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Festivités

L'Opéra de Manaus à la hauteur de son mythe

par Annie Gasnier

Article publié le 04/05/2009 Dernière mise à jour le 04/05/2009 à 15:24 TU

En l´honneur de l´Année de la France au Brésil, le XIIIe festival Amazonas d´opéras a réservé toute sa programmation à des oeuvres françaises. Les partitions de Saint-Saëns, Debussy, Berlioz et Offenbach résonneront jusqu'à la fin mai dans un lieu qui justifie son mythe : « L'Opéra de la jungle », surnom du Théâtre de Manaus. Reportage.  

Le Théâtre Amazonas à Manaus.(Photo : A. Gasnier / RFI)

Le Théâtre Amazonas à Manaus.
(Photo : A. Gasnier / RFI)

 «L´Opéra de la jungle » de Manaus se situe au coeur de la vieille ville, où il fût inauguré en 1896. La forêt luxuriante n´entoure pas le majestueux édifice, même si la végétation tropicale, très présente dans les rues, est aux portes de cette cité de 1,7 million d´habitants, et l´isole du reste du Brésil, sauf par voies aérienne ou maritime. Mais le mythe qui entoure son existence persiste. Les représentations d´opéras aussi.

Manaus, le « Paris de la jungle »

Le Théâtre Amazonas témoigne de la splendeur passée de Manaus, d'un temps (1890-1924) où le Brésil était le seul à fournir au monde, du caoutchouc extrait des hévéas de son épaisse forêt. Les ventes, via l´Amazone, générait alors 40% des richesses du pays. Les fortunes accumulées par les négociants, permirent à Manaos (nom d´une tribu indienne), alors un petit comptoir fluvial, de se transformer en une des villes brésiliennes les plus modernes. Le téléphone et l´électricité y arrivèrent avant Rio de Janeiro et Sao Paulo. La mode, dans la haute société, était à la France, et les édiles voulurent donc leur « Paris de la jungle ». Avec un opéra, pour se distraire, comme sur les grands boulevards.

Les travaux durèrent quinze ans, car tout le matériel venait d´Europe, les pierres du Portugal, les marbres de Carrare, les tuiles pour la coupole d´Alsace, les lustres du foyer de Murano... « Des goûts de nouveaux riches, qui ont donné ce style dit ' éclectique' » précise l´historienne Thérèse Aubreton. Cette française, directrice de l´Alliance française de Manaus, se passionne pour ce bâtiment repeint, comme à l´origine, « couleur goyave » définit Thérèse Aubreton, qui a connu d´autres couleurs plus ternes.

« Un vrai bonheur »

« L´accoustique est incroyable » s´émerveille Mireille Delunsch, la soprano française qui a interprété Mélisande, dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. « Je me suis assise sur un fauteuil et j´ai senti l´orchestre vibrer », dit-elle en reconnaissant avoir rêvé, depuis l´adolescence, de venir visiter le Théâtre Amazonas, après avoir assisté au film Fitzcaraldo de Werner Herzog. Les six chanteurs lyriques français, invités du Festival avec le soutien de CulturesFrance, partageaient tous ce rêve. Et jamais autant de voix françaises n´étaient venues à Manaus. Le voyage de Sarah Bernhardt est une légende, tout comme celui de Caruso.

« J´ai chanté plusieurs fois à Sao Paulo, mais venir présenter des opéras français à Manaus, en cette année où la France est à l´honneur au Brésil, est un vrai bonheur », confie le baryton Jean-Philippe Lafont. Ce toulousain, à l´affiche de Pelléas et Mélisande, et de Samson et Dalila, n´avait qu´un reproche à formuler : l´air conditionné, qui l´a rendu malade, et transforme, au coeur de l´Amazonie, les théâtres et autres lieux publics... en véritable réfrigérateur !

Répétition de<em> Pelléas et Mélisande </em>dans le théâtre.(Photo : A. Gasnier / RFI)

Répétition de Pelléas et Mélisande dans le théâtre.
(Photo : A. Gasnier / RFI)

 Au festival, faute de moyens, des récitals et des opéras, concerts alternent avec les grands spectacles. A la mi-mai, place aux Troyens, d´Hector Berlioz, et en fin de programmation, La vie parisienne, de Jacques Offenbach, qui sera présentée en extérieur, gratuitement, sur la place Sao Sebastiao près du théâtre. L´an dernier, les quarante mille chaises installées pour Turandot, de Puccini, n´ont pas suffi.

« A la fin du XIXe, la vie était ici totalement Belle Epoque, et nous avons décidé d´adapter La vie parisienne à ce passé local », explique le chef de l´orchestre Amazonas Philarmonique. Formé à Sao Paulo et en Europe, Luiz Fernando Malheiro dirige son onzième festival, et avoue être toujours ému par « le privilège de travailler dans cette salle, à nulle autre pareille ».

« Un merveilleux phare » sur le plan culturel

« Il fallait faire revivre l´opéra à Manaus, cet art était dans l´inconscient des habitants, notalgiques du passé glorieux », justifie le secrétaire à la culture de l´Etat d´Amazonie. En poste depuis 1996, malgré les changements de gouverneur, Robério Braga a imposé sa politique culturelle. D´abord en mettant fin au silence sépulcral dans lequel s´était évanoui le Théâtre Amazonas : il n´y eût aucun opéra entre 1924, fin du cycle du caoutchouc, et 1997, première édition du festival. « Mon budget culturel représente 1,32% de celui de l´Etat amazonien, et nous pratiquons des prix attrayants, pour ces opéras mais aussi lors du festival de jazz ou du film d´aventure », ajoute Robério Braga, inventeur de tous ces évènements. Le théâtre accueille sept orchestres, une compagnie de danse et un choeur, avec des professionnels formés, en partie, par l´école Claudio Santoro. Ses 5 000 étudiants se destinent aux métiers des arts et de la technique.

« Ce Théâtre est un merveilleux phare et une locomotive qui a permis d´insérer la culture dans le développement humain de notre population », affirme le gouverneur d´Amazonie, Eduardo Braga.