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12/05/2006 | |||
Chronique Musique | |||
Toumani Diabat : un album danthologie ! (MFI) Sil y a bien une uvre qui comptera dans lhistoire de la musique africaine, cest lalbum Boulevard de lIndpendance que Toumani Diabat vient de sortir chez World Circuit. Presque vingt ans aprs sa premire russite discographique, Songhai, une rencontre magique flamenco mandingue avec les frres Ketama, et quelques mois aprs le magnifique duo avec Ali Farka Tour, In the heart of the moon, le fils de Sidiki Diabat propose aujourdhui un album danthologie. En compagnie de son Symmetric Orchestra, Diabat hisse aujourdhui la kora des hauteurs insouponnes. En multipliant pendant des annes les confrontations artistiques avec les artistes les plus divers, Toumani sest construit un jeu unique fait de trouvailles rythmiques, de sonorits nouvelles et de variations indites. La premire et immense qualit de Toumani est davoir donn ici de lampleur la kora en la plaant dans une grande formation orchestrale o les cuivres donnent puissance et nergie un ensemble qui russit merveille les enchanements instrumentaux. La seconde est davoir su rconcilier les deux versants de son identit culturelle, wolof et mandingue, en sentourant de deux chanteurs dexception, Moussa Niang (alias Moussa Diabat), qui glisse ses intonations wolofs sur Africa Challenge , et Mangala le Mandingue. Dans le magistral Mali Sadio lgende de lamour entre un hippopotame et les habitants dun village ( mali signifie hippopotame), la voix sobre et dchirante de Mangala en fait le digne hritier dun Kouyat Sory Kandia. Zen Zila : lhommage dAzouz BegagZen Zila : lhommage dAzouz Begag (MFI) En signant son troisime album, Mais o on va comme a (Universal), le duo Zen Zila sest offert un hommage dAzouz Begag, qui dresse du duo Wahid/Laurent un portrait flatteur : Depuis plusieurs annes, embusqu sur les traces de leurs passages, jobserve Wahid et Laurent. Ils grandissent. Au fil du temps, jai vu leurs yeux sembraser des feux de lexaltation, jai vu leur existence se concentrer petit petit sur ce qui est devenu leur destine, le sens de leur vie, la musique. Et avec elle, toute la ferie des rencontres auxquelles ils sont si attachs . Par ses choix musicaux (une dominante rock avec des couleurs tsiganes, reggae, blues et orientales), les complices se sont imposs au fil dalbums dont la production remonte 2000. Laurent Benitah, le guitariste/