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Théâtre

Souâd Belhaddad en spectacle : «Beaucoup de choses à vous djire»...

par Olivier Rogez

Article publié le 29/07/2009 Dernière mise à jour le 30/07/2009 à 08:08 TU

Pas d'erreur, c'est bien ainsi, avec l'accent, que la gouailleuse Souâd Belhaddad s'adresse à la salle quand elle lance son one woman show. Confession d'une Française d'origine algérienne tiraillée entre ces deux cultures. Un spectacle mis en scène par Hala Ghosn à voir (de toute urgence) au Tarmac, à la Villette à Paris jusqu'au 1er août.

Les projecteurs s’allument sur la scène du Tarmac. Bouche pincée, jupe droite, chaussons aux pieds, assise raide et digne dans un fauteuil, Fatima reçoit sa voisine Monique autour d’un thé à la menthe et de pâtisseries. Dès ses premières paroles, on comprend qu’elle va avoir « Beaucoup de choses à [nous] djire ». Car elle en a vécu des expériences ! Elle en a des souvenirs à raconter, des questionnements à exprimer, des amertumes à faire sortir et des victoires petites et grandes à brandir comme autant de moments d’une vie passée à essayer d’être elle-même : une Française d’origine algérienne ou une Algérienne devenue Française, mais qui, au-delà des immeubles de son quartier et malgré les années, veut toujours voir les flots bleus de la Méditerranée.

Souâd Belhaddad© Arnaud Février

Souâd Belhaddad
© Arnaud Février

Fatima a plusieurs « chez nous », et ne comprend pas quand ses voisins, ses collègues lui rappellent que son « chez elle » n’est pas le leur. Elle rêve de tolérance et d’ouverture d’esprit dans cette France qui, tiraillée entre ses idéaux égalitaires et ses pulsions racistes, n’en finit pas de faire entrer ses minorités dans le carcan du politiquement correct. 
 
Après Fatima, c’est Hayat qui va prendre la parole. Hayat, la fille unique de Fatima, l’incarnation de la réussite et de l’intégration. Hayet travaille comme fonctionnaire au « ministère de la visibilité », mais pour elle, manifestement, le salut professionnel est encore loin d’être gagné… Ecartelée entre les racines incarnées par sa mère et son présent de jeune femme moderne, elle navigue entre les deux pôles de son identité quitte parfois à se heurter au mur du réel, comme lorsque sa mère lui demande de faire un geste pour que sa cousine algéroise puisse venir à Paris voir le concert de Cheb Khaled ! Comment être une bonne petite Française sans être injuste envers la famille algérienne ?
 
Auteur et interprête du spectacle, Souâd Belhaddad, seule en scène, se glisse dans la peau de ses personnages avec une joie évidente et un talent véritablement déconcertant. Femme de lettres, cette journaliste et écrivain engagée pointe du doigt l’absurdité langagière avec laquelle institutions et médias tentent de décrypter les évolutions actuelles de la société française confrontée à la réalité du cosmopolitisme. Religions, intégration, minorités, « visibilité », respect, traditions… Autant de termes ou de concepts qu’elle nous invite à examiner sous toutes les coutures, avec beaucoup d’humour et de subtilité. On sort du spectacle ému, heureux, bluffé véritablement par la qualité de la performance et plein de gratitude pour Souâd Belhaddad, pour sa généreuse et profonde tendresse.