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28/04/2006 | |||
Chronique Livres | |||
Amadou Hampt Ba : un vieillard est mort, une bibliothque est ne (MFI) Amadou Hampt Ba est devenu clbre pour avoir dit quen Afrique, quand un vieillard meurt, cest une bibliothque qui brle . Mais lui-mme a tout fait pour dmentir son propre adage. Lorsquil disparat en 1991, plus de 90 ans, il laisse derrire lui une bibliothque bien fournie : ses nombreux livres (qui figurent parmi les best-sellers de la littrature africaine) et les multiples publications sur la tradition orale quil a crites ou dont il a suscit la parution. Cest cette somme impressionnante que cet ouvrage collectif tente danalyser, dans ses multiples dimensions littraires, philosophiques et anthropologiques. Peul du Mali n dans une grande famille de marabouts, Hampt Ba tait avant tout un moissonneur de contes et dpopes. Toute sa vie, il na eu de cesse de dfendre les civilisations, traditions et religions africaines. Mais cette passion de la mmoire, loin de lenfermer dans sa culture, saccompagnait dun solide engagement humaniste. Construire la modernit africaine sur la culture africaine, oui, mais sans oublier de souvrir aux autres. Il sagira pour les Africains, disait-il, de laisser disparatre delles-mmes les coutumes abusives, tout en sachant prserver les valeurs positives , dtre ces bons jardiniers qui savent laguer les branches mortes et au besoin, procder judicieusement des greffes utiles . Amadou Hampt B, homme de science et de sagesse, Amadou Tour et Ntji Idriss Mariko (sous la direction de), Nouvelles ditions maliennes-Karthala, 350 pages. Sophie Boukhari Internet dans le monde arabe : oui mais (MFI) Dans de nombreux pays, la rue arabe ressemble de plus en plus celle de nombreux pays en dveloppement dAsie : les tlboutiques, Internet centers et autres cybercafs y fleurissent, plus nombreux de jour en jour. Les jeunes Arabes nont pas mis longtemps adopter un outil qui leur permet de communiquer moindre frais avec leur famille migre, daccder de multiples informations dans des pays o les mdias sont confisqus par lEtat et de tenter de sexprimer librement. Ct gouvernements, les choses sont plus complexes. Certains, comme en Arabie Saoudite ou au Ymen, limitent lusage des rseaux car ils vhiculent, disent-ils, des contenus incompatibles avec la morale islamique. Mais la plupart (Tunisie, Maroc, Egypte, Kowet, Liban, etc.) semploient promouvoir Internet car ils savent quune conomie moderne a besoin des nouvelles technologies de linformation et de la communication. Reste que tous, sans exception, cherchent contrler laccs de leurs citoyens au net, peru comme un moyen daction politique menaant leur pouvoir. Cest cette tension entre besoin et peur dInternet que luniversitaire Samia Mihoub-Dram tente danalyser. Bien quon regrette une certaine dilution du sujet et des statistiques trop anciennes, son ouvrage a le mrite du ralisme : loin de tout cyber-anglisme, il permet de comprendre que si Internet peut changer les rapports entre gouvernants et gouverns, il peut aussi renforcer les rgimes autoritaires qui le manient avec intelligence. Internet dans le monde arabe, Complexit dune adoption, Samia Mihoub-Dram, LHarmattan, 330 pages. S. B. LAfrique en rserve de dveloppement (MFI) Encore un livre sur lAfrique. Ou disons plutt : enfin un livre sur lAfrique. Presque un manuel tant son contenu est ordonn et fouill mais tellement plus agrable lire. Destin, entre autres, aux candidats au Capes et lagrgation de gographie, il embrasse le continent dans sa globalit et sa diversit, sans se limiter au pr carr francophone. Tout y est, pass au crible : les indicateurs faire hurler, les questions de la dmographie, de leau et de lagriculture, les problmes de lchange ingal et de lentre dans la mondialisation, le dbat sur les causes de la crise, etc. Mais luniversitaire Sylvie Brunel ne sarrte pas l et reprend son compte la fameuse boutade africaine : si les statistiques taient exactes, nous serions