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Prix littéraires

Un Médicis baroque

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 05/11/2008 Dernière mise à jour le 06/11/2008 à 15:14 TU

Jean-Marie Bas de RoblesDR

Jean-Marie Bas de Robles
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« Ce n’est pas un livre, c’est un monstre », écrivait le 6 septembre dernier le Figaro Magazine pour évoquer le troisième roman de Jean-Marie Blas de Roblès, Là où les tigres sont chez eux. Et de fait, ce livre qui compte pas moins de 784 pages bien tassées a nécessité dix d’efforts. Et le contenu est bien à l’aune de ce livre lourd et touffu, de ce « livre-jungle », a-t-on même pu lire ici et là.

L’histoire a pour décor le Brésil et plus précisément le Nordeste où se morfond un correspondant de presse oublié, désoeuvré répondant au nom, qui vaut à lui seul un roman, de Eléazard von Wogau. Lequel pour tromper son ennui étudie le manuscrit narrant la vie peu banale d’Athanasius Kircher (1602-1680), savant jésuite ayant sillonné l’Europe au XVIIe siècle, ami de Galilée et du Bernin et à qui l’on doit l’invention de la lanterne magique. Pendant que notre héros s’agace à la lecture de ce manuscrit, par trop hagiographique à ses yeux, Elaine, son ex-femme paléontologue, se lance dans une expédition archéologique au fin fond de la jungle amazonienne tandis que sa fille, à l’autre extrémité du pays, part elle tout bonnement à la dérive. Il faudra également compter avec une curieuse Italienne dont le pseudo-journaliste fera bientôt la connaissance et avec le petit Nelson assoiffé de vengeance qui vit dans les favelas de Pirambu. Bref, au moins quatre voire cinq pistes, récits parallèles qui, au terme de digressions, détours et autres rebonds sinueux et improbables convergeront.

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Ce livre sur les déviations de la vie et « cette obstination poignante et maladive, écrit Jean-Marie Bas de Roblès, que nous mettions à romancer notre existence » emprunte autant aux  grands auteurs fantasques tels que l’Argentin Borgès ou le Polonais Potocki qu’aux écrivains des aventures luxuriantes et mythiques à l’instar d’un Conrad. Il faudrait encore citer Goethe auquel renvoie le titre du roman, il s’agit en effet d’une phrase tirée des Affinités sélectives. Pour autant, ce roman n’est pas une somme d’érudition. Outre les divers genres qu’il déploie au fur et à mesure que les destins se croisent et s’emboîtent, Là où les tigres sont chez eux interroge également des thèmes comme l’histoire, l’art et bien sûr la biographie, à travers donc l’étude de ce manuscrit qui irrite Eléazard von Wogau au point de traiter ce malheureux Kircher de « vulgaire manipulateur ». Autrement dit nous interroge sur le sens de la vie.

Jean-Marie Blas de Robles

« J'aime mêler la philosophie et l'érudition à la littérature...»

06/11/2008 par Constance Rouillé-Dexpert

En recevant ce mercredi le Prix Médicis, Jean-Maris Blas de Roblès double la mise en quelque sorte puisque l’auteur français s’était déjà vu décerner le Prix du roman Fnac mi-septembre. A 54 ans, celui qui, dès 1982, année où il reçut le prix de la nouvelle de l’Académie française pour son premier récit La Mémoire de riz et autres contes, annonçait vouloir écrire un roman autour de la figure de Kircher, voit donc sa patience et sa détermination récompensées. Ce qui ne l’avait pas empêché, entre temps, de publier un autre roman et de nombreux essais dont Méduse en son miroir et autres textes (2008) où l’on retrouve justement le personnage du vieux jésuite. Comme si à l’image de son héros Eléazard von Wogau, Jean-Marie Blas de Roblès s’était lui aussi fait « dévorer » par cet immense intellectuel de l’époque de la Contre-Réforme.

Quoi qu’il en soit, ce roman ressemble à son auteur, polyglotte et grand voyageur devant l’Eternel. Né à Sidi Bel Abbes en 1954, il poursuit des études de philosophie et d’histoire avant de choisir d’écumer la planète, du Brésil au Tibet en passant par la Lybie et l’Indonésie. Et s’il se consacre périodiquement à l’écriture, il s’illustre également dans un domaine peu enseigné à l’université à savoir l’archéologie sous-marine, spécialité dont il est devenu une pointure. Ce qui s’appelle décidément avoir le goût du grand large.

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Autre prix, autre style. En attribuant le Prix du roman étranger à Alain Claude Sulzer, les membres du jury Médicis ont fait le choix d’un récit plus intimiste. Un garçon parfait raconte l’histoire d’Ernest, employé dans un palace de Giessbach, en Suisse, et présenté comme ce garçon parfait du titre. Si ce n’est que cette apparence cache une blessure née d’une passion qu’il a connue avec Jacob, qui a dû fuir l’Allemagne dans les années 1930. Un garçon parfait est le premier roman d’Alain Claude Sulzer traduit en français. A 55 ans, cet écrivain suisse de langue allemande qui vit à Bâle peut donc légitimement espérer, grâce à ce prix, voir ses précédents ouvrages passer pareillement la frontière. Enfin le Prix de l’essai est revenu à Cécile Guilbert pour Warhol spirit, un ouvrage publié chez Grasset, seule maison d’édition de renom à avoir été récompensée en ce mercredi 5 novembre 2008. Pour le plus grand bonheur des éditions Zulma où est paru Là où les tigres sont chez eux et les éditions Jacqueline Chambon qui hébergent Alain Claude Sulzer.

Claude Sulzer

« Pour moi c'est une grande récompense, c'est une consécration...»

06/11/2008 par Virginie Pironon

Là où les tigres sont chez eux, de Jean-Marie Blas de Roblès aux éditions Zulma.

Un garçon parfait, de Alain Claude Sulzer aux éditions Jacqueline Chambon.

Warhol spirit, de Cécile Guilbert aux éditions Grasset.