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«Mémoires d'Arabie», un itinéraire photographique

par François-Xavier Trégan

Article publié le 17/03/2008 Dernière mise à jour le 19/03/2008 à 13:29 TU

Vue de la Mosquée de La Mecque, M. Sadic Bey (1881).(DR)

Vue de la Mosquée de La Mecque, M. Sadic Bey (1881).
(DR)

Inaugurée au Qatar le 14 janvier dernier, l’exposition Mémoires d’Arabie fait escale au Yémen. Pour la première fois, une mémoire photographique des sept pays de Jazirat al-Arab, la Péninsule des Arabes, est présentée. Pascal Gueyle, le commissaire de l’exposition, a arpenté pendant deux années la région, fouillant les collections publiques et les fonds privés. Il en ressort un itinéraire spectaculaire, ponctué de documents rares et inédits. Ils illustrent les profondes mutations sociographiques et urbaines qui ont fait basculer la région dans l’ère de l’opulence et du spectaculaire architectural. La Péninsule arabique, entrevue par le prisme réducteur de la manne pétrolière, reste d’abord un espace d’hommes et de lieux, de métiers et de reliefs. Mémoires d’Arabie nous invite à cette redécouverte, de l’invention de la photographie aux années 1960.  

Un voyage dans la péninsule arabique à travers quelque 120 clichés, telle se présente Mémoires d'Arabie qui, pour la première fois, propose une mémoire photographique des sept pays de la Péninsule arabique. Réunie à l'initiative de Cultures France, cette mémoire vise à briser le regard souvent réducteur que l’on pose habituellement sur cette région. Non, l’Arabie n’a pas toujours été cet espace richement façonné par la manne pétrolière, jalonné de buildings monumentaux ou de marinas artificielles jaillies du génie imaginatif des ingénieurs.

Chameau nourri de dattes et de poissons séchés au Yémen, Hermann Burchardt (1904).(DR)

Chameau nourri de dattes et de poissons séchés au Yémen, Hermann Burchardt (1904).
(DR)

Patiemment, Pascal Gueyle, le commissaire de l'exposition, a choisi les plus beaux indices visuels des hommes et des lieux, des métiers et des reliefs, des débuts de la photographie aux années 1960. L’ensemble fait écho à une vie quotidienne pour partie disparue, celle d’avant la découverte de l’or noir. Il est un hommage au passé prestigieux de Jazirat al-Arab, la péninsule des Arabes. Pascal Gueyle a arpenté les collections publics et les fonds privés de toute la région, provoquer la chance aussi, en fouillant dans les cartons des familles Omanaises, où sommeillaient des clichés exceptionnels vieux de 150 ans. Il en ressort un itinéraire unique de sept étapes, chacune correspondant à un pays : Yémen, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Emirats Arabe Unis, Bahreïn et Koweït. Un itinéraire qui souligne les mutations qui feront basculer la Péninsule arabique, la fraction de quelques années, dans un présent moderne et opulent.

Juifs étudiant la Torah dans la synagogue de Sanaa, Hermann Burchardt (1907).(DR)

Juifs étudiant la Torah dans la synagogue de Sanaa, Hermann Burchardt (1907).
(DR)

A l’extérieur de la galerie du Musée National de Sanaa, les premières photos du Yémen prises par Monfreid, Bartholdi et Rimbaud accueillent le visiteur. L’autoportrait de 1883 du jeune poète français est une des rares traces de son passage au Yémen. Puis on se glisse aux abords d’une vieille maison de la ville de Moka, auprès de juifs étudiant la Torah dans une synagogue à Sanaa en 1907 ou de femmes transportant de la bouse de vache séchée utilisée comme combustible ; les vues historiques de la Mecque du Colonel Egyptien Mohammad Sadic Bey, alors en mission topographique, sont parmi les premières traces visuelles du Lieu Saint, en 1881. On voyage avec le Brocart parti d’Egypte à dos de chameaux pour recouvrir la Kaaba, côtoie le Grand Chérif de la Mecque ou Cheokit Pacha, chef de la mosquée de Médine et les serviteurs du tombeau de Mohammad. Une série de portraits des personnalités saoudiennes marque le passage de l’interdit de l’image à la passion du portrait. Les vues aériennes des villes accentuent sans doute le plus le contraste avec les bouleversements urbains de Koweït City ou des Emirats arabes unis, où le fort Al Hosn d’Abou Dhabi, du XVIIIème siècle, est aujourd’hui encerclé d’imposants édifices en verre. Les pêcheurs de perles de Bahreïn posent fièrement sur un boutre dans les années soixante, peu avant la disparition de cette activité. Ils esquissent un sourire difficilement compatible avec ce métier de labeur.

Leurs descendants, souligne Pascal Gueyle, ont d’abord eu quelques réticences à autoriser la présentation publique de leurs ainés torses nus, un témoignage archaïque, une pose contraire au souffle d’opulence qui balaye le Royaume. A côté, la famille régnante de Bahreïn pose alignée, spectaculairement hiératique face à l’objectif qui capture la scène en 1920. On découvre l’étendue du fond d’Hermann Burchardt, alors que le photographe d’origine allemande était jusqu’alors surtout connu pour sa couverture méticuleuse du Yémen, où il sera d’ailleurs assassiné. Une classe d’école rend hommage à un Koweït précurseur dans le domaine de l’éducation, mais aussi de la santé.

Salle de classe à Koweit City (Années 60).(DR)

Salle de classe à Koweit City (Années 60).
(DR)

Le voyage photographique témoigne certes des bouleversements rendus possibles par les ressources énergétiques de cette zone. Mais il souligne aussi la place spécifique que peut y occuper le Yémen, dont l’imagerie d’hier garde de nombreuses affinités avec le réel d’aujourd’hui. Aux visiteurs de s’interroger sur les mutations que l’Arabie Heureuse pourra alors connaître, à son tour, en prenant la voie de la modernisation. Il revient maintenant à la Péninsule arabique, alerte Pascal Gueyle, de réfléchir aux moyens de sauvegarder ces documents uniques, dans le cadre d’un centre patrimonial qu’il appelle de ses voeux. 

L’exposition poursuivra son itinéraire dans les autres pays de la Péninsule jusqu’au premier trimestre 2009, avant de gagner l’Europe.

 

Mémoires d’Arabie à voir successivement 

Au Yémen, Sanaa, Aden, 15 février -31 mars 2008

Au Koweït, Koweït City, 10 avril -10 mai 2008

Aux Emirats Arabes Unis, Abou Dhabi, Dubaï, 20 mai -30 juin 2008

En Arabie Saoudite, Riyad, Djeddah, Abha, 12 octobre -15 décembre 2008

A Oman, Mascate, Salalah, 20 novembre -31 décembre 2008

A Bahreïn, Manama, 15 décembre 2008 -31 mars 2009

Rappelons par ailleurs que Mémoires d’Arabie est une composante d’un projet plus vaste, Focus, composé d’un DVD présentant les photographes contemporains du Golfe et d’un ouvrage de prestige : Arabies Heureuses de Mounira Khemir et Pascal Gueyle, publiées aux éditions Mengès à Paris.