tous morts . Elle rappelle que 70 % de lconomie du continent chappe aux lois et aux chiffres officiels, que les indicateurs socio-conomiques sont bien meilleurs aujourdhui quen 1960 et qu cette poque, ctait lAsie que lon croyait condamne. Surtout, elle met laccent sur les potentialits normes et la formidable capacit de rsilience du continent. LAfrique, dit-elle, est en rserve de dveloppement . Seuls ceux qui ne sintressent quaux apparences et aux performances, mesures selon les critres de la civilisation matrialiste et technicienne occidentale, lenferment dans des verdicts sans appel []. Le gographe, au contraire, capable daller au-del de la brutalit des chiffres, capable dinterroger lhistoire, les paysages et les civilisations, peut dceler, au-del des faiblesses, les lignes de force sous-jacentes et les capacits de redressement dun continent qui [] na pas dit son dernier mot . Vive la gographie ! LAfrique, Sylvie Brunel, Editions Bral, 239 pages. S. B. Le Maroc dlgue son service public de leau (MFI) Cette recherche, mene entre 2001 et 2004 dans le cadre du Programme de recherche urbaine pour le dveloppement (PRUD) initi par le ministre franais des Affaires trangres, est le fait dun conomiste, Claude de Miras, et dun gographe de luniversit de Provence, Julien Le Tellier. Elle tablit un premier bilan de lexprimentation des partenariats publics privs dans la gestion de leau de trois villes marocaines : Casablanca, Ttouan et Tanger. Pour la majorit des habitants de ces nouveaux ensembles urbains, accder aux biens essentiels mais aussi aux services de base comme leau potable et lnergie constitue un enjeu. Longtemps attach la gestion de leau en rgie, le Maroc a choisi douvrir son secteur public des entreprises prives qui assurent le service de leau potable, de lassainissement et de llectricit, depuis 1997 Casablanca, 2002 Ttouan et Tanger. Au total un modle quilibr , estiment les auteurs. Gouvernance urbaine et accs leau potable au Maroc, Claude de Miras et Julien Le Tellier, LHarmattan, 276 pages. Antoinette Delafin Dans la peau dun Rockefeller (MFI) Son grand-pre, John, a fond en 1870 la Standard Oil, et avec elle un empire ptrolier. Sa mre, fille dun snateur, a jou un rle dterminant dans la cration du MoMA, lune des plus beaux muses dart moderne du monde. Enfant, David Rockefeller vivait dans une maison huit tages, la plus grande de New York, avec gymnase et hpital priv au sous-sol, terrain de sports sur le toit. Quand ils partaient en vacances, en wagon Pullman priv ou en limousine, les Rockefeller passaient rarement inaperus. David raconte quen 1927, lors de son premier voyage en Europe, il passe une semaine Versailles o son pre inspecte les travaux (il a notablement contribu la restauration du chteau) : le conservateur nous a laiss faire du vlo dans le parc, nous avons mme eu le droit de monter sur les toits du palais . Et leur retour en France, en 1936, cest Lon Blum lui-mme qui les reoit loccasion de la r-inauguration de la cathdrale de Reims , pour laquelle Rockefeller pre a aussi largement mis la main la poche (1 million de dollars, quand mme). Lhistoire dune dynastie industrielle raconte par lun des siens ? Cest la limite autant que lintrt de cet exercice. De ces pages abondamment fournies en anecdotes, il ne faudra pas attendre un point de vue critique. Nulle rvlation sur la faon dont les Rockefeller ont amass et conserv au fil des guerres et autres krachs boursiers leur immense fortune, nul dtail ne filtre sur les activits du narrateur la tte de la Chase Manhattan (qui le conduisirent pourtant ngocier avec Castro, Pinochet, des dirigeants racistes de lAfrique du Sud et bien dautres dictateurs). Au finale, reste toutefois un point de vue imprenable sur la vie au quotidien dans lune des plus riches familles du monde, double dune chronique passionnante des coulisses du 20e sicle. Mmoires, David Rockefeller, Editions de Fallois, 607 pages. Elisabeth Lequeret | |||
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