Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Iran / Nucléaire

Nouveaux remous autour du nucléaire iranien

par Nicolas Falez

Article publié le 07/09/2009 Dernière mise à jour le 07/09/2009 à 17:57 TU

Serpent de mer depuis le début de la décennie, le programme nucléaire de l’Iran revient sur le devant de la scène internationale en cette fin d’été. Retour sur fond de polémique entre le N°1 de l’AIEA Mohammed El Baradeï et la France, Paris estimant que le dernier rapport de l’Agence ne contient pas toutes les informations disponibles sur l’avancement du programme de Téhéran.

Iran : installation nucléaire d'Ispahan.(Photo : AFP)

Iran : installation nucléaire d'Ispahan.
(Photo : AFP)

Le programme nucléaire de l’Iran, ses conséquences en ce mois de septembre 2009, en cinq questions et réponses :

Où en est le programme nucléaire de l’Iran ?

Seule source fiable : le dernier rapport de l’AIEA, publié ce mois-ci. On y apprend que l’Iran progresse régulièrement dans ses efforts d’enrichissement d’uranium. Interrogée par RFI, la scientifique américaine Jacqueline Shire de l’ISIS (Institute for Science and International Security, installé à Washington) explique :

« L'Iran a poursuivi ses travaux d'enrichissement d'uranium. Il n'a pas augmenté son taux d'enrichissement. L'Iran produit chaque jour environ 2,7 kilogrammes d'uranium faiblement enrichi. Fin juillet, il en avait un peu plus d'une tonne et demi. Ce n'est pas un matériau utilisable pour une bombe atomique. Il faudrait l'enrichir davantage pour alimenter une arme atomique. Mais si l'Iran choisissait de détourner ce matériau. il aurait de quoi fabriquer une ou deux têtes nucléaires. ».

Jacqueline Shire précise que cet état des lieux repose sur des informations visibles par l’AIEA, sachant que Téhéran pourrait avoir construit des installations nucléaires clandestines.

Pourquoi y a-t-il eu une polémique autour de ce rapport ? 

La publication de ce rapport de l’AIEA a – comme souvent – été entourée de déclarations contradictoires, reflétant des positions qui le sont aussi. Des responsables français et israéliens ont ainsi affirmé que le document n’était pas complet. Le directeur général de l’AIEA Mohammed El Baradeï s’en est défendu devant les trente-cinq membres de l’Agence réunis à Vienne. « Je suis consterné par les accusations de certains états-membres, a déclaré Mohammed El Baradeï ajoutant que ces mises en causes étaient motivées politiquement et sans fondement ».

Sur RFI, Pascal Boniface, Directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) analyse : « Il y a une sorte de soupçon croisé entre Mohammed El Baradeï et certaines puissances occidentales, dont la France. Le patron de l’AIEA se souvient de l’expérience irakienne et craint que les travaux de l’Agence ne soient utilisés pour justifier une attaque contre l’Iran. A l’inverse, la France (et plus encore Israël) soupçonnent Mohammed El Baradeï de minorer les éléments les plus gênants pour l’Iran dans ce rapport ».

Que dit l’Iran ?

Depuis la découverte de son programme clandestin en 2002, l’Iran assure que son programme nucléaire n’a qu’une vocation civile. « De notre point de vue, la question nucléaire est close, nous ne négocierons pas nos droits indéniables » affirme Mahmoud Ahmadinejad. Le Président iranien n’écarte cependant pas l’idée d’un dialogue « juste » avec les Occidentaux. Téhéran affirme préparer de « nouvelles propositions » qui pourraient servir de base à un tel dialogue. La dernière séance de discussions directes entre les Six pays en charge du dossier nucléaire iranien et un représentant de Téhéran remonte à juillet 2008.

Y aura-t-il d’autres sanctions ? 

La réponse n’appartient pas à l’AIEA mais au Conseil de sécurité de l’ONU, saisi du dossier depuis 2006. L’Iran est déjà sous le coup de cinq résolutions, dont trois assorties de sanctions, exigeant qu’il suspende son programme d’enrichissement d’uranium. Un groupe de six pays travaille de façon concertée sur ce dossier brûlant, ce sont les « 5+1 » : les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) plus l’Allemagne. Ils sont également appelés « 3+3 » (les trois Européens susmentionnés + les Américains, les Russes et les Chinois).

Les Six se réuniront à la fin du mois en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New-York, ils vont discuter d’éventuelles nouvelles sanctions. Certains, comme la chancelière Angela Merkel, ont déjà évoqué le recours à des sanctions pesant sur l’approvisionnement de l’Iran en pétrole raffiné.

L’élection contestée de juin en Iran change-t-elle la donne ?

Mahmoud Ahmadinejad a été réélu dès le premier tour en juin dernier, ce qui a entraîné des manifestations inédites en trente ans. Depuis, la République islamique apparaît divisée entre une faction « dure » incarnée par le président et son entourage d’une part et d’autre part une mouvance réformatrice qui – pendant la campagne – ne cachait pas son intention d’apaiser les tensions autour du programme nucléaire. Ce paysage politique fragilise-t-il ou renforce-t-il le camp le plus déterminé à poursuivre l’enrichissement d’uranium et le bras de fer international ? C’est l’une des zones d’ombre de cet automne 2009.

Autre interrogation : Américains et Iraniens surmonteront-ils trente ans de rupture diplomatique et entameront-ils le dialogue voulu par Barack Obama ? Un tel rapprochement serait un tournant historique et on voit mal comment il pourrait advenir indépendamment des soubresauts de la crise nucléaire iranienne.