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Bande dessinée

La première BD égyptienne sous le coup de la censure

par Nina  Hubinet

Article publié le 27/05/2009 Dernière mise à jour le 28/05/2009 à 10:01 TU

Magdy Al Shafee, auteur de la BD "Métro"(Photo : Nina Hubinet/ RFI)

Magdy Al Shafee, auteur de la BD "Métro"
(Photo : Nina Hubinet/ RFI)

En Egypte, le genre de la bande dessinée était jusqu’ici réservé aux enfants. L’an dernier, l’album Metro a montré que le 9e art pouvait être un puissant moyen d’expression. Au point de susciter la colère des autorités : l’album est poursuivi pour « atteinte à la morale ». Le verdict doit être rendu le 18 juillet.

Comme beaucoup d’Egyptiens, Shihab a des dettes. Et pas d’argent pour les rembourser. Menacé par ses créanciers, le jeune informaticien décide un beau jour de braquer une banque. Quand son complice hésite, il le rassure : « Dans ce pays ce sont les pauvres qui vont en prison, et toi tu vas être riche ! » Ainsi commence Metro, une bande dessinée - thriller publiée en février 2008 en Egypte, mais retirée de la vente deux mois plus tard par les « brigades du vice », le département de la police égyptienne qui s’occupe des affaires de prostitution. En cause, deux vignettes où l’on aperçoit une femme nue, et quelques insultes vulgaires, comme on en entend chaque jour dans les rues du Caire.

Une critique du régime

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« L’officier qui a interrogé Mohamed Al Sharqawy, l’éditeur, lui a posé des questions sur le contenu politique du livre, avant d’en venir à sa prétendue obscénité », note Hamdy El Hassiouty, l’un des avocats du livre. Derrière l’accusation officielle d’« atteinte à la morale publique », l’Etat égyptien semble en effet viser la virulente critique du régime livrée par Magdy Al Shafee, l’auteur de Metro. Lorsque Shihab, le personnage principal, pénètre dans la banque pour s’emparer du butin, un politicien véreux se fait remettre une valise de billets. Il propose un marché à Shihab : s’il garde le silence sur ce qu’il a vu, il ne sera pas poursuivi. « Même un braquage honnête, vous parvenez à le salir », lui lance le héros.

Un autre épisode montre des opposantes au régime se faire agresser lors d’une manifestation, retraçant un événement réel survenu au Caire le 25 mai 2006. « Un cousin du héros lui raconte qu’un député les a payés, lui et ses amis, pour aller harceler les femmes qui manifestaient », explique Mohamed Al Sharqawy, l’éditeur. Lui-même activiste et blogueur, il a été arrêté plusieurs fois et torturé. « Ce qui est dit dans Metro a déjà été dit dans des romans, mais le pouvoir a compris que la BD était plus accessible au grand public, et donc plus dangereuse pour lui ».

A 48 ans, l’auteur, Magdy Al Shafee, ne cache pas avoir voulu retranscrire un « esprit de révolte ». Tout au long de l’album, le métro est comparé à un piège dans lequel les hommes sont enfermés, sans savoir qu’il existe une issue. Une métaphore assez claire de l’oppression politique. Avec son trait nerveux, Al Shafee innove aussi sur le plan artistique. D’abord en introduisant un genre : en Egypte, jusqu’ici, la bande dessinée n’existait que dans les magazines pour enfants ou sous forme de feuilletons dans les journaux.

Héros désabusé

Un cireur de chaussures qui perd la vue, un directeur de banque obséquieux, une « mama » inquiète pour son neveu… Magdy Al Shafee excelle dans la peinture des personnages de la rue égyptienne, en croisant les influences. « En arrivant en France pour faire mes études, j’ai été fasciné par Charlie Hebdo. J’ai ramené des exemplaires ici en me demandant comment adapter ce ton à l’Egypte », raconte l’auteur, qui travaille par ailleurs dans une entreprise pharmaceutique. Son héros, Shihab, belle gueule de justicier social désabusé, fait penser à Corto Maltese. « Ce qui me plaît dans les héros d’Hugo Pratt, c’est qu’ils ne sont pas stéréotypés, ils ont plusieurs visages ».

Lorsqu’Al Shafee a commencé à imaginer Metro, il y a cinq ans, Golo, auteur de BD français installé en Egypte, a été son mentor. « Il m’a fait comprendre comment imprimer un rythme à un album, comment créer une ambiance, sans forcément passer par un dessin trop compliqué ».

Quelle que soit l’issue de l’audience du 18 juillet, Metro aura signé l’acte de naissance de la bande dessinée égyptienne. « Lors des ateliers BD que l’on a organisés avec Golo au Goethe Institut, il y avait beaucoup de jeunes, très enthousiastes », note plein d’espoir Magdy Al Shafee.

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