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Parade

Fellini à l’œuvre

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 23/10/2009 Dernière mise à jour le 02/11/2009 à 13:11 TU

Ambiance de fête au Jeu de Paume à Paris qui rend hommage au Maestro. Extraits de films, dessins, photographies, entretiens, magazines, ce sont quelque 400 documents assez peu vus qui racontent l’univers extravagant du réalisateur de La Strada, de I Vittelloni et surtout de La Dolce Vita, film mythique qui fêtera ses soixante ans en 2010. Champ/Contre-champ… Une invitation à entrer dans les coulisses d’un cinéma aux motifs récurrents voire obsessionnels, et d’une générosité, d’une (apparente) joyeuseté qui nous transportent littéralement. En piste pour La Grande Parade fellinienne, du titre de l’exposition, la Cinémathèque française projetant, pour sa part, tous les films de l’artiste italien.

Les photographes à l'arrivée de la vedette de cinéma, La Dolce Vita, 1960.DR

Les photographes à l'arrivée de la vedette de cinéma, La Dolce Vita, 1960.
DR


L’immense affiche de La Dolce Vita (1960) signée Sandro Simeoni - sorte de fresques colorées d’une via Veneto envahie de couche-tard -, et qui ouvre l’exposition donne l’humeur et la tonalité d’un espace conçu comme une expérience sonore et visuelle. Pluie d’images et de bandes originales, toutes écrites par le fidèle Nino Rota, qui nous plongent dès l’entrée dans le monde excentrique de Federico Fellini.

La circulation des images

Sur trois écrans, trois extraits de film qui résonnent les uns à la suite des autres envahissant alternativement tout le rez-de-chaussée, sans que la musique de l’un ne fasse jamais hiatus avec les images en sourdine des deux autres, cette boucle donnant au contraire à voir et à entendre une drôle de cohérence. L’idée de « Laboratoire d’images » qui a guidé toute la démarche de Sam Stourdzé, le commissaire de l’exposition, fonctionne à plein tubes ! Surtout quand l’on sait que sur les 25 000 documents qu’il a été amené à compulser, il en a retenu 400, ce qui constitue une somme considérable. Et pas uniquement en termes de quantité : « En ce qui concerne Fellini, on pense généralement que tout a été dit, tout a été écrit. Or dans les archives des photographes de l’époque, on trouve des clichés qui ne faisaient pas partis du corpus officiel ». Le spectateur se retrouve ainsi en même temps face aux films et dans les coulisses.  

Anita Ekberg et Marcello Mastroianni, La Dolce Vita, 1960.© 1960 La Dolce Vita

Anita Ekberg et Marcello Mastroianni, La Dolce Vita, 1960.
© 1960 La Dolce Vita

Où l’on découvre ainsi que l’imaginaire de Fellini pour riche qu’il fut en femmes plantureuses et en fantasmes débridés - de ce point de vue, son Livre des rêves est une mine - se nourrissait aussi et surtout de la réalité. Exemple parmi d’autres, la scène mythique de La Dolce Vita où l’on voit le mélancolique Marcello Mastroianni rejoindre la bombe Anita Ekberg dans les eaux de la fontaine de Trévi. Cette séquence loin d’être inédite s’inspire en vérité d’un fait avéré : deux ans plus tôt, en 1958, l’actrice suédoise avait été photographiée par les paparazzi (mot qui n’était pas encore inventé à l’époque, il le sera deux ans plus tard par Fellini lui-même), entrant dans les eaux transparentes de la même fontaine, non pas vêtue de noir mais de blanc.

Des images plus vraies que la réalité elle-même

Et les illustrations de ce type sont légion : « Fellini était un grand observateur de la réalité, il était capable de déceler une matière cinématographique dans ce qu’il voyait, et ensuite de la mettre à sa sauce. On rejoint là son premier métier, la caricature qui consiste à partir d’une scène précise pour parler à tous. Tout est dans tout, c’est ce que montre l’exposition ». Et si le processus créatif de Fellini est celui à l’évidence d’un « cinéaste du motif récurrent et récursif », son œuvre déborde largement le 7e art : « C’est l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle qui nous est racontée ». A travers notamment la question de la (sur)médiatisation de l’actualité que Fellini traitera abondamment dans ses films dès La Dolce Vita évidemment mais également par la suite, moquant la publicité, et dénonçant sans réserve le spectacle navrant de la télévision privée.

Le cinéma de Fellini est ainsi parcouru de « sous-textes », pour reprendre l’expression de Sam Stourdzé, y compris lorsque le maestro met en scène sa propre image, à partir de son film Huit et demi (1963) dans lequel, pour la première fois explicitement, son acteur fétiche Marcello Mastroianni apparait bien comme le double du réalisateur.

Federico Fellini, mars 1955.DR

Federico Fellini, mars 1955.
DR

Fellini, c'est moi !

A l’heure de quitter cette folle ronde fellinienne, on ne peut que penser à tous ces hommes et ces femmes, apprentis-acteurs, qui se présentaient aux studios de Cinecitta quand le cinéaste entamait un nouveau projet, dans l’espoir de décrocher un rôle même de figuration. « C’était la cour des miracles », raconte le commissaire qui a tenu à leur réserver ce qu’il appelle « le mur du casting ». Un juste hommage à ces gens qui se disaient « plus felliniens que Fellini lui-même » et auxquels Fellini consacrera d’ailleurs deux films dont Intervista, en 1957. Ultime (et imparable) preuve de cette circulation des images qui caractérise l'oeuvre du réalisateur de Ginger et Fred. C’est d’ailleurs cette générosité (même vacharde) de l’homme et du cinéaste qui donne envie au visiteur de refaire immédiatement un tour de piste comme des Vitelloni qui refuseraient de quitter la cour de re-création !

Pour en savoir plus : rendez-vous sur les sites de la Fondation Fellini, en Suisse, et de l'Institut culturel italien de Paris.