par Elio Comarin
Article publié le 01/04/2009 Dernière mise à jour le 01/04/2009 à 15:20 TU
Icône « Pendente » Sec. XVIII (second style de Gondar)
© Nigrasum
Icônes polychromes, peintures sur bois, croix typiques d’Ethiopie, manuscrits anciens et beaucoup de musique. Nigra sum sed formosa n’est pas une exposition ordinaire, à commencer par son intitulé : un verset du Cantique des cantiques (« Je suis noire et/mais belle ») qui ferait référence à la mythique reine de Saba, dont ne cesse de se réclamer l’Ethiopie, hier comme aujourd’hui.
Il s’agit en réalité de la première exposition importante sur l’art chrétien éthiopien, dans un pays comme l’Italie qui a un contentieux assez lourd avec l’Ethiopie moderne de Hailé Sélassié, occupée par les troupes de Mussolini de 1935 au début de la deuxième guerre mondiale. De plus, c’est à Venise qu’elle a lieu, dans une des villes de la péninsule qui dès le XIIe siècle a entretenu des relations commerciales et culturelles assez suivies avec la cour des rois d’Ethiopie.
Dabtara (membre d'une caste de l'église éthiopienne intermédiaire entre le clergé et les croyants.)
© Nigrasum
Les œuvres que l’on peut admirer à l’université Ca’ Foscari se situent entre les XIIe et XVII siècles, c’est-à-dire du temps des deux principaux souverains éthiopiens : Lalibéla, qui a donné son nom à une ville sainte bâtie sur les montagnes du centre du pays, et Zara Yakoub, qui le premier à ouvert l’Ethiopie aux Européens. Ce dont a profité Venise, en envoyant à la cour du mythique « Prêtre Jean » un de ses peintres : Niccolo’ Brancaleon - appelé également Marcoreo - qui aurait introduit en Ethiopie l’art de la peinture sur bois de la cité lagunaire.
Au cœur du cette exposition, la fameuse mappemonde de Fra’ Mauro (milieu du XVe siècle) qui pour la première fois représente tout le continent africain et décrit l’Ethiopie de façon très détaillée, grâce aux récits d’autres moines voyageurs vénitiens qu’il avait probablement rencontré dans l’île de Murano. L’un d’eux, Fra’ Nicola du couvent de San Michele, commence son récit par une étonnante mise au point : « Beaucoup de cosmographes ont écrit que l’Afrique comprend une grande quantité d’hommes monstrueux ; mais pour autant que j’ai pu moi même savoir grâce à mes voyages du Maroc jusqu’à l’Ethiopie et à la Nubie, en traversant de nombreux royaumes noirs, je n’ai pu entendre parler ou voir aucune chose qui ressemble à de telles monstruosités ».
Cinq siècles plus tard, des « monstruosités », bien réelles cette fois-ci, ont été commises par les troupes fascistes, accompagnées par des religieux et des aumôniers catholiques : des milliers de partisans - et de moines - éthiopiens ont été massacrés (notamment à Debrà Libanos, en février 1937), des monastères et des églises ont été anéanties, des icônes, des manuscrits, des croix ont été détruites pour toujours. Dommage que personne ne l’ait rappelé lors de l’inauguration officielle de cette exposition.
L'Architecture Chrétienne en Ethiopie.
© Nigrasum