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Commémoration

Gandhi, succès de librairie

par Tirthankar Chanda

Article publié le 28/01/2008 Dernière mise à jour le 01/02/2008 à 16:04 TU

Figure essentielle de notre temps, Gandhi inspire à l’occasion du soixantième anniversaire de sa mort une foultitude de livres de vulgarisation ou de réflexion sur sa pensée et son destin. Jacques Attali, Catherine, Clément, Irène Frain, José Frêche et d’autres signatures connues et moins connues se sont employées avec plus ou moins de bonheur à faire revivre le grand homme avec tous ses paradoxes. Leurs livres font découvrir et redécouvrir la pertinence des idées de Gandhi sur la non-violence, sur l’autosuffisance économique ou sur l’écologie avant la lettre.

Le 30 janvier 1948, disparaissait Gandhi, abattu à bout portant par un fanatique hindou. Survenue à peine quelques mois après l’indépendance indienne, cette mort tragique symbolise l’oubli relatif dans lequel les idées de Gandhi sont tombées dans ce pays, malgré le rôle important que ses idées ont joué dans la libération du peuple indien. Or si l’Inde a oublié son libérateur, sa pensée et sa vision d’un monde non-violent sont restées toujours très vivace en Occident, notamment depuis 1924 quand un français nommé Romain Rolland a fait connaître Gandhi dans le monde entier en publiant un des tout premiers livres (1) sur celui que le prix Nobel français appelait l’« autre Christ ». Tout au long de sa vie, malgré les erreurs de Gandhi qu’il ne manquera pas de pointer du doigt telles que la visite de celui-ci à Mussolini en 1931, Romain Rolland demeurera fidèle à ce maître-à-penser oriental qu’il n’hésitera pas à qualifier de « la lumière la plus sûre, la plus pure à briller dans le ciel sombre de notre temps... L’étoile qui nous montre la route - la seule qui reste ouverte vers le salut ».

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Depuis 1924 et surtout après la mort violente de l’apôtre de la non-violence, chaque anniversaire ou commémoration a servi de prétexte aux admirateurs du grand homme pour publier des ouvrages, plus ou moins intéressants sur cette figure essentielle du 20e siècle. Le soixantième anniversaire de la disparition de Gandhi ne déroge guère à la règle. Les volumes parus depuis un an pour commémorer ce triste anniversaire vont des biographies aux recueils des textes de Gandhi, en passant par des livres de réflexion sur tel ou tel aspect de la pensée gandhienne. Gandhi et l’Inde(2), une des publications les plus remarquables de la moisson du soixantième anniversaire, appartient à la dernière catégorie. Tout l’intérêt de ce bref livre réside dans la réflexion sur la singularité et la modernité de la pensée de Gandhi. Partant des discours prononcés par Gandhi et des extraits de correspondance, Philippe Godard montre avec un brio certain que les idées de Gandhi sur l’autosuffisance rurale qu’il préconisait pour l’Inde, sa promotion d’une économie qui bannit le superficiel, le gaspillage et le tout-mécanique entrent en résonance avec nos inquiétudes contemporaines sur le devenir de la planète, et de l’humanité. Loin d’être passéiste, Gandhi est d’une actualité saissisante, nous rappelle Godard.

Parmi les biographies, signalons Gandhi ou l’éveil des humiliés sous la plume de Jacques Attali, Gandhi, athlète de la liberté (3) qu’on doit à Catherine Clément ou un récit de vie en deux volumes, tout à fait passionnant et événementiel, par José Frêche (4). Paru dans la collection « Découvertes-Gallimard », le volume que Catherine Clément consacre au père de la nation indienne, est une réédition. Agrémenté de photos, d’illustrations historiques et culturelles, et complété par une section « Témoignages et documents », l’ouvrage s’adresse à des jeunes adultes dont la connaissance de l’épopée gandhienne se limite pour la plupart d’entre eux au film Gandhi, très grand public, de Richard Attenborough. A travers un portrait en rien hagiographique, la philosophe française dont on connaît les liens privilégiés avec l’Inde met l’accent sur l’originalité de la résistance gandhienne qui relève autant du souffle physique que de la quête spirituelle. « En cette matière, s’il est chercheur, écrit Clément, il est aussi athlète tant de corps que d’esprit. Athlétique, son combat pour les libertés jusqu’à soixante dix-huit ans; athlétique aussi, son corps de marcheur et d’ascète, et de sa capacité à jeuner sans mourir, un véritable exploit ».

Davantage des reconstructions que des réflexions, les récits biographiques de Gandhi que nous proposent José Frêche sous les titres porteurs Je suis un soldat de la paix et L’Inde sera libre et Irène Frain dans sa Liberté en marche (5), valent par la qualité journalistique de leurs styles. C’est en romanciers best-sellers que ces deux auteurs restituent les grands moments de la vie et du combat du leader indien. Leurs livres transmettent  l’atmosphère d’un pays, l’épaisseur d’une époque et le souffle de la voix d’un homme hors du commun. « Je me suis contenté de mettre Gandhi en scène et de le faire parler, pour que le lecteur puisse le regarder vivre », dit José Frêche. Une totale réussite.

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On lira aussi avec intérêt l’anthologie des textes de Gandhi que publie les éditions Buchet-Chastel sous le titre Résistance non-violente (6). Composé de deux cents articles, rédigés par Gandhi entre 1920 et 1946, ce volume nous conduit au coeur de la pensée gandhienne: le « satyagraha » ou la résistance par la non-violence. Gandhi n’a pas inventé la non-violence. D’autres tels que le Bouddha ou Tolstoï l’ont pensée avant lui. Pour Tolstoï, comme le raconte Jacques Attali dans son livre, en citant l’auteur de Guerre et Paix : La non-violence est la lutte « de la douceur contre la grossièreté, de la mansuétude et l’amour contre l’orgueil et la violence ». L’originalité de Gandhi est d’avoir su arracher ce concept théorique des domaines de l’idéalisme littéraire et de la métaphysique pour en faire une arme de combat efficace, dont se serviront les Indiens en lutte pour leur indépendance. Et non-seulement, les Indiens, mais le monde entier, de Nelson Mandela à Martin Luther King, en passant par N’Krumah, Lech Walesa, Aung San Suu Kyi et plus récemment les révolutionnaires « orange » d’Ukraine et de Géorgie qui se sont réclamées de la non-violence gandhienne. Cette universalité explique sans doute que soixante ans après sa mort, l’homme Gandhi et ses énigmes continuent d’inspirer les écrivains du monde entier.

(1) Gandhi, par Romain Rolland. Paris, Stock, 1924

(2) Gandhi et l’Inde, un rêve d’unité et de fraternité, par Philippe Godard. Paris, Syros, 2007

(3) Gandhi, athlète de la liberté, par Catherine Clément. Paris, Gallimard, 2007

(4) Gandhi, en deux volumes: Je suis un soldat de la paix et L’Inde sera libre, par José Frêches. Paris, XO éditions, 2007

(5) La liberté en marche, par Irène Frain. Paris, Timée-2007

(6) Résistance non-violente, par Gandhi. Paris, Buchet-Chastel, 2007 

Biographie

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Gandhi raconté par Jacques Attali

28/01/2008 à 18:32 TU