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Exposition

Vlaminck, version fauve

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 25/02/2008 Dernière mise à jour le 25/02/2008 à 14:50 TU

Drôle de parcours que celui de Maurice de Vlaminck qui avant de s’adonner pour de bon à la peinture fut d’abord coureur cycliste. Jusqu’à ce qu’une maladie, vers l’âge de vingt ans, le détourne définitivement de la petite reine et le décide à ne plus s’occuper que de ses pinceaux, à Chatou, sur les bords de la Seine où il s’est installé à l’âge de 16 ans, loin des siens. Cette vocation tardive, s’il la doit à un problème de santé, est également à mettre sur le compte du hasard qui, en 1900, lui fait rencontrer dans un train de banlieue le peintre André Derain avec qui il se lie d’amitié. Sa découverte enfin de l’œuvre de Van Gogh et de sa vision chromatique le conforte dans son choix, lui l’autodidacte qui se reconnait immédiatement dans ce recours à la couleur pure détaché de toute démarche intellectuelle.

Autoportrait (1911)
Paris,Centre Georges Pompidou,Musée National d’Art Moderne.
© Photo CNAC/ MNAM © ADAGP

Autoportrait (1911) Paris,Centre Georges Pompidou,Musée National d’Art Moderne.
© Photo CNAC/ MNAM © ADAGP

L’exposition baptisée Vlaminck, un instinct fauve commence donc au moment où celui-ci embrasse sa nouvelle carrière, à une époque, qui plus est, qui correspond à de profonds bouleversements esthétiques dans la peinture moderne, ce qui, là encore, n’est pas pour déplaire à cet esprit volontiers rebelle qui ne cache pas son penchant pour les idées anarchistes. Il aurait d’ailleurs été l’un des tout premiers à se passionner pour l’art nègre, et cela dès 1904, année de sa rencontre également avec le poète Guillaume Apollinaire. A travers une centaine d’œuvres, le visiteur découvre un Vlaminck au croisement de deux influences, l’une d’inspiration impressionniste avec des sujets « à la Monet » ou des compositions, plus tard, « à la Cézanne » (qui meurt en 1906) et l’autre liée à son goût pour la couleur sur le modèle d’un Van Gogh ou d’un Signac.

« Je haussais tous les tons, je transposais dans une orchestration de couleurs pures tous les sentiments qui m’étaient perceptibles. J’étais un barbare tendre et plein de violences », écrit-il en 1912. Confession qui le range évidemment du côté des Fauves et méthode qu’il applique majoritairement aux paysages que lui inspire la vallée de la Seine, son motif de prédilection avec son lot de ponts, péniches et autres berges. Cet enracinement le distingue d’ailleurs des autres fauves qui, à la même époque, découvrent la lumière du Midi. Son premier voyage dans le sud de la France, Vlaminck ne l’effectuera qu’en juillet 1913, sur l’invitation de Derain qui séjourne alors à Martigues. Quoi qu’il en soit, en 1905, 5 de ses toiles sont présentées au Salon d’automne et l’année suivante, il envoie 8 tableaux au Salon des Indépendants. Dans le même temps, le marchand Ambroise Vollard s’intéresse à son œuvre, et va même jusqu’à acheter une grande partie de son atelier au printemps 1906. En 1910, alors que Vlaminck s’est éloigné du fauvisme pour s’adonner à la construction cézanienne, Vollard lui consacre une exposition dans sa galerie.

Mais même préoccupé par d’autres questions esthétiques, Vlaminck ne renonce pas vraiment à cette palette énergique, instinctive qui peut aussi se faire empâtée et, partant, assez « vilaine ». D’autant que l’audace qui avait tant séduit Vollard va peu à peu se diluer. Là où d’autres tels que Picasso et Braque s’engagent dans l’aventure du cubisme, là où un Matisse poursuit son travail sur la couleur, Vlaminck lui ne se contente plus que de (se) répéter sans réussir à dégager une voie, à imposer une vision personnelle, à introduire une poésie singulière. La fin de sa carrière, au-delà donc de 1915, année retenue pour refermer l’exposition parisienne, sera d’ailleurs marquée par une forme de réclusion volontaire et un rien aigrie à constater le succès de ses anciens camarades. « Je suis heureux tout seul, dans le vent, dans la pluie, dans les éléments, avec ma pipe », écrira-t-il, fidèle jusqu’au bout à ce langage physique qu’est pour lui la peinture.

Les ramasseurs de pommes de terre, 1905
Kunststiftung Merzbacher
© Droits réservés © ADAGP

Les ramasseurs de pommes de terre, 1905 Kunststiftung Merzbacher
© Droits réservés © ADAGP

Vlaminck, un instinct fauve. Une exposition à voir au musée du Luxembourg à Paris jusqu'au 20 juillet.