par Laurent Correau
Article publié le 01/09/2009 Dernière mise à jour le 01/09/2009 à 22:51 TU
Les cars rapides peinent à se frayer un chemin dans les rues inondées de la banlieue.
(Photo : Laurent Correau / RFI)
De notre correspondant à Dakar, Laurent Correau,
Niari Talli, le quartier aux deux routes. Les voitures circulent à nouveau de part et d’autre du long terre-plein central. Mais lundi 31 août, la colère des habitants a conduit au blocage de la voie : « Hier, aux environs de 18h00, les gosses ont commencé à manifester au niveau de la mosquée, explique un habitant. Ils ont remonté la route. Ils ont commencé à crier ‘le courant !’, ‘le courant !’ et la police est intervenue pour les disperser ».
L’un des jeunes manifestants accepte de témoigner. Il raconte qu’après une journée sans électricité, les esprits se sont échauffés : « On a barré la route. Les policiers sont venus. Ils ont lancé des lacrymogènes. Beaucoup de jeunes ont fui et il y a eu des jets de pierres. ».
A Niari Talli comme dans d’autres quartiers de Dakar, les délestages ont poussé à bout la population. « C’est tout le temps, c’est chaque jour, s’emporte un habitant. Les gens sont fatigués ! » L’électricité part… et revient sans avertissement. « On ne peut pas travailler avec ces coupures de courant à longueur de journées, témoigne un artisan. C’est pour ça qu’on en a marre. Si je pouvais manifester, je ferais la même chose. »
Une population excédée
Si la colère a éclaté lundi soir, c’est aussi parce que ces coupures répétées de courant tombent au plus mal. Elles viennent d’abord gâcher les moments de fête du ramadan. Plongés dans le noir à la nuit tombée, ou privés de moyens de réfrigération, beaucoup de Sénégalais ont l’impression de ne pas pouvoir vivre le mois sacré dans de bonnes conditions.
Il y a aussi la polémique qui fait rage sur la gestion de l’ANOCI, l’Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence Islamique. Le journaliste d’investigation Abdou Latif Coulibaly vient de publier un ouvrage (« Contes et mécomptes de l’ANOCI ») qui critique la gestion du président de l’ANOCI, Karim Wade, le fils du chef de l’Etat. Le texte décrit ce qu’il considère comme un « gaspillage d’argent public sans précédent dans le pays. » Ce texte a nourri la rancœur d’une population qui se voit privée d’électricité.
La banlieue sous les eaux
Les inondations de l’hivernage ont à leur tour alimenté le mécontentement. La banlieue et quelques villes du pays ont en effet une nouvelle fois les pieds dans l’eau. Il suffit de parcourir les villes de Thiaroye, Pikine ou Guediawaye pour s’en convaincre. On y voit des rues inondées qui se sont parfois transformées en larges étendues d’eau. Des voitures à moitié immergées. Des cours de maison ou des mosquées envahies. Dans certaines communes, les bassins de rétention chargés de collecter les pluies ont même débordé.
Cette femme a dû vider sa maison pour quitter le quartier. Elle habitait près d'un bassin de rétention des eaux de pluie qui a débordé.
(Photo : Laurent Correau / RFI)
Scepticisme sur le plan orsec
Les élus locaux ont finalement été entendus. Les autorités ont annoncé que deux milliards de francs CFA étaient mobilisés pour venir en aide aux sinistrés. Le jour du lancement du plan orsec, le premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye est allé sur place juger des dégâts et il a voulu rassurer les populations sur la détermination des autorités : « le gouvernement ne ménagera aucun moyen pour continuer à lutter contre les inondations, et pour continuer aussi à soulager les populations. J’ai compris le sens de leur courroux. »
Cinq jours après ce lancement et cette visite, certains responsables de la banlieue commencent à déclarer publiquement leur scepticisme. « On ne sent pas encore le plan orsec sur le terrain, lance Babacar Mbaye Ngaraf, président de l’ONG SABA, Synergie des Acteurs pour l’assainissement de la Banlieue. Il y a trop peu de camions de pompage et beaucoup de machines positionnées sont en panne. Il ne suffit pas de déclencher le plan orsec, il faut le rendre opérationnel ! »