Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cinéma

Namur, des films du côté de la vie

par Kèoprasith  Souvannavong

Article publié le 04/10/2007 Dernière mise à jour le 04/10/2007 à 14:16 TU

DR

DR

Les ravages de la guerre, l’amour et l’amitié plus forts que la mort sont parmi les nombreux thèmes abordés par la centaine de longs et courts métrages qui a été présentée lors du 22e Fiff, le Festival international du film francophone de Namur, en Belgique (28 septembre -5 octobre 2007). Illustration de cette tendance avec Sous les bombes du Libanais Philippe Aractingi et Manon sur le bitume de la Française Elizabeth Marre. Le premier raconte l’histoire d’une mère qui part retrouver son fils au Sud Liban alors que la guerre vient d’éclater. Le second est le récit d’une jeune fille qui vient d’avoir un accident de la route.

De notre envoyé spécial dans la capitale wallonne.

Philippe Aractingi, réalisateur libanais du film <em>Sous les bombes</em>.(Photo : Kèoprasith Souvannavong / RFI)

Philippe Aractingi, réalisateur libanais du film Sous les bombes.
(Photo : Kèoprasith Souvannavong / RFI)

De belles maisons ornent les collines paisibles du Sud Liban. Soudain, plusieurs d’entre elles s’écroulent sous un déluge de bombes. Les premières images donnent d’emblée le ton du deuxième long métrage de Philippe Aractingi. Nous sommes en août 2006, en pleine période de guerre entre Israël et le Hezbollah chiite libanais. Le Pays du Cèdre subit depuis 33 jours d’intenses bombardements. Au 34e jour, un cessez-le-feu s’installe sous l’égide des Nations unies. En ruine, le Liban compte alors 1189 morts et près d’un million de déplacés.

Sous les bombes, entre engagement et émotion

Conçu et tourné à chaud dans les véritables décors, Sous les bombes allie documentaire et fiction. Alors qu’un simple film documentaire aurait probablement suffit pour traduire la réalité d’un pays détruit, le réalisateur assume son choix : « J’ai à mon actif 40 documentaires. Souvent, ce genre s’adresse au mental. Il explique, donne satisfaction à un désir de comprendre. La différence entre faire jouer des acteurs et produire un documentaire pur est que les acteurs peuvent ressentir, et avec eux, le public, par association ou identification. Le message passe donc plus facilement par l’émotionnel que par le cérébral ».

DR

DR

Présenté en compétition internationale pour le Bayard d’or du meilleur film, Sous les bombes met en scène Zeina, une Libanaise expatriée à Dubaï. En procédure de divorce, elle décide d’envoyer son fils de 6 ans, Karim, chez sa sœur à Kherbet Slem, un petit village du Sud Liban, pour le protéger des disputes conjugales. Quelques jours plus tard, la guerre éclate. Prise d’angoisse et de panique, Zeina part aussitôt pour son pays natal. Mais avec le blocus, elle n’arrive au port de Beyrouth que le jour du cessez-le-feu. Contre une forte somme d’argent, Tony, un chauffeur de taxi, accepte de l’emmener dans le Sud, devenu une zone de combats. Ils traversent, comme dans une sorte de road movie, un pays dévasté, à la recherche de Karim. A chaque centre d’accueil de réfugiés qu’ils visitent, les témoignages des déplacés reflètent l’ampleur des drames personnels : mari et beau-frère tués sous les décombres pour les uns, cousine ou soeur abattue pour les autres, des enfants devenus orphelins… sauf que ceux qui s’expriment jouent leur propre rôle, car il n’y a que quatre acteurs dans le film. « Les réfugiés ont participé pleinement. Ils savaient que l’on élaborait un film pour eux. Ils étaient innocents, et la guerre leur est tombée dessus comme un tsunami », rappelle Philippe Aractingi qui affirme ne pas avoir voulu faire un film politique, mais plutôt engagé : « Je ne me suis rangé ni d’un côté, ni de l’autre des belligérants. Je n’avais pas non plus l’intention de dénoncer. Tel le Dalaï Lama, j’ai souhaité élever le niveau de conscience. J’ai essayé de donner une conscience différente d’un même événement couvert par tous les médias ». Et d’ajouter : « J’ai conçu ce film dans la douleur. Je devais transformer ma colère et ma haine de voir mon pays à nouveau détruit en un acte créatif ». Le Liban a en effet été ravagé par de multiples guerres, comme celles de 1975, 1982, 1984, 1989, 1996, et 2006. « Le Liban est un pays qui se suicide pendant qu’on l’assassine », dit d’ailleurs un poète en référence aux luttes fratricides et aux interventions de puissances extérieures.

