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Poésie

Un tour du monde en cerfs-volants

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 11/06/2009 Dernière mise à jour le 13/06/2009 à 16:46 TU

Le Roi Singe, personnage légendaire, célèbre pour sa participation au "pèlerinage en Occident" dans la mythologie chinoise de l'époque Ming.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Le Roi Singe, personnage légendaire, célèbre pour sa participation au "pèlerinage en Occident" dans la mythologie chinoise de l'époque Ming.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Envie de plein air, de grands espaces ? Rendez-vous à la Bibliothèque Forney à Paris qui expose une centaine de cerfs-volants de toutes les dimensions, de tous les pays à commencer par la Chine. Soit un tour du monde en une centaine de ces objets en soie ou en feuilles de manioc sauvage et qui drainent dans leur sillage des ribambelles d’histoires et de légendes. Cerfs-volants, un ciel, un monde est l’intitulé de cette exposition à voir jusqu’au 1er août.

Exposition à la bibliothèque Forney, Paris.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Exposition à la bibliothèque Forney, Paris.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

S’il est une exposition au diapason de l’été, c’est bien celle qui se tient à deux pas de la Seine, à la Bibliothèque Forney. On y trouve quelques-uns des plus beaux spécimens de cerfs-volants : de Chine, de Corée, du Japon, de Malaisie, d’Inde ou de Grèce, ils couvrent les murs et les plafonds de la vénérable institution de mille et un motifs, de caravane de couleurs et de formes à donner envie de les décrocher tous pour les envoyer ripoliner le ciel de Paris.

Mais l’apparente légèreté voire fragilité de ces cerfs-volants puisés dans la collection de Gérard Clément - auxquels il faut aussi ajouter des cartes postales, images d’Epinal, photographies et autres matériels de montage pour cervo-listes en herbe - recèle en fait des épopées insoupçonnées. Car avant de nous inviter à survoler les différents pays invités à déployer leur savoir-faire en matière de cerf-volant, l’exposition remonte le cours du temps, prétexte à nous raconter de savoureuses et inattendues histoires. On ne les rapportera pas toutes mais on confiera être restée bouche bée devant le « cerf-volant cible » utilisé par l’armée américaine durant la Seconde guerre mondiale, soit un leurre maquillé aux couleurs des avions japonais ou allemands. Environ 1000 furent ainsi construits durant le conflit.

Où l’on réapprend que l’Américain Benjamin Franklin a mis au point, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le paratonnerre grâce au cerf-volant. Qu’en France, un certain Félix Peaucou battait le 14 avril 1914 le record d’ascension pour un cerf-volant : 650 mètres d’altitude, record à battre. Et il faut lire le récit de cet intrépide français qui confesse encore enivré par le souvenir de cette journée historique que cette élévation qui a duré 45 minutes lui a fait l’effet d’un « roulis-tangage » lui laissant les jambes comme du coton et le cœur au bord des lèvres. Bref l’ivresse des cimes. Si de fait les progrès de l’aviation à l’issue de la Première guerre mondiale ont relégué le bon vieux cerf-volant au rang des souvenirs, au cours des XVIIIe et XIXe siècles il était considéré comme un des passe-temps favoris dans toute l’Europe au point d’être particulièrement recommandé dans les manuels d’éducation.

Le Rokkaku. Cerf-volant hexagonal de la région de Niigata, Japon. Il est orné traditionnellement de portraits de guerriers très expressifs.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Le Rokkaku. Cerf-volant hexagonal de la région de Niigata, Japon. Il est orné traditionnellement de portraits de guerriers très expressifs.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Création, invention, débrouillardise, dextérité, distraction, liberté, pacifisme… Le cerf-volant est en effet associé à toute une série d’images et de symboles plus positifs les uns que les autres. Ce que confirme le périple qui, de la Chine - pays du cerf-volant s’il en est - à la Corée, de l’Indonésie au Cambodge, du Japon à la Grèce, entre autres, dévoile des myriades de particularismes, d’usages et de coutumes. Cet art « qui vit du vent », comme on dit au pays du soleil levant, prend tout à coup une ampleur assez merveilleuse, relevée qui plus est par les coloris chatoyants, les visages parfois menaçants, les formes très diversifiées qui en disent long sur une pratique souvent ancestrale mais toujours vivante et respectée y compris en Grèce où le premier jour du carême des milliers d’Athéniens grimpent sur les collines de Filopapou pour y lâcher des cerfs-volants de toutes les couleurs.

Mais le plus fascinant dans toutes ces histoires, c’est qu’aujourd’hui encore, on ignore le nom de l’inventeur du cerf-volant - qui doit son nom en France à l’occitan « serp voulante » autrement dit serpent volant. Mieux dans l'Hexagone, les adeptes de ce sport au fil du vent n’ont bénéficié du droit de figurer dans le dictionnaire qu’en 1986, année où l’Académie française a daigné entériner définitivement les termes cerf-voliste et cerf-volisme ! 

Cerf-volant Hermès.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Cerf-volant Hermès.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Pour en savoir plus : contact@lamaisonducerfvolant.com