par Christophe Champin
Article publié le 15/09/2009 Dernière mise à jour le 15/09/2009 à 13:22 TU
« En 2007, nous avions saisi 500 kilos de cocaïne en provenance d’Afrique à l‘aéroport parisien de Roissy. En 2008, 260 kilos et depuis le début de l’année 2009, à peine 30 kilos », annonce Jean-Michel Colombani, directeur de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants. Pour le patron de l’organisme français de lutte anti-drogue, cette baisse spectaculaire a une explication: « il y a eu beaucoup d’interceptions de bateaux au large de l’Afrique de l’Ouest. Jusqu’à récemment, les Colombiens utilisaient la route atlantique du 10ème parallèle pour acheminer la drogue à partir de l’Amérique latine. Or toutes les grandes nations sont maintenant mobilisées, souvent avec les mêmes moyens, notamment satellitaires, que pour la lutte contre le terrorisme.»
Beaucoup d’arrestations ont, en outre, été menées, notamment, au Mali et au Togo, où d’importants trafiquants, en particulier colombiens et grecs, ont été extradés. « En Guinée, nous avons pu exécuter des commissions rogatoires dans le cadre d’une enquête concernant l’interception d’un navire transportant de la cocaïne, le Junior, début 2008», ajoute Jean-Michel Colombani.
D’une manière générale, estime le patron de l’OCTRIS, la coopération s’est nettement améliorée avec les Etats d’Afrique de l’Ouest, en particulier au Mali, qui fait partie du dispositif anti-drogue français dans la zone Atlantique baptisé « bouclier ».
Du coup, quasiment aucune grosse saisie maritime n’a été signalée au large des côtes ouest-africaines en 2009, alors qu’entre 2006 et début 2008, une pluie de prises record avaient été enregistrée. Parallèlement, donc, les interceptions de passeurs aux frontières françaises, en provenance d’Afrique ont très fortement chuté.
Nouvelles routes de la drogue?
Les organisations criminelles aurait-elle cessé d’utiliser l’Afrique pour faire transiter la cocaïne vers l’Europe? Le patron de l’OCTRIS est prudent : « Les malfaiteurs ont compris comment nous travaillons. Ils sont attentistes. Il faudra attendre plusieurs mois pour savoir quelles sont leurs nouvelles stratégies ». Car pour les experts anti-drogue, il ne fait aucun doute, que les trafiquants vont chercher- et ont peut-être déjà trouvé - de nouvelles routes pour acheminer leur marchandise à bon port. « La bande sahélo-saharienne fait partie des zones suspectes et on peut penser que l’Afrique centrale, l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est peuvent également être de nouvelles voies d’approvisionnement ». Mais cette fois, les services français, comme leurs homologues européens et américains, ne seront pas pris au dépourvu. Ils sont décidés à renforcer leurs efforts, notamment en mutualisant les moyens de renseignement.
Quoiqu’il en soit, la lutte contre le trafic de cocaïne est loin d’être achevée. En France, notamment, la baisse du transit de cette drogue via l’Afrique n’a aucunement influé sur le marché, puisque la poudre blanche est toujours aussi présente. Son prix n’a pas non plus augmenté, avec une moyenne de 60 euros le gramme. Tout juste signale-t-on une relative baisse de la pureté. Il faut dire que l’Afrique n’est pas la seule route d’approvisionnement de l’Europe en poudre blanche. Une partie arrive directement d'Amérique Latine par l’Espagne ou les ports d’Anvers, en Belgique, ou de Rotterdam, au Pays Bas, voire par l'Europe centrale. Mais cela tient peut-être aussi à l’ouverture de nouvelles routes africaines échappant, pour l’instant, à la vigilance des polices anti-drogue.
« Les malfaiteurs se sentent surveillés et commencent aussi à comprendre comment fonctionnent les services répressifs et donc s’orientent vers d’autres chemins, d’autres routes ».
La piste des drogues de synthèse |
Le renforcement de la lutte anti-drogue au sud du Sahara a permis la mise au jour de nouvelles formes de trafics. En juillet 2009, des fûts de produits chimiques et du matériel pouvant servir à la fabrication de drogue ont été découverts à Conakry, en Guinée. L’Office des nations unies contre la drogue et le crime a dépêché une mission, des experts français se sont également rendus sur place. Des échantillons sont en cours d’analyse en France. Les premières informations laissent penser qu’il pourrait s’agir d’éléments servant à produire des drogues de synthèse. Cela reste à confirmer, mais selon l’OCTRIS, des produits précurseurs, en très grande quantité servant à fabriquer des méta-amphétamines avaient déjà été découverts en République démocratique du Congo en 2007. « Nous avions d’abord repéré deux tonnes et demi à l’aéroport de Roissy à destination du Congo, précise Jean-Michel Colombani. Mais par la suite nous avons découvert que cette cargaison rejoignait d’autres quantités qui étaient stockées, donc, au Congo, et l’action de l’ensemble des services répressifs a permis la saisie de plus de 9 tonnes de ces produits. Ils n’étaient pas transformés sur place mais réacheminés vers le Mexique [où des laboratoires fabriquent des drogues de synthèse à destination des Etats-Unis. » |