par Elisabeth Bouvet
Article publié le 14/05/2008 Dernière mise à jour le 15/05/2008 à 13:19 TU
Pour présenter une sélection forte de 22 films, Olivier Père a dû en visionner près de 2050. Autant dire qu’en arrivant à Cannes, on peut considérer, à la manière de l’intéressé d’ailleurs, que « le plus dur est fait ». Faut-il pour autant en déduire que sur la Croisette, Olivier Père n’a d’yeux que pour la ligne d’horizon bleu ciel ? Pas de « vacances de luxe » pour le Délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs qui, non content de veiller bon déroulement de sa « protégée », soufflera cette année, avec cette ferveur qui tient lieu de carburant à Cannes, les 40 ans de l’un des « bébés » les plus réussis de Mai 68.
On peut se considérer comme un « homme de terrain » et préférer les salles obscures à la plage. C’est le cas d’Olivier Père. Si, comme lui, vous êtes arrivé à Cannes en ce lundi de Pentecôte, peut-être l’aurez-vous aperçu sortant de l’eau mais le maillot de bains du Délégué général de la Quinzaine aura le temps de s’égoutter avant, peut-être, de servir à nouveau : « Entre la présentation des films, les conférences de presse, l’accueil des équipes et les dîners plus ou moins protocolaires, j’ai assez peu de temps pour me détendre ». Sans compter, confesse-t-il, que « son grand plaisir » consiste moins à bronzer qu’à « revoir certains des films sélectionnés en présence des réalisateurs et des acteurs ». En moyenne, il s’attache à en revoir une dizaine sur la vingtaine retenue soit la moitié.
Depuis 2004, année où Olivier Père est devenu, à 33 ans, le nouveau patron de la Quinzaine, mène donc sur la Croisette une existence totalement dédiée au 7e art. « En moyenne, je me lève à 7 ou 8 heures. Tous les matins, nous avons, mes collaborateurs et moi, une réunion, sorte de briefing de la journée. J’enchaîne avec les trois conférences de presse des trois films du jour, à 9, 11 et 14 heures. Vient ensuite la pause-déjeuner ou la micro-sieste avant les présentations sur scène des dits films. A 17 heures pour la première d’entre elles puis 19 et 22h. Si je n’assiste pas à la projection, je me rends à certains dîners protocolaires ou en profite pour caler des rendez-vous. Enfin, je ne cache pas que je participe aussi aux fêtes qui souvent permettent de rencontrer des gens qu’on n’a pas eu le temps de voir dans la journée, et sur un mode plus décontracté, ce qui n’est pas désagréable ». Un remède, un conseil, un secret pour tenir ? « Il est préférable d’être raisonnable au début », selon le bon principe du coureur de fond. Treize jours, c’est long effectivement et Olivier Père ne cache pas que le dernier vendredi du festival quand la Quinzaine referme ses portes, il est « content de renouer avec la vie normale ».
De là à en profiter, le dernier week-end, pour traverser enfin le boulevard qui sépare le Palais Stéphanie, adresse cannoise de la Quinzaine, de la plage et ressortir le maillot de bains désormais nécrosé, ce serait faire fausse route. Le dernier dimanche, jour de la remise de la Palme d’or, tous les films de la compétition officielle sont de nouveau projetés et Olivier Père profite de cette aubaine pour visionner ceux qui lui ont échappé. Mais il reconnait volontiers être « une anomalie dans le monde des festivals ». Un accroc en tout cas dont l’excitation, la passion de la découverte, la soif de rencontres « sont toujours intactes » après environ dix ans de pratique cannoise, d’un côté ou de l’autre de la barrière.
Et d’ailleurs pour cette édition 2008, il va en falloir de l’énergie. La Quinzaine des Réalisateurs, « émanation directe de Mai 68 » souffle ses quarante bougies et, pour l’occasion, certains de ceux qui ont « éclos » à la Quinzaine, véritable pépinière de talents - Scorsese, Fassbinder, Herzog, Hanecke, Loach, Lucas, Oshima, etc tous découverts dans cette section - sont attendus sur la Croisette tels que l’Américain Jim Jarmusch ou le Malien Idrissa Ouedraogo, quand ils n’y seront pas de toute façon à l’instar de Sean Penn, président du jury, ou des frères Luc et Jean-Pierre Dardenne en lice pour la Palme d’or. Le dimanche 18 mai, jour anniversaire, un documentaire relatant l’épopée de la Quinzaine sera présenté suivi d’un dîner « intime » : « La Quinzaine, se félicite Olivier Père, est en effet un peu comme une histoire de famille. Il y a quelque chose de l’ordre de l’amitié, de la complicité avec de notre part, une fidélité certaine et de la part des réalisateurs, une relation de confiance ».
On ne s’étonnera donc pas qu’Olivier Père consacre et son temps et son énergie « aux siens ». Et que son moment préféré, durant le festival, soit « celui où un film est accueilli avec beaucoup de passion et d’enthousiasme par le public. Pour moi, le plus important, c’est vraiment la joie du cinéaste à la fin d’une projection quand il est applaudi ». Et le Délégué général de la Quinzaine, dont le mandat est reconduit chaque année au terme du festival de Cannes, d’ajouter, dans un éclat de rire, « j’espère que cela se reproduira le plus de fois possible ! ».