Sous les bombes marque aussi la rencontre entre deux êtres que tout sépare a priori. Zeina (divinement interprétée par la belle Nada Abou Farhat) est chiite, et Tony (alias Georges Khabbaz, une véritable vedette au Liban) chrétien. Dans leur errance à travers un pays en proie au chaos, ils vont apprendre à s’aimer. Mais après un début captivant, le film, qui a coûté 1,5 million d’euros, souffre toutefois d’une longueur certaine. Une longueur que justifie cependant son réalisateur : « Il règne une confusion totale dans le pays. La quête de Zeina prend par conséquent du temps. Elle cherche désespérément son fils alors que les gens auprès de qui elle se renseigne ne savent même pas où se trouvent les leurs ».

Loin des clichés des films de guerre où les scènes sont souvent reconstituées, Sous les bombes a le mérite de ne pas montrer les morts, mais de les faire sentir, renforçant ainsi son réalisme. « J’ai évité d’exhiber les cadavres. Nous en avons trop vu », confie Philippe Aractingi, né à Beyrouth en 1964.

Manon sur le bitume, un hymne à la vie

Elizabeth Marre, réalisatrice française du court métrage <em>Manon sur le bitume</em>.(Photo : Kèoprasith Souvannavong / RFI)

Elizabeth Marre, réalisatrice française du court métrage Manon sur le bitume.
(Photo : Kèoprasith Souvannavong / RFI)

De la mort et de l’amour, il en est également question dans Manon sur le bitume, mais dans un tout autre registre. Suite à un accident de vélo, une jeune femme prénommée Manon se retrouve entre deux mondes : celui de la vie et celui de la mort. Ses pensées vagabondent vers ses proches, ses amis, et vers ce qu’elle aurait aimé ou pu faire de son vivant. L’esprit du film se veut léger. « On dirait que c’est facile de mourir au printemps », peut-on lire dans le synopsis. « Cette phrase est un clin d’œil à la chanson. Elle n’est pas dite dans le film. Nous l’avons mentionnée parce que nous voulions aborder un sujet grave de façon distanciée. En plus, traiter de ce thème de façon grave a déjà été fait plusieurs fois, et avec beaucoup de talent », précise la jeune Française Elizabeth Marre qui co-réalise ce court métrage avec Olivier Pont, un ami rencontré en cours de théâtre.

DR

Même s’il n’est pas plus facile de s’éteindre au printemps qu’à une autre saison, le film souligne l’importance de la vie dont carpe diem serait le maître mot, afin de ne rien regretter par la suite. « L’amour et l’amitié forment le pendant de la mort. C’est ce qui reste après notre disparition », estime Elizabeth Marre, admiratrice de Jacques Audiard et du cinéaste hongkongais Wong Kar-Wai.

Tourné en 35 mm, en format scope, Manon sur le bitume est comme un parfum frais et subtil, faisant presque oublier le dernier soupir de son héroïne. Il concourt pour le Bayard d’or du meilleur court métrage du Festival international du film francophone de Namur (Fiff). Devenu une vitrine du 7e Art francophone, ce dernier a accueilli plus de 33 000 spectateurs l’an passé.