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Curiosité

Wagner, pop touch

par Bartholomé Girard

Article publié le 26/03/2009 Dernière mise à jour le 26/03/2009 à 16:24 TU

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Inédit en France, le premier opéra de Richard Wagner (1813-1883) s’invite sur scène. Inspiré du conte italien La dona serpente de Carlo Gozzi, Les Fées offre, quatre heures durant, une partition qui préfigure le génie musical de son compositeur. Le temps de six représentations, le metteur en scène Émilio Sagi et le chef d’orchestre Marc Minkowski offrent un spectacle d’abord aussi puissant que truculent. C’est à découvrir jusqu’au 9 avril, au Théâtre du Châtelet.

20 ans, c’est l’âge auquel Wilhelm Richard Wagner termine son premier opéra, Die FeenLes Fées. Les Noces, composé juste avant, reste en effet inachevé. Mais il faudra attendre un demi-siècle pour que cette œuvre en trois actes monte sur scène, en 1888 à Munich… soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Composé et écrit en 1833 à Wurtzbourg, Les Fées est aujourd’hui l’un des opéras les moins célèbres du musicien, bien avant ses premières œuvres reconnues (Le Vaisseau fantôme, Tannhaüser…) et ses chefs-d’œuvre (Tristan et Isolde, La Walkyrie, Parsifal…). Et, pour la première en France de cette histoire d’amour aux accents féériques, le Théâtre du Châtelet a confié la création à un metteur en scène réputé pour ses spectacles hauts en couleur.

(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)

(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)

C'est en effet à l'Espagnol Émilio Sagi que Jean-Luc Choplin, directeur du théâtre, a confié la mise en scène de cette œuvre de jeunesse d’un des plus grands compositeurs du XIXe siècle. « Je voulais un traitement scénique simple, élégant, moderne, pour cette œuvre jamais vue, avec une touche pop », explique Choplin. Si le dernier terme semble approprié, les qualificatifs « simple » et « élégant » ne sont pas forcément les premiers qui viennent à l’esprit…

L’Espagnol Sagi a déjà fait parler de lui en 2006, ouvrant la saison avec l’opérette de Francis Lopez, Le Chanteur de Mexico. La mise en scène était aussi kitsch que l’accueil fut mitigé… à l’image de cette nouvelle lecture libre des Fées qui, au terme du premier acte, s’est faite huée par une partie (modérée, cependant) de la salle. C’est que le rose, les paillettes et les confettis ne sont pas du goût de tous… et il est vrai que le premier temps de cet opéra, autant dramatiquement que visuellement, peut en laisser quelques uns sur le bord de la route. « Une œuvre inconnue est une sorte d’espace fermé dont on n’a pas forcément la clé. L’avantage cependant est que le public ne sait pas très exactement ce qu’il en attend », dixit Émilio Sagi, qui ne cherche pas tant à choquer – des éphèbes glabres en jupette, on a connu plus subversif – qu’à assumer pleinement une esthétique qui lorgne davantage vers les spectacles queer de Las Vegas que les classiques du théâtre Fontaine.

(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)

(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)

Peu de choses, dans cette histoire d’amour, laissaient présager une pièce montée bigarrée flirtant dangereusement avec le mauvais goût : pour raconter la romance entre le mortel Arindal et la fée Ada, amants séparés par une malédiction et qui, au terme de nombreuses épreuves, se retrouvent, le costumier Jesus Ruiz offre une débauche de costumes rococos et le chef décorateur Daniel Bianco impose trois sculptures colossales (une rose, une femme blonde ou un lustre !) qui suscitent quelque amusement dans la salle… 

« Pour illustrer cet opéra, j’ai choisi les mondes brillants de Jeff Koons et de Dan Flavin ; j’ai voulu donner à la mise en scène un parfum du monde pop qui est le mien : un monde plein de lumières et de couleurs et très abstrait », poursuit Sagi. Il n’en reste pas moins que ces partis-pris, assumés avec humour, s’ils peuvent dans un premier temps gêner l’appréciation de la partition, trouvent peu à peu l’équilibre entre l’ostentatoire de la mise en scène et la beauté de la partition, portée par Les Musiciens du Louvre. Cet orchestre, formé depuis 1982 sous la direction de Marc Minkowski, avec qui Sagi collabore depuis de nombreuses années, fait résonner avec puissance la mélodie romantique de cette première œuvre de Wagner.

A l’énergie du chef d’orchestre et de ses musiciens répond, sur scène, celle de la soprane Christiane Libor, resplendissante fée qui, toute en nuance et majesté, impose son timbre jusqu’au baisser de rideau final. Finalement, la révélation ne serait pas tant l’opéra de Wagner – dont la force est indéniable – que cette cantatrice allemande, dont chaque souffle fait frémir.

William Joyner et Christiane Lidor(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)

William Joyner et Christiane Lidor
(Photo : Marie-Noëlle Robert/ Domaine public)