par Sylvain Biville
Article publié le 02/11/2009 Dernière mise à jour le 02/11/2009 à 22:39 TU
Le dispositif de sécurité autour de l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa, où Manuel Zelaya a trouvé refuge. Septembre 2009.
(Photo : Sylvain Biville/RFI)
L’accord signé vendredi 30 octobre à Tegucigalpa par les représentants de Roberto Micheletti et de Manuel Zelaya a remis les Etats-Unis au centre du jeu hondurien. Depuis le coup d’Etat du 28 juin, Washington, tout en réclamant le retour à l’ordre démocratique, avait pris soin de ne pas trop s’exposer, en laissant les autres monter en première ligne.
Cette position prudente, n’ayant pas porté ses fruits, les Etats-Unis se sont résolus à une intervention directe dans une région, l’Amérique centrale, qui a longtemps été considérée comme leur arrière-cour.
Face à l’échec des médiations successives, Barack Obama a fini par dépêcher à Tegucigalpa le secrétaire d’Etat adjoint chargé de l’Amérique latine, Thomas Shannon. C’est lui qui, après avoir fait la navette entre l’ambassade du Brésil, -où est confiné Manuel Zelaya depuis le 21 septembre-, et le palais présidentiel, -que Roberto Micheletti refuse toujours de quitter-, a obtenu à l’arraché un accord de sortie de crise.
Le texte donne au Congrès le dernier mot sur un possible retour au pouvoir du président déchu, avec des prérogatives sévèrement rognées, et pour une durée limitée, jusqu’à la fin de son mandat le 27 janvier 2010. L’accord doit également permettre de donner une légitimité internationale aux élections présidentielle et législatives prévues dans moins d’un mois, le 29 novembre. llustration du nouveau rôle assumé par Washington, la ministre américaine du Travail, Hilda Solis – qui est l’une des rares hispaniques au sein de l’administration Obama – est attendue mardi 3 novembre à Tegucigalpa, où elle sera chargée, aux côtés de l’ancien président chilien Ricardo Lagos, de veiller à la mise en œuvre de l’accord de sortie de crise. Elle sera la personnalité américaine de plus haut rang à se rendre au Honduras depuis le coup d’Etat. Un succès diplomatique pour l’administration Obama C’est Hillary Clinton qui est responsable de l’évolution de la stratégie américaine au Honduras. Lorsque les négociations entre les deux parties ont tourné court, la secrétaire d’Etat américaine a personnellement appelé tour à tour Manuel Zelaya et Roberto Micheletti pour leur remonter les bretelles.C’est d’ailleurs Hillary Clinton qui a annoncé, alors qu’elle était en visite au Pakistan, la signature d’un « accord historique » au Honduras. « Je ne vois aucun autre exemple de pays en Amérique latine qui, après une interruption de son fonctionnement démocratique, a réussi à surmonter une telle crise par la négociation et le dialogue » s’est félicité vendredi à Islamabad la chef de la diplomatie américaine.
« Hillary est la grande gagnante de la crise hondurienne » titrait, le jour même, The New Republic, tandis que le Washington Post allait jusqu’à parler de « triomphe diplomatique ». « C’est un succès de politique étrangère », confirme Chris Sabatini, directeur politique de Americas Society/Council of the Americas, un centre de recherche basé à New York.
« Malgré tous les discours sur le nouvel essor d’une Amérique latine plurielle, le leadership américain est toujours sollicité. »
Manifestation contre le coup d’Etat, devant l’université de Tegucigalpa, septembre 2009
(Photo : RFI/Sylvain Biville)
« On ne peut pas jouer sur les deux tableaux ! »
Etats-Unis-Honduras, une alliance fondée sur la banane et le fusil |
La banane. Dans le « pré-carré » latino-américain de Washington, le Honduras a longtemps fait figure de plus fidèle allié, au point qu’on l’a parfois qualifié de « cinquante-et-unième Etat américain ». Après l’éphémère République fédérale d’Amérique centrale, du nationaliste Francisco Morazan, les Etats-Unis ont commencé, au début du XXème siècle, à prendre le relais de la Grande-Bretagne comme puissance dominante dans la région. Et c’est la banane qui a été la porte d’entrée au Honduras. Les plantations bananières ont rapidement dominé l’économie, au point que les multinationales américaines ont fini par jouer un rôle politique majeur dans le pays. « Les présidents étaient nommés par les entreprises bananières, avec l’accord du gouvernement américain », se souvient l’économiste Gustavo Aguilar. Le fusil. Pendant la guerre froide, le Honduras a servi de base arrière aux Etats-Unis pour la lutte clandestine contre les guérillas communistes centraméricaines, au Nicaragua, ou au Guatemala. Les milices antisandinistes « contras » ont été entraînées et approvisionnées par l’armée américaine, à partir de la base aérienne de Soto Cano, à Palmerola, à une centaine de kilomètres au nord de Tegucigalpa. Héritage de cette période, le Pentagone a toujours aujourd’hui 400 hommes stationnés en permanence à Palmerola, officiellement pour des missions de surveillance du trafic de drogue dans la région. En janvier 2009, le président Manuel Zelaya a annoncé son intention de convertir la base de Palmerola en aéroport commercial civil. C’est l’une des raisons qui a conduit la classe dirigeante hondurienne à prendre ses distances avec un président à qui l’on reprochait son alliance avec le Vénézuélien Hugo Chavez. Cette controverse autour de la présence militaire américaine au Honduras a été un signe avant-coureur du coup d’Etat du 28 juin. « Si les Américains perdent Palmerola, on aura immédiatement des avions de Chavez » s’inquiète un homme d’affaires franco-hondurien qui ne porte pas Manuel Zelaya dans son cœur. |
« Les entreprises bananières ont dominé tous les secteurs du pays. »
« Palmerola est aujourd’hui l’unique base militaire américaine en Amérique latine. »