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Londres, juillet 2007 : l'ultime aventure d'Harry Potter

par Muriel Delcroix

Article publié le 19/07/2007 Dernière mise à jour le 19/07/2007 à 14:34 TU

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La sortie mondiale en anglais samedi 21 juillet de Harry Potter and the Deathly Hallows, (la version française, Harry Potter et les reliques de la mort, sortira le 26 octobre chez Gallimard), clôt une saga magique qui le temps d’une décennie aura redonné à des millions d’enfants le goût de lire mais aussi confirmé l’immense talent des auteurs britanniques pour la « fantasy », cette version rénovée du conte de fées.

J. K. Rowling(Photo : AFP)

J. K. Rowling
(Photo : AFP)

Il était une fois, dans une contrée lointaine d’Ecosse, une jeune maman célibataire bien décidée à coucher sur le papier un roman colossal qu’elle portait en elle depuis longtemps déjà. Car pour comprendre comment Harry Potter, petit orphelin magicien, inventé par une jeune romancière jusqu’alors inconnue, est devenu un des grands succès de la librairie mondiale pesant dorénavant quatre milliards de dollars, il faut revenir aux origines de la légende dorée de l’apprenti-sorcier. Nous sommes en 1994, à Édimbourg, dans un des nombreux pubs de la ville. Joanne Kathleen Rowling, qui est alors âgée de 29 ans, écrit rageusement sur un coin de table, tandis qu’à ses côtés, sa petite fille Jessica dort dans sa poussette. Elle a déjà tout en tête. Le héros qu’elle met en scène s’appelle Potter, il lui servira pour une saga en sept volumes. Deux ans plus tard, après avoir essuyé pour son manuscrit les refus de douze grands éditeurs anglais (Penguin, Transworld ou HarperCollins entre autres), J.K. Rowling réussit à placer son manuscrit sur le haut de la pile d’une petite maison d’édition: Bloomsbury. L’éditeur décide de tenter l’aventure en éditant à 5 000 exemplaires la première aventure de Harry Potter. Le bouche-à-oreille parmi les enfants, et les parents, accomplira le reste. Notons, en passant, que depuis lors, les éditions Bloomsbury sont cotées en Bourse.

Décennie magique… et lucrative

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La publication en 1997 du premier tome d’Harry Potter marque ainsi le début d’une décennie exaltante durant laquelle des millions d’enfants et d’adultes vont se laisser ensorceler. Tant et si bien que le petit personnage à tignasse noire, lunettes rafistolées et mystérieuse cicatrice en forme d’éclair au front va très vite atteindre le sommet de la gloire littéraire enfantine : à ce jour les six premiers tomes de cette « heptalogie » se sont vendus à quelque 325 millions d’exemplaires à travers le monde et sont traduits dans 64 langues, dans plus de 200 pays. Chaque sortie déclenche désormais une véritable « Pottermania » et les librairies surfent sur le phénomène en restant ouvertes toute la nuit  avec moultes animations et événements spéciaux pour faire face à la demande des amateurs forcenés du plus célèbre élève du collège Poudlard. Qui plus est ce succès a été décuplé par l’industrie cinématographique holliwoodienne qui, depuis 2001, a permis de relancer l’intérêt des gens pour le jeune sorcier. L’adaptation des quatre premiers tomes a d’ailleurs rapporté à la Warner plus de 3,5 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros) de recettes dans le monde. Et Harry Potter et l'Ordre du phénix, adaptation du tome cinq et superproduction de 150 millions de dollars (110 millions d'euros), sorti en salles le 11 juillet ne devrait pas manquer de faire aussi bien, voire mieux. Quant à sa créatrice, la très discrète J.K. Rowling, ce conte de fées littéraire réorchestré par le marketing l’a fait passer de l’autre côté du miroir, dans le monde des riches et célèbres: sa fortune personnelle est estimée à 500 millions de livres sterling, soit environ 750 millions d’euros, plus que la reine d’Angleterre. Et pour couronner le tout, la romancière a été promue officier de l’Empire britannique (OBE) lors des cérémonies du Queen’s Birthday Honours, pour « services rendus à la littérature de la jeunesse ». Et en effet, les livres d’Harry Potter sont en train de devenir légendaires car ils ramènent les enfants à la lecture. Une fois sous le charme, et devant des parents ébahis, ils sont capables de dévorer des ouvrages qui, pour certains, dépassent les 700 pages et donc de laisser de côté - pour un temps - Pokémon, jeux vidéos et autres séries télévisées calibrées pour ados.

Les Anglos-saxons, champions de la « fantasy »

Comment agit le sortilège ? Sociologues, universitaires, spécialistes de la littérature enfantine avancent de nombreuses raisons: un bon timing, la qualité de l’écriture, la nostalgie de l’enfance mais aussi le fait que les aventures du petit sorcier, devenu grand, s'inscrivent dans une longue tradition littéraire, dont J.K. Rowling a dépoussiéré les grands thèmes. « Au départ, il y a beaucoup d'emprunts aux contes de fées, comme aux romans de Dickens. Harry est orphelin, il vit dans une famille qui le maltraite », souligne Isabelle Smadja, auteur d'un essai intitulé Harry Potter, les raisons d'un succès publié aux Presses universitaires de France (PUF). Harry évolue dans un monde merveilleux, peuplé d'êtres fantastiques et d'animaux étranges. Comme avant lui Alice de Lewis Carroll ou Peter Pan de James Barrie, deux grands classiques de la littérature anglo-saxonne. « On est dans le vrai merveilleux anglo-saxon. Ce n'est plus un phénomène de mode, Harry Potter s'est hissé au rang des classiques », note aussi Jean-Luc Bizien, auteur de nombreux livres pour la jeunesse. La saga Potter s'inscrit, selon lui, dans la « fantasy », version rénovée du conte de fées que les spécialistes font remonter au Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, avec ses elfes et ses sortilèges. Sans oublier les références au Seigneur des anneaux du Britannique J.R.Tolkien, qui sont nombreuses. Mais ce que J.K. Rowling a su faire qui n'était pas dans Le Seigneur des anneaux, selon ce spécialiste, ce sont les rapports humains. « Elle a su faire grandir ses personnages ».

Et pourtant J.K. Rowling dit ne pas croire à la philosophie des contes de fées: « Les gens voudraient que la vie soit simple et nette. Mais vous connaissez les quatre vérités énoncées par Bouddha. La première de ces vérités est la suivante : la vie n’est que souffrance. Je souscris complètement à cette maxime ». Oui, la vie n’est pas simple et nette. C’est pour cette raison que les livres d’Harry Potter deviennent de plus en plus sombres au fur et à mesure qu’Harry grandit. Et il est vrai qu’à partir du 4e tome qui aborde la mort, le monde d’Harry Potter devient de plus en plus effrayant. Sa créatrice a ainsi annoncé en juin 2006 que le tome 7 serait le dernier et, surtout, que deux personnages principaux mourraient. Depuis les rumeurs les plus folles courent à travers le monde et l’attente est devenue presque insoutenable pour les millions d’enfants qui suivent aveuglément J.K. Rowling… Comme le petit joueur de flûte d’Hamelin.