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28/04/2006
Cinéma : il faut se souvenir du soldat Koita

(MFI) En 1914, au commencement d’une guerre qui s’annonce terrible, la France décide de faire appel aux hommes de ses colonies pour combattre l’ennemi allemand. Comme Demba Koita, 134 000 Africains seront recrutés, de gré ou de force, pour la défense d’une patrie qui ne leur a guère montré de reconnaissance par la suite.

Demba Koita avait seize ans et demi lorsqu’il fut enrôlé dans les troupes coloniales destinées à défendre une « Mère patrie » dont il ne savait rien. Aujourd’hui, son fils Jean-Pierre s’efforce d’entretenir la mémoire de ce père si réticent à évoquer ses souvenirs de guerre. Si le documentaire n’apporte guère d’éléments biographiques sur le jeune tirailleur sénégalais, hormis son installation en France et son mariage avec une Française, il éclaire en revanche d’un jour nouveau les rapports de la République avec ses « enfants » d’Outre-mer.
On les dit « Sénégalais », mais ils venaient pour la plupart du Mali et de l’actuel Burkina Faso. L’Afrique occidentale française (AOF) pourvoyait généreusement aux besoins de la France en hommes de troupe. A peine débarqués en France, jeunes conscrits et soldats de métier ont pour la plupart été affectés dans la Marne pour mener une guerre à laquelle ils n’étaient pas préparés. Les maladies et le froid avaient raison de ceux qui échappaient aux bombardements et aux combats, parfois inutiles, que leur faisaient mener leurs chefs.


Instrument de propagande

Mais le soldat indigène n’est pas uniquement destiné à fournir cette chair à canon dont les guerres se nourrissent si goulûment. La République va également utiliser leur image pour se grandir. La participation des soldats africains à la Première Guerre mondiale est pour la France l’occasion de faire preuve d’une certaine modernité face à la supposée barbarie allemande. Le pays se nourrit et se grandit de cet amour que lui vouent les troupes coloniales. Pour la propagande de l’époque, les troupes noires symbolisent « la fidélité au drapeau, le dévouement au chef et la bravoure ». Peu à peu s’installe le stéréotype du « grand enfant » qu’il faut savoir tout à la fois aimer et châtier : c’est en 1915 qu’est lancée la campagne de publicité « Y’a bon Banania ». D’autres images montrent le bon soldat dans les bras de son infirmière ou de sa marraine de guerre.
Pourtant, une fois la paix revenue, la France sera prompte à oublier ses promesses. Les hommes que le commissaire de la République Blaise Ndiaye avait convaincu de s’engager en leur faisant miroiter la citoyenneté pleine et entière resteront, une fois démobilisés, ces indigènes que l’on méprise. Ceux qui choisiront de rester dans l’armée n’accèderont jamais aux grades les plus élevés. De là, naît en Afrique l’idée de la « dette de sang » de la France envers le continent. Sur ce terreau militant grandiront les rancœurs mais aussi les envies d’indépendance. Il ne faut pas oublier le soldat Koita. Comme le dit son fils, « c’est au tour des Français de le remercier ».

Geneviève Fidani


Dans les tranchées, l’Afrique, l’aventure ambiguë, de Florida Sadki, DVD édité par la Médiathèque des Trois mondes, 20 euros.



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