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Histoire & géographie

Rendez-vous à la Société de géographie

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 28/09/2007 Dernière mise à jour le 28/09/2007 à 16:40 TU

(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

C’est derrière la chaise à porteurs du navigateur La Perouse (1741-1788) que Sylvie, la secrétaire de la Société de Géographie, a branché la bouilloire qui lui sert à faire chauffer l’eau de ses infusions. Une proximité qui, à elle seule, en dit long sur l’itinéraire de cette Société de géographie qui fêtera bientôt ses 200 ans. D’ailleurs, Jean Bastié, son président, reconnaît que la Société est désormais plus connue à l’étranger qu’en France : « Tous les jours, je reçois la visite d’étrangers de passage à Paris. Hier, par exemple, c’est une Brésilienne qui est venue à l’improviste pour se procurer notre dernière publication dédiée au géographe Jean Gottman ». Notre hôte, qui pousse depuis plus de 40 ans la porte de cette vénérable maison située au 184 boulevard Saint-Germain, à deux pas du café Le Flore, s’enorgueillit toutefois, d’avoir réussi après 12 ans de présidence à multiplier le nombre des adhérents par un peu plus de 2 pour le porter à un millier. Mais, avoue-t-il, « notre chance, c’est d’être propriétaire de l’immeuble et donc, pour l’essentiel, nos revenus proviennent des loyers ». L'imposante façade de la Société de géographie n'est plus guère en effet que la mémoire en trompe-l'oeil d'une gloire passée. Signe des temps ou ironie du sort, c'est désormais une école de commerce qui occupe les deux premiers étages de l'immeuble. Et il n'est pas dit que ses étudiants sachent que c’est là, juste au dessus de leurs têtes, que s’est réuni, en 1879, le Congrès qui décida de la construction du canal de Panama ou encore, en 1913, le 1er Congrès pan-arabe.

Modèle posant en samouraï. Entre 1871 et 1877 (Japon).
Attribué à Raimund von Stillfried-Ratenicz.© BnF, département Cartes et plans, Société de géographie.

Modèle posant en samouraï. Entre 1871 et 1877 (Japon). Attribué à Raimund von Stillfried-Ratenicz.
© BnF, département Cartes et plans, Société de géographie.

Plus vieille Société savante française et plus ancienne Société de Géographie au monde, la Société de Géographie occupa en effet, dès sa fondation le 15 décembre 1821, un rôle de premier plan, et pas uniquement à l’échelle nationale. Loin s’en faut même : « A l’origine, rappelle Jean Bastié, si la Société n’était ni ‘de Paris’ ni ‘nationale’, c’est parce qu’elle se voulait à portée universelle ». Ainsi le voulurent ses 217 fondateurs issus de tous les milieux puisqu’on y croisait autant de littéraires que de scientifiques. Gay-Lussac mais aussi Chateaubriand figurent sur la liste de ses sociétaires, à part égale. Ce mélange des disciplines a d’ailleurs perduré même après l’essor de la géographie un peu avant 1914. Et dès sa création, la Société de Géographie a entretenu des échanges avec tous les pays, « ce qui explique, poursuit Jean Bastié, que sa collection de photographies soit la plus riche au monde même devant les Etats-Unis. Les toutes premières images de l’Ouest américain, de l’Egypte, de la Tunisie, de la Chine et même du Japon, sont ici, à Paris ». Et notamment à la Bibliothèque nationale de France où ce précieux fond, composé certes majoritairement de photographies mais aussi d'ouvrages, d'albums, de cartes et de dessins, a été déposé en 1941, devenant ainsi propriété de l’Etat français, au nez et à la barbe des Allemands qui envisageaient à l’époque de s’en emparer pour le déménager à Berlin. Et au vu des moyens qui sont les siens aujourd’hui, Jean Bastié se réjouit de ce transfert qui a permis à ces fabuleux trésors d’être entretenus voire sauvés. Montrant les dizaines de cartons qui encombrent la salle de réunion depuis le début de l’été, don d’un ex-membre décédé l’an passé et spécialiste émérite de la Scandinavie, celui-ci se désole d’être bien seul pour alerter les autorités compétentes sur le sort des milliers de diapositives qui, au contraire des ancestrales plaques de verre, ne vivront pas ad aeternam. « Rien que moi, j’en possède 30 000 diapositives », soupire-t-il du haut de ses 88 ans avant de citer la scène de L’Avare de Molière où Harpagon demande à maître Jacques, son homme à tout faire y compris la cuisine, de préparer un repas avec… rien.

(Photo : RFI)

(Photo : RFI)

En dépit d’une audience qui se réduit comme peau de chagrin en France où l’on ne compte plus que 5 « antennes » encore vivaces (dont une à Marseille) contre les 35 répertoriées il y a un siècle, la Société de géographie poursuit bon an, mal an ses activités : publication, voyages pour ses adhérents, conférences, visites d’expositions sans oublier la remise de ses 5 grands prix dont celui d’Océanographie. Quant à sa revue, trimestrielle, elle continue à écumer tous les continents puisqu’elle est échangée avec plus de 230 autres revues de géographie et est bien sûr envoyée aux 150 Sociétés qui existent de par le monde. « Tourisme et mondialisation : vers une disneylisation universelle ? », peut-on lire parmi les questions abordées dans le n°1525 de La Géographie datant du mois de juin dernier… Interrogation qui semble décidément décalée au regard du bouclier touareg qui paraît sommeiller au fond de l’une des vitrines de la salle de réunion. Pas certain non plus que la bibliothèque murale qui abrite la collection complète de tous les numéros de la revue depuis sa création en 1822 ait, un jour, imaginé, introduire dans ses rayons la référence à des parcs... d'attractions.