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Afghanistan / Présidentielle 2009

Les violences touchent désormais l'ensemble du pays

Article publié le 14/08/2009 Dernière mise à jour le 14/08/2009 à 15:21 TU

Historiquement actifs dans le sud de l'Afghanistan, les talibans contrôlent désormais plusieurs districts des provinces de l'est. Et ils gagnent en influence dans le nord.

De notre correspondant à Kaboul, Luc Mathieu

Un Afghan porte un jeune blessé, après l’attaque de talibans sur des bâtiments gouvernementaux, dans la province du Lhogar, au sud de Kaboul, le 10 août 2009. (Photo : Reuters)

Un Afghan porte un jeune blessé, après l’attaque de talibans sur des bâtiments gouvernementaux, dans la province du Lhogar, au sud de Kaboul, le 10 août 2009.
(Photo : Reuters)

Les talibans se rapprochent de Kaboul. Ils ont attaqué, lundi 10 août, les bâtiments du gouverneur et de la police à Pul-i-Alam, à 50 kilomètres seulement au sud de la capitale afghane. Une semaine plus tôt, Kaboul avait été visé par des tirs de roquettes, dont l'une avait explosé à 400 mètres de l'ambassade américaine. Dans le reste du pays, les violences se multiplient. Dimanche dernier, six roquettes ont frappé, pour la première fois, la base militaire espagnole d'Hérat, dans l'ouest du pays. Dans l'est et le sud, les attaques sont quotidiennes. Vingt-neuf soldats étrangers ont été tués depuis le début du mois, selon le site iCasualties.org.

« C'est du jamais vu. L'insurrection gagne en efficacité de jour en jour. La situation dans l'est et le sud du pays est catastrophique. Même certaines provinces du nord, plutôt stables jusqu'à aujourd'hui, commencent à basculer. Cette année sera celle de la globalisation de la violence en Afghanistan », explique Gilles Dorronsoro, chercheur invité à la Fondation Carnegie (Washington) et professeur de sciences politiques à Paris I.

Difficile de savoir précisément combien d'insurgés s'opposent aux 90 000 soldats étrangers présents sur le sol afghan. Les estimations varient entre 10 000 et 50 000. David Kilcullen, un spécialiste des mouvements de contre-insurrection et conseiller du général David Petraeus, le chef du commandement central américain, avance le chiffre de 8 000 « combattants à plein temps », sur un total de 32 000 à 40 000. Les talibans sont aujourd'hui majoritairement présents dans le sud, dans les provinces frontalières avec le Pakistan.

Des opérations militaires massives mais inefficaces

300 soldats du camp Dwyer et leur commandement s'apprêtent à s'envoler pour la province de l'Helmand, au sud de l'Afghanistan, le jeudi 2 juillet à l'aube.(Photo : AFP)

300 soldats du camp Dwyer et leur commandement s'apprêtent à s'envoler pour la province de l'Helmand, au sud de l'Afghanistan, le jeudi 2 juillet à l'aube.
(Photo : AFP)

Depuis le début de l'été, l'Otan multiplie les opérations de grande ampleur dans le Helmand. Près de 500 marines américains et soldats afghans ont été déployés mercredi dans la ville de Dananeh. Le 2 juillet, 4 000 marines et 650 militaires afghans s'étaient lancés à l'assaut de la vallée de la rivière Helmand. Quelques jours plus tôt, l'armée britannique avait envoyé 3 000 hommes au nord de la vallée.

Mais aussi massives soient-elles, ces opérations ne semblent pas avoir donné les résultats attendus. Le seul bilan officiel remonte à la mi-juillet. Selon le ministère de l'Intérieur afghan, 150 à 200 talibans auraient péri lors de l'offensive britannique. Dépassés en nombre, les talibans ont rarement accepté le combat. Ils se sont dispersés ou cachés dans les villages, tout en installant des mines artisanales sur les routes et les sentiers. « C'était une erreur d'intervenir aussi massivement pour tenter de contrôler le tiers d'une province. L'Otan et l'armée américaine feraient mieux de se renforcer dans l'est du pays », estime Gilles Dorronsoro.

Plusieurs districts des provinces de Khost, Paktia et Paktika sont désormais sous le contrôle de l'insurrection. Outre les talibans, celle-ci intègre des membres du réseau Haqqani. Réputé proche d'al-Qaïda, ce mouvement dispose de bases-arrières au Waziristan, dans les zones tribales pakistanaises, et utilise des méthodes particulièrement violentes, tels les attentats suicides simultanés. La ville de Khost est la cible régulière de ces attaques coordonnées. Le 26 juillet, sept kamikazes, certains cachés sous des burkas, ont attaqué cinq postes de police.

L'armée américaine tente de réagir en multipliant les frappes aériennes contre des bunkers du réseau Haqqani. Mais elle ne dispose pas de suffisamment d'hommes pour reprendre le contrôle du terrain. En sous-effectifs, elle a, selon nos informations, sous-traité à la société privée Blackwater la formation de plusieurs unités de l'armée afghane, censées à terme sécuriser la frontière pakistanaise.

La contagion vers le nord

Omniprésents dans le sud et l'est, les talibans remontent vers le nord. En Kapisa, l'armée française enregistre un incident tous les deux jours. Principales armes des talibans : les mines artisanales enterrées sous les routes et les sentiers. « Typiquement, ce sont de vieux bidons d'huile en plastique remplis de 20 kilos d'engrais et de quatre ou cinq autres éléments. Le dispositif est lui-même piégé pour ralentir le travail des démineurs. Ces techniques ont d'abord été utilisées en Irak, puis à Kandahar, et maintenant en Kapisa », explique le colonel Francis Chanson, chef de corps du 3e régiment d'infanterie de Vannes (Morbihan - France).

L'influence talibane s'étend même à des provinces calmes jusqu'à ces derniers mois, telle Kunduz. Régulièrement pris dans des embuscades, les militaires allemands ont dû revoir leurs règles d'engagement : ils peuvent désormais ouvrir le feu s'ils se sentent menacés et non plus uniquement pour riposter. Mohammad Omar, le gouverneur de la province, estime que 300 talibans sont actifs à Kunduz. Parmi eux, des insurgés des poches pachtounes de Chahar Dara et Khanabad, isolées au milieu d'une zone majoritairement tadjike et ouzbèke. Mais aussi, des talibans en provenance d'autres provinces. Leur principal objectif est de bloquer la nouvelle route d'approvisionnement de l'Otan, qui passe par le nord du pays, frontalier avec le Tadjikistan. En fin d'année dernière, des centaines de camions avaient été brûlés par les talibans pakistanais à Peshawar, à la frontière est de l'Afghanistan.

Preuve que l'insurrection gagne du terrain, les talibans, majoritairement pachtounes, arrivent désormais à recruter des combattants ouzbèkes et tadjiks. Comme le reste du pays, le nord de l'Afghanistan n'a jamais été aussi instable depuis la chute du régime taliban, à la fin 2001.

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(Photos : AFP)