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Justice internationale

Le procès de Karadzic vu de Srebrenica

Article publié le 01/11/2009 Dernière mise à jour le 02/11/2009 à 10:44 TU

Le procès de Radovan Karadzic a repris le 2 novembre à La Haye, mais beaucoup de femmes, veuves et mères de victimes du massacre de juillet 1995, n’attendent plus rien de ce procès ni du TPI.

Des proches des victimes du massacre de Srebrenica perpétré en juillet 1995 qui avait fait 8 000 morts, au mémorial de Tuzla en Bosnie-Herzégovine après l'annonce de l'arrestation de  Karadzic.(Photo: Reuters)

Des proches des victimes du massacre de Srebrenica perpétré en juillet 1995 qui avait fait 8 000 morts, au mémorial de Tuzla en Bosnie-Herzégovine après l'annonce de l'arrestation de Karadzic.
(Photo: Reuters)



Srebrenica - « Je voulais suivre le procès de Karadzic à la télévision, mais à quoi bon regarder une chaise vide ? » Farida Efendic tient la petite boutique de « Souvenirs », qui fait face au Mémorial de Potocari, où sont enterrées les victimes de Srebrenica, après avoir été identifiées. Dans son échoppe, on peut trouver quelques livres sur le massacre de juillet 1995, des ouvrages de littérature islamique, des fleurs en plastique, et des tee-shirts qui portent la mention « don’t forget Srebrenica ».

Farida a perdu son fils et son mari. Les restes de ce dernier ont été retrouvés, identifiés et enterrés en 2003. « De mon fils, on n’a retrouvé que quelques os qui sont toujours en cours d’analyse à Tuzla », explique Farida, qui pétille de vie, oscillant sans cesse dans la conversation entre le rire et les larmes. « Je suis une femme dynamique. Avant la guerre, j’étais commerçante, et cela me motive beaucoup d’avoir à nouveau ouvert un commerce. Mais parfois, je craque, et je vais près de la tombe de mon mari, je lui parle, cela me calme ».

Après son évacuation de Srebrenica, en 1995, Farida a vécu à Zagreb, puis en Allemagne et à Sarajevo, où sa fille, professeur d’arabe, vit toujours. Farida s’est réinstallée en 2002 dans sa maison du village de Potocari, à mi-chemin entre le mémorial et la ville de Srebrenica. « J’ai la chance d’avoir encore un enfant, alors que les femmes qui n’avaient que des garçons n’ont plus personne, mais je préfère vivre ici  qu’avec elle à Sarajevo ».

« À quoi bon ? »

Magbula Divovic est une autre de ces mères revenues vivre à Srebrenica. Elle regarde avec tout autant de scepticisme le procès de Karadzic. « À quoi bon le juger ? Trop de temps a passé. S’ils avaient voulu, les internationaux auraient pu l’arrêter dès 1995. Le juger alors aurait eu un sens, mais on joue avec notre souffrance, on fait semblant de s’intéresser à Srebrenica, mais les femmes qui reviennent y vivre ne reçoivent aucune aide, et le procès qui a commencé à La Haye est une farce de plus. La seule peine qui serait juste ? Que Karadzic revienne ici, à Srebrenica, pour nous aider, nous les veuves et les mères, et qu’il voit comment nous vivons ».

Farida et Magbula répètent qu’elles n’ont « pas de haine ». Le retour de Biljana Plavsic, l’ancien bras droit de Karadzic, après seulement quelques années de détention ? « Biljana Plavsic est maintenant une vieille femme. Elle n’est pas dangereuse. Celui qui est dangereux, c’est Milorad Dodik, le Premier ministre de la Republika Srpska, qui est venu l’attendre à l’aéroport de Belgrade. Comme si Biljana Plavsic était une héroïne. Le venin du nationalisme est toujours présent », explique Farida.

Beaucoup de femmes, veuves et mères des victimes, sont revenues vivre dans les villages qui entourent Srebrenica. Elles partagent désormais leur vie avec des voisins serbes, eux-mêmes le plus souvent venus de régions de Bosnie passées sous contrôle bosniaque ou croate. Ces femmes touchent des pensions pour leurs proches assassinés, mais il ne s’agit, au mieux, que de l’équivalent de quelques centaines d’euros. Pas assez pour vivre.