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Phénomène

«Bienvenue chez les Ch'tis» : La France à l'unisson !

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 27/03/2008 Dernière mise à jour le 09/04/2008 à 13:00 TU

© Pathé Distribution

© Pathé Distribution

Un mois, jour pour jour, après sa sortie nationale, le 27 février dernier, Bienvenue chez les Ch’tis enregistrait précisément 14 603 100 entrées. S’il est plus facile aujourd’hui d’aller le voir en salle, il n’y a pas si longtemps, dans certaines salles de province, sans réservation, ce n’était pas la peine d’y compter. Une salle pour 3 voire 4 communes et le public, d’ordinaire moins pressant, n’avait plus qu’à prendre son mal en patience ! Du coup, chez Pathé, le distributeur du film, on se prend à rêver de records historiques : doubler à la fois Titanic (21 millions d’entrées en France) et déloger La Grande vadrouille, le film français qui, avec 17 millions d’entrées, détient le record de spectateurs. Mais jusqu’à quand ? Car le désir n’est pas utopique. Aucun des deux films susmentionnés n’ayant réussi de tels scores en si peu de temps. Sans oublier le taux de satisfaction du public qui atteint 67%, un chiffre là encore exceptionnel.   

Des préjugés …

Pourtant, rien a priori n’aurait permis d’imaginer que la comédie de Dany Boon se distinguerait pareillement du lot. Choisir le Nord, la région natale du réalisateur, comme cadre voire objet d’un film, on a déjà vu argument plus « vendeur ». Le cinéma a même douloureusement entretenu le mythe d’un Nord, miséreux, pluvieux, et pour tout dire, sinistré. Que l’on songe à Germinal, à Ça commence aujourd’hui ou encore à La vie de Jésus de Bruno Dumont, enfant lui aussi du « plat pays » mais versant sombre. Toute l’astuce de Dany Boon a d’ailleurs consisté à se jouer des clichés qui plombent le Nord.

Son personnage principal, un méridional postier de son état qui rêve d’être nommé à Cassis, se voit expédié, à la suite d’une faute grave, à Bergues où il prendra la direction de la poste pour une durée de trois ans. Autant dire, le bagne. Le climat, l’accent ch’timi, les habitants passablement dégénérés, la pauvreté, la chicorée, le maroilles, les maisons en briques, les baraques à frites, les beffrois (qu’on évitera de prendre pour des clochers), l’alcool jusqu’au terril qui finira par apparaître, mais sur le tard et sans s’attarder… Dany Boon a tout mis de son Nord adoré. Tant et si bien qu’il est devenu, si l’on en croit un sondage, la deuxième personnalité la plus représentative du Nord, après de Gaulle. Rien moins !

Dany Boon© Pathé Distribution

Dany Boon
© Pathé Distribution


… Et des valeurs
 

Et chacun de se perdre en conjectures pour tenter d’expliquer ce raz de marée ch’tis qui réconcilie dans une belle unanimité la France entière, pour essayer d’élucider le mystère du succès ahurissant d’une comédie certes bien troussée mais bon enfant.

Premier argument, la sortie anticipée dans le Nord, une semaine avant la sortie nationale. Une option qui s’est révélée extrêmement payante. Les quelques 550 000 spectateurs nordistes qui se sont rués dans les salles ont provoqué une attente voire une impatience dans le reste du pays qui, disons-le, fut plutôt bien pourvu quand le 27 février fut venu, Bienvenue chez les Ch’tis étant, ce jour-là, présenté dans environ 800 salles.

 Deuxième atout de choc, la sincérité de Dany Boon, né à Armentières et dont l’amour pour sa région est tout sauf feint. L’humoriste met d’ailleurs l’enthousiasme des spectateurs sur le compte de « l’authenticité, de l’humanité » de son film. Un film qui présente, qui plus est, un bout de France idyllique où l’on ne parle pas de chômage, où l’on boit pour trinquer et surtout pas pour oublier, et où le sens de l’accueil, de l’écoute, du partage et de la solidarité frise l’excellence. Nul cynisme, pas davantage de vulgarité. Le registre défendu est celui de la tendresse, de l’humilité et de la générosité et le cadre, celui d'une France d'hier. De quoi rassurer en ces temps anxiogènes qui célèbrent partout l’individualisme et le « travailler plus pour gagner plus ».

Mais si le rire a d’incontestables vertus consolatrices et réparatrices, il peut aussi se montrer passablement réducteur. Le sens, cette fois, des voix qui s’élèvent, y compris dans le Nord, pour dénoncer qui le côté « franchouillard » (le sociologue Michel Wieviorcka) du film, qui son aspect « populiste et démagogue qui ne rend pas compte des réalités du Nord » (l’écrivain Michel Quint), qui, enfin, « le refoulement d’une réalité nommée ‘mondialisation’ » (Les Inrockuptibles). « Ce n’est plus la grande angoisse des délocalisations, poursuit le magazine, c’est la petite peur des mutations professionnelles ».

Quelles que soient les raisons, bonnes ou mauvaises, du triomphe de Bienvenue chez les Ch’tis, une chose est sûre : les salles françaises se frottent les mains avec une hausse de la fréquentation de plus de 65% par rapport à l’an passé, à la même époque. Et pendant ce temps-là, Bergues, désormais aussi célèbre que la Cannebière, de proposer un circuit sur les lieux du tournage du film, histoire, sans doute, de ne pas perdre le nord....

DR

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Les objectifs du 27 mars ont été remplis voire dépassés. Le 7 avril, soit deux semaine plus tard, Bienvenue chez les Ch'tis ravissaient la première place à Bourvil et de Funès dans La grande vadrouille, devenant avec 17 405 832 entrées le film français le plus vu dans l'hexagone. Nouvel objectif, faire couler Titanic et ses quelque 21 millions de spectateurs.   

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