan, à 300 km à l’ouest de Kunduz. Durant trois jours, les détenus sont transportés dans des conteneurs, sans eau et sans nourriture. Les mains attachées dans le dos, les hommes sont entassés à plus de cent par camions. Selon l’Organisation afghane des droits de l’homme, plus de 1000 sont morts asphyxiés durant le trajet.

Une fois dans la ville de Sheberghan, les hommes de Dostam auraient abattu certains survivants à travers les parois des conteneurs. Sur les 3 000 talibans qui se sont rendus après leur défaite à Kunduz, seuls 1 000 ont survécu.

Ces actes, considérés comme crimes de guerre par l’ONG américaine Physicians for Human Rights (PHR), se seraient déroulés en présence de forces spéciales américaines, chargées à cette période de la sécurité de la prison de Sheberghan.

Les talibans tués ont ensuite été enterrés à quelques kilomètres dans une fosse commune à Dast-i-Leile, en plein désert, toujours sur les ordres de Dostam. Là encore, des témoins évoquent la présence de soldats américains qui ne seraient pas intervenus pour empêcher l’enfouissement des corps.       

Des enquêtes entravées

Depuis le début de l’année 2002, l’ONG américaine PHR se bat pour qu’une enquête indépendante fasse la lumière sur ce qu’elle considère comme des crimes de guerre et sur l’éventuelle implication des forces américaines. Sur son site dédié, l’organisation publie photos et vidéos issues de ces recherches sur le terrain.

Dès août 2002, le journal Newsweek publie le récit du massacre présumé. A partir des témoignages de conducteurs de camions, de villageois afghans habitant à côté de Dast-i-Leile et même de personnels de l’ONU sous couvert d’anonymat, l’hebdomadaire américain fait état des crimes de guerre dont Abdul Rachid Dostam se serait rendu coupable. Et aux journalistes de poser la question : « Est-ce que les Etats-Unis ont une part de responsabilité dans les atrocités commises par ses alliés ? ».

En 2006, Jamie Doran, producteur irlandais, a réalisé un documentaire sur ces événements. Dans ce film, l’ancien journaliste de la BBC a interrogé militaires, responsables des Nations unies, d’ONG ainsi que des prisonniers victimes de ces exactions. Sur les lieux de la fosse commune, à Dast-I-Leile, il a filmé les ossements encore présents, non protégés par les autorités afghanes ou par les Nations unies.

Depuis leur rencontre avec Jamie Doran, deux des témoins interrogés ont depuis été tués.

Aujourd’hui, le New York Times affirme que des hauts responsables de l’administration Bush étaient intervenus pour bloquer des enquêtes menées par la Croix-Rouge et des organisations des droits de l’homme.

Interrogé dimanche par CNN, Barack Obama a précisé que tout serait fait pour que les responsabilités de chacun soient établies sans pour autant promettre une enquête officielle.

Un mois avant le scrutin présidentiel en Afghanistan, l’affaire peut embarrasser. Proche des Soviétiques dans les années 80, le général Abdul Rachid Dostam est devenu l’allié des Etats-Unis en 2001.

Aujourd’hui, l’homme est chef d’état-major du haut commandement des forces armées afghanes et il est l’un des éléments clés de l’équipe de campagne d’Hamid Karzaï, qui s’appuie sur des chefs de guerre. L’actuel président afghan est en course pour sa réélection et reste pour les Etats-Unis le seul candidat possible pour le pays.