par Pascal Thibaut
Article publié le 04/02/2009 Dernière mise à jour le 06/02/2009 à 14:08 TU
Crise financière, dérives du capitalisme et globalisation, terrorisme et problèmes alimentaires : la 59ème édition de la Berlinale (5-15 février)est plus politique que jamais. Le film d’ouverture, hors compétition, de l’Allemand Tom Tykwer, le réalisateur du Parfum, en est le meilleur exemple : L’enquête, une grosse production germano-américaine, est un thriller bancaire tourné avant la crise économique actuelle et qui dénonce les agissements d’une multinationale en dessous de tout soupçon. Histoire de donner le ton qui s'annonce austère.
Une chose est sûre : les membres du jury, présidé par l'actrice écossaise Tilda Swinton, n'auront probablement guère l'occasion de rire durant cette Berlinale. Plusieurs des 18 films en compétition ont en effet un contenu politique. Le Franco-Algérien Rachid Bouchareb qui avait tourné Indigènes évoque dans London River les attentats terroristes à Londres en 2005 ; l’Allemand Hans-Christian Schmid les crimes de guerre commis en Bosnie dans les années 90 dans Tempête. The messenger, le film de Oren Movermann raconte l’histoire d’un soldat américain chargé d’informer les familles de la mort de leurs proches en Irak.
En fait, les thèmes politiques, reflet de notre époque, se retrouvent dans les différentes sections du festival qui présente au total près de 400 films durant dix jours. Plusieurs documentaires dénoncent les conséquences du turbo-capitalisme ; le vainqueur de l’Ours d’or l’an passé, le Brésilien José Padilha, passe cette fois des troupes d’élite aux méthodes radicales de son pays aux questions alimentaires dans son nouveau film Garapa, qui évoque le sort de trois familles brésiliennes vivant dans la grande pauvreté. L’alimentation constitue un thème cher au directeur du festival Dieter Kosslick qui a recruté « l’activiste des questions alimentaires », l’Américaine Alice Waters, pour siéger au sein du jury de la Berlinale.
Ces dernières années, les jurys successifs ont d’ailleurs régulièrement opté pour des films politiques, mettant ainsi en exergue la spécificité de Berlin qu’il s’agisse de Troupe d’élite de José Padilha en 2008, de Michael Winterbottom évoquant l’immigration clandestine d’Afghans vers l’Europe ou encore d'un film bosniaque sur les viols de femmes durant la guerre des années 90. Des décisions méritoires pour des films qui, dans certains cas, ne sont jamais sortis sous nos latitudes.
Tilda Swinton dans le film "Burn After Reading" de Joel Coen et Ethan Coen. Elle est la présidente du jury de la 59e Berlinale.
© Studio Canal
L’édition 2009 de la Berlinale est aussi marquée par une forte présence du cinéma allemand avec un quart de films sur les 400 présentés, un record. Les responsables estiment avoir eu l’embarras du choix. Et certains films seront projetés dans une catégorie parallèle pour ne pas trop « germaniser » la compétition. Des films aux thèmes très allemands qu’il s’agisse d’une adaptation de l’écrivain du 19ème siècle Theodor Fontane Effi Briest, d’une biographie de la star allemande de l’après-guerre Hildegard Knef, Hilde ou du film historique sur le Schindler de Shangai John Rabe qui a sauvé beaucoup de Chinois face à l’invasion japonaise à la fin des années 1930.
Vingt ans après la chute du mur, la Berlinale ne pouvait pas oublier cette commémoration-phare de l’année 2009. Avec une rétrospective consacrée au cinéma des pays communistes à la fin de la guerre froide, mais aussi une série de courts-métrages sur l’Allemagne d’aujourd’hui Deutschland 09 tournés par des pointures du cinéma germanique actuel comme Fatih Akin (De l’autre côté) ou Wolfgang Becker (Good bye Lénine).
Les Français sont présents avec trois films en compétition. Hormis London River de Rachid Bouchareb, François Ozon présente Ricky, une fable sur un bébé joufflu qui se voit pousser des ailes. Bertrand Tavernier, lui aussi régulièrement présent à Berlin, montre son premier film tourné aux Etats-Unis, Dans la brume électrique, un polar se passant dans le Sud américain avec Tommy Lee Jones dans le rôle principal. Costa-Gavras qui dirigeait le jury de la Berlinale l’an passé présente hors compétition Eden à l’Ouest, un road-movie sur un immigré clandestin en quête de l’eldorado européen.
La Berlinale 2009 honorera Claude Chabrol cinquante ans après l’Ours d’or remporté par le jeune premier de la nouvelle vague en 1959 avec Les cousins. Le réalisateur français présentera à Berlin son dernier film Bellamy avec Gérard Depardieu. Le festival rendra enfin hommage au compositeur Maurice Jarre qui a écrit la musique de nombreux grands films comme Docteur Jivago, Laurence d’Arabie ou Le Tambour. Autant de joyaux qui méritaient bien une rétrospective et un Ours d'or d'honneur.