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Littérature

Les Belles Etrangères ont vingt ans !

par Tirthankar Chanda

Article publié le 06/11/2008 Dernière mise à jour le 06/11/2008 à 15:16 TU

C’est à Arles, dans le sud de la France, que se déroulera cette année la soirée inaugurale des Belles Etrangères qui réunit, à l’occasion du vingtième anniversaire de la manifestation, 20 écrivains représentant les 5 continents. Du 8 au 22 novembre, ces auteurs dont 10 déjà connus en France et les 10 autres en attente d’être traduits dans la langue de Voltaire, silloneront une trentaine de villes et participeront à une cinquantaine de rencontres avec le public. Depuis leur création en 1987, les Belles Etrangères ont permis aux lecteurs français de rencontrer des auteurs contemporains de 47 pays. 

Depuis 20 ans, les Belles Etrangères, manifestation littéraire organisée par le Centre national du livre (Cnl, agence du ministère  de la culture), font découvrir au public français et francophone les littératures du monde entier. Cette rencontre unique en son genre a fait venir en France, depuis sa genèse en 1987, 495 écrivains de 47 pays, mis à l’honneur plus de 35 langues et n’a cessé de marteler que la littérature était universelle. C’est sans doute pour rappeler cette vérité que les organisateurs des Belles Etrangères ont convié cette année des représentants des 5 continents à l’édition anniversaire de ce festival.

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 Vingt ans et 5 continents

Les 5 continents seront représentés par 10 pays et chacun des pays par 2 auteurs. « L’idée était d’avoir 20 écrivains pour fêter les 20 ans », explique la commissaire de la rencontre Martine Grelle, « mais comme il est compliqué d’organiser la venue et le déplacement dans les régions de 20 auteurs de 20 pays différents, nous avons invité 10 écrivains ayant déjà participé à une précédente édition. Puis, pour atteindre le chiffre magique, nous avons demandé à chacun des écrivains de choisir pour les accompagner un écrivain de son pays qui n’a pas encore été traduit en français et qu’il ou elle voudrait faire connaître en France. Cela permet de commémorer, tout en restant fidèle à la vocation première des Belles Etrangères qui est de faire découvrir de nouvelles voix ».

Le programme 2008, même cantonné à 10 pays, portera sur 9 langues: arabe, anglais, espagnol, turc, coréen, albanais, allemand, polonais et portugais. Cette diversité de langues que les cinquantaines de rencontres prévues à travers la France feront entendre et résonner deux semaines durant, explique sans doute que l’inauguration des Belles Etrangères ait lieu cette année non à Paris, mais exceptionnellement à Arles, pour coïncider avec les Assises de la traduction littéraire. Pour les organisateurs et les auteurs invités, c’est une opportunité de rendre hommage au travail et au dévouement des traducteurs littéraires qui sont, rappelons-le, des vecteurs essentiels de la connaissance des littératures étrangères par le grand public.

Accéder à « des rives peu fréquentées »

C’est d’ailleurs pour accompagner la politique d’aide à la traduction du Cnl que les Belles Etrangères ont été créées en 1987. Pour donner aux écrivains traduits une visibilité. Le Cnl contribue chaque année au financement de la traduction et de la publication en France de près de 350 livres étrangers. Le volume des parutions était moindre dans les années 1980 car on traduisait moins et ne traduisait que les auteurs hyper-connus. « En fait de littératures étrangères, écrivait Jean Gattégno, directeur du Cnl entre 1981 et 1989 et créateur des Belles Etrangères, nous ne connaissons guère, en France, que quelques mastodontes, dont le poids tient peut-être (est-il sacrilège de le suggérer ?) plus à l’importance politico-économique des pays qui les a produites qu’à leur valeur intrinsèque ». Les Belles Etrangères ont été précisément conçues pour aider le grand public à accéder, comme le disait Gattégno, à « des rives moins fréquentées », c’est-à-dire à découvrir des pays littéraires qui ne sont ni des super-puissances géopolitiques ni des « économies vibrantes ». Il suffit de parcourir la liste des 47 pays qui ont participé aux Belles Etrangères depuis sa création il y a 20 ans, pour constater que les organisateurs sont  restés fidèles à leurs idéaux de départ : mettre régulièrement en lumière une littérature peu connue (littératures hongroise, néozélandaise, baltique...) ou considérée comme politiquement incorrecte (littératures est-allemande d’avant la chute du mur ou palestinienne).

Le choix du pays invité n’en reste pas moins diplomatiquement correct et en phase avec les intérêts économiques ou politiques de la France. D’autant que l’organisateur de la manifestation est une agence du gouvernement français. « Le choix se fait au gré des visites officielles des chefs d’Etat et des accords économiques », précise Martine Grelle, rappelant le cas de la Corée, invitée aux Belles Etrangères en 1995 suite à la signature par ce pays d’un contrat mirobolant de 2,1 milliards de dollars pour l’importation de TGV. Plus politique, l’accueil des écrivains palestiniens en 1997. Pour Leïla Chahid qui était alors la représentante à Paris de l’Autorité palestinienne, cette invitation était la preuve du soutien de la France à la cause palestinenne. Les trois prochaines éditions qui seront consacrées respectivement aux Etats-Unis, à la Colombie et au Japon s’inscrivent parfaitement dans cette logique qui a fait les beaux jours des Belles Etrangères, conjuguant avec brio diplomatie, économie et culture.

Manifestation pionnière

Avec aussi un certain succès car, après avoir débuté comme un événement confidentiel et essentiellement universitaire, les Belles Etrangères touchent aujourd’hui le grand public à travers des associations culturelles de plus en plus nombreuses à accueillir les rencontres en régions. Très appréciés du public, l’anthologie réunissant les textes des auteurs invités, publiée à chaque édition ainsi que le film d’entretiens réalisé avec les auteurs chez eux, qui permettent de prolonger la manifestation après le retour des auteurs dans leur pays, au terme de deux semaines épuisante de rencontres, d’échanges, de dialogues, de débats et de lectures. Enfin, l’intérêt pour la lecture et la littérature suscité par les Belles Etrangères n’est sans doute pas étranger à l’émergence en France au cours des dernières années de nombreux festivals consacrés aux littératures étrangères: Etonnants voyageurs de Saint-Malo, Festival America de Vincennes, le Marathon des mots de Toulouse, le Maghreb des livres... « Nous avons été pionniers et nous restons une manifestation de référence », confirme Martine Grelle qui en est à sa 14ème année des Belles Etrangères.

Fatos Kongoli et Argon Tufa représenteront l’Albanie, Josef Winkler et Rosemarie Poiarkov l’Autriche, Hanna Krull et Mariusz Szczygiel la Pologne, Lidia Jorge et Gonçalo M. Tavares, Ko Un et Chon Myonggwan pour la Corée, Enis Batur et Yigit Bener pour la Turquie, Gamal Ghitany et Ahmed Abo Khnegar pour l’Egypte, Neil Bissoondath et Zoe Whitall pour le Canada, Rodrigo Rey Rosa et Alan Mills pour le Guatemala, Jenny Bornholdt et Gregory O’Brien pour la Nouvelle Zélande.

Vingt ans d'ouverture aux littératures du monde, est le titre cette année de l'ouvrage qui accompagne l'édition-anniversaire des Belles Etrangères. Il est publié chez Actes Sud. Vous y lirez un texte de chacun des 20 auteurs pré-cités.