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France / Economie

En attendant la reprise, la crise sociale continue

par Guillaume Thibault

Article publié le 11/08/2009 Dernière mise à jour le 11/08/2009 à 15:19 TU

Les économistes évoquent le « bout du tunnel ». La Banque de France prévoit une reprise lente et progressive. Mais dans les entreprises la crise est toujours bien là et les craintes de perdre son emploi ne faiblissent pas.

Chantal Jouan (g), déléguée syndicale CGT et Joël Moro (d), employé, montrent trois des cartes postales éditées par les salariés menacés de licenciement de l'entreprise Chaffoteaux-et-Maury à Ploufragan, près de Saint-Brieuc, le 7 août 2009.(Photo : AFP)

Chantal Jouan (g), déléguée syndicale CGT et Joël Moro (d), employé, montrent trois des cartes postales éditées par les salariés menacés de licenciement de l'entreprise Chaffoteaux-et-Maury à Ploufragan, près de Saint-Brieuc, le 7 août 2009.
(Photo : AFP)

 
Près de Toulouse, les salariés de Molex attendent la réouverture de leur usine. La justice vient en effet de juger illégale la fermeture de cette entreprise, fermeture décidée par la direction qui prétextait des raisons de sécurité. Les 283 ouvriers, en grève depuis un mois, attendent de reprendre le travail. Malgré des signes encourageants et des éléments qui laissent espérer une reprise économique à terme, la situation sociale reste très tendue en France.

Les journaux titrent sur le thème de la reprise. Le quotidien Libération par exemple : « Une douce brise souffle sur la crise ». Et les économistes parlent désormais de « décélération de la récession ». La Banque de France prévoit une reprise lente et progressive. L'économie française reste donc en convalescence mais le malade paraît se remettre plus vite que prévu.

La situation semble s’améliorer dans le secteur automobile pour les géants Renault et Peugeot-Citroën, mais les sous-traitants souffrent toujours et les salariés manifestent leur colère. Tel Juan Fernandez, salarié chez Molex : « Dans quel monde vit-on? On nous laisse crever alors que l'on verse des millions d'euros aux traders ».

Une situation de crise au sein des petites entreprises confirmée par Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, qui explique que « les sous-traitants souffrent d'un manque de fonds propres. A la rentrée, quand la production va repartir, avertit-elle, il ne faudra pas que les banques soient timides et lentes à remplir leur engagements ».

Fermetures de sites

En attendant la liste des usines condamnées s'allonge. Dans le Haut-Rhin (Est de la France), les 159 salariés de Staufen Plastics, spécialisés dans les matériaux composites, ont encore du travail pour trois mois. Mais le départ d'un client important a plongé les comptes dans le rouge et, faute de commandes, la direction n'a d'autre choix que de prévoir la fermeture du site. Cette usine est le principal employeur de la région.

Le groupe Valeo, qui emploi 50 000 personnes et fournit les grands constructeurs français, vient d'annoncer une perte nette de 213 millions d'euros pour le premier semestre. En cause pour la direction : « La morosité du secteur », preuve qu'il reste du chemin à parcourir avant de retrouver des résultats positifs.

Et les grands groupes qui ont massivement licencié au début de la grève attendront des signes évidents de relance avant de réembaucher du personnel. Il y a 5 mois, le géant de l'acier Arcelor-Mittal décidait de fermer le haut fourneau de Florange en raison d'une forte baisse de la demande d'acier. Conséquence : 600 salariés se sont retrouvés en chômage technique. Ils viennent de reprendre le travail, les dirigeants d'Arcelor-Mittal prévoient une reprise des commandes. Les syndicats restent prudents et espèrent que ce redémarrage n'est pas juste un feu de paille.

Autre secteur touché, le pétrole

Alors que les experts prévoient une relance de l'industrie pétrolière dès 2010, des entreprises licencient dans ce secteur. A Béziers, dans le Sud-Est, la société Cameron-France, spécialisée dans les équipements pour l'industrie pétrolière et gazière, prévoit de licencier 142 de ses 700 employés. La direction américaine justifie ces suppressions de postes par une baisse de 49% des commandes de matériel en 2009. La CGT, elle, table sur 300 licenciements au total, en comptant les CDD et les intérimaires et s'insurge car l'entreprise était bénéficiaire en 2008.

Et quand une entreprise est en lutte, tous les moyens sont bons pour se faire entendre. La guerre médiatique a pris un sens nouveau cet été. Les ouvriers de l’usine de pneus Continental à Clairoix dans le Nord menaçaient de tout casser. Ils ont obtenu des indemnités de départ plus importantes que prévu. Les employés de New Fabris, l’équipementier automobile, étaient prêts à faire exploser une partie de l’établissement, mais la médiatisation a moins bien fonctionné. Les indemnités, revues en hausse sensible n’ont pas atteint, cependant, le montant demandé par les salariés.

A Ploufragan, dans l'ouest de la France, l'entreprise Chaffoteaux est une institution. Depuis un siècle, les salariés sont spécialisés dans la fabrication de chaudières. Un savoir-faire voué à disparaître car la direction italienne vient d'annoncer la suppression de 200 emplois. Les élus locaux parlent de pillage industriel. Pour se faire entendre, pas de violence, mais une série de carte postale. Les salariés se sont pris en photo et ont ajouté en haut de chaque photo : « Projets d'été ; se faire licencier ».

Six cartes différentes ont été éditées à treize mille exemplaires. Elles sont disponibles dans les commerces, à la mairie. Et les ouvriers les envoient à leur direction en Italie. Pour septembre, des nouvelles cartes sont déjà prêtes : « Projet de rentrée : se faire licencier ». Mais pas sûr que ce moyen de pression leur rendent leurs emplois.