Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Le rapport Goldstone continue de diviser

par Franck WEIL-RABAUD

Article publié le 07/10/2009 Dernière mise à jour le 07/10/2009 à 20:24 TU

Richard Goldstone, chef de la mission d'enquête de l'ONU sur l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, le 29 septembre 2009.(Photo : Denis Balibouse/Reuters)

Richard Goldstone, chef de la mission d'enquête de l'ONU sur l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, le 29 septembre 2009.
(Photo : Denis Balibouse/Reuters)

La Libye, seul pays arabe membre du Conseil de sécurité des Nations unies a demandé une réunion extraordinaire destinée à étudier le rapport Goldstone consacré à l’offensive israélienne dans la bande de Gaza l’hiver dernier. Cette initiative intervient alors que le président palestinien est vivement critiqué pour avoir soutenu le report d’un vote sur ce dossier lors de la dernière session du conseil des droits de l’homme de l’ONU.

C’est à l’origine un rapport de cinq cents pages, fruit de plusieurs semaines d’enquête du juge sud-africain Richard Goldstone. Avec au final des accusations de crimes de guerre portées contre l’armée israélienne mais également contre les militants du mouvement islamiste palestinien Hamas durant l’offensive militaire de l’Etat hébreu dans la bande de Gaza en décembre et janvier derniers.

Dès sa sortie, le rapport avait été dénoncé comme « partial et ne prenant pas en compte la réalité qui avait conduit à l’intervention militaire » par le gouvernement israélien. Les responsables du Hamas avaient quant à eux salué la dénonciation par le rapport de « l’usage disproportionné de la force et les attaques contre des civils » sans s’attarder sur les accusations portées contre leurs propres combattants.

Le 2 octobre dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui avait commandité ce rapport décidait, contre toute attente, de reporter de six mois le vote sur la transmission de ce rapport au Conseil de sécurité. Seule cette instance est en mesure ensuite de transmettre le dossier à la Cour pénale internationale. Et c’est bien cette saisine éventuelle de la CPI que le gouvernement israélien et ses alliés veulent éviter à tout prix.

Dans son rapport, le juge Richard Goldstone recommande « de demander au Conseil de sécurité de saisir le procureur de la CPI si dans les six prochains mois aucun progrès n’est réalisé dans les enquêtes menées par les autorités israéliennes et l’Autorité palestinienne ». Les Etats-Unis, par la voix de la secrétaire d’Etat adjointe Esther Brimmer, tout en « se félicitant du report du vote » soulignait que son pays « encourage également les enquêtes à l'échelon national sur les allégations crédibles d'infractions aux droits de l'homme et aux lois humanitaires ».

Le clivage habituel entre partisans et adversaires d’une mise en accusation d’Israël par les Nations unies va être brouillé par ce report du vote dans une instance de l’ONU, le Conseil des droits de l’homme que l’Etat hébreu considère comme lui étant systématiquement hostile. Et c’est le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas qui va en être à l’origine.

La volte-face de Mahmoud Abbas

Dans un premier temps, la délégation palestinienne au Conseil des droits de l’homme soutient la demande de report du vote. Pour le représentant palestinien auprès du Conseil des droits de l’homme, Ibrahim Kreisheh « le rapport est très technique. Nous voulons donner le temps à toutes les délégations de l'étudier en profondeur. Nous espérons qu'à la prochaine session, certains pays européens auront changé d'attitude ». Cette décision provoque immédiatement la colère des responsables du Hamas.

Le porte-parole du mouvement islamiste Fawzhi Barhoum affirme que « Mahmoud Abbas a trahi les efforts des organisations de défense des droits de l’homme pour rendre justice aux habitants de Gaza ». Les critiques dépassent rapidement le cercle des sympathisants islamistes. De nombreux Palestiniens estiment que le président palestinien a capitulé suite aux pressions du gouvernement américain. Ce dernier estime que le rapport Goldstone risque d’entraver ses efforts pour relancer les pourparlers entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien.

Lundi 5 octobre, quelques centaines de personnes ont défilé dans les rues de Ramallah, à l’appel des organisations de la gauche laïque palestinienne, pour dénoncer l’attitude de Mahmoud Abbas. Quoique faible, la manifestation apporte la preuve que le président palestinien a entamé un peu plus une crédibilité déjà écornée. Les caciques de l’Organisation de Libération de la Palestine, l’organisation qui chapeaute le Fatah du président palestinien ne s’y trompent pas. Ce mercredi, Yasser Abed Rabo, secrétaire général de l’OLP reconnait que « la décision de soutenir le report du vote était une erreur mais elle peut encore être corrigée. Nous avons au moins le courage de reconnaitre notre erreur ».

La Libye saisit le Conseil de sécurité

Seul pays arabe parmi les quinze membres du Conseil de sécurité, la Libye a finalement pris le relais pour réclamer l’examen du rapport de Richard Goldstone. Mardi 6 octobre, son représentant à New-York a demandé une réunion d’urgence ce mercredi du principal organe de décision des Nations unies. Il est probable que la requête n’aboutisse pas. Et quand bien même le Conseil de sécurité accepterait de se prononcer sur le rapport de Richard Goldstone, il est acquis que les Etats-Unis qui disposent d’un droit de veto bloquent toute tentative de saisine de la Cour pénale internationale. Et ce d’autant plus que le gouvernement américain n’a toujours pas ratifié l’accord instituant instance de justice internationale. Mais en soutenant la demande libyenne, le président palestinien Mahmoud Abbas essaie de rectifier son attitude initiale qui a provoqué  la colère d’une majorité de ses concitoyens.

L’attitude initiale du président de l’Autorité palestinienne menace par ailleurs le fragile compromis négocié par l’Egypte pour permettre une réconciliation entre les factions rivales palestiniennes. Le ministre égyptien des Affaires étrangères avait annoncé la semaine dernière la signature d’un accord entre le Hamas et le Fatah le 26 octobre prochain. L’accord prévoit entre autre la tenue concomitante d’élections législatives et présidentielle en juin prochain. Mais la polémique sur le rapport Goldstone pourrait menacer la signature de l’accord. Salah Bardawil, député du Hamas estimait ainsi en début de semaine qu’il ne peut pas « y avoir de réconciliation avec ceux qui trahissent les droits du peuple palestinien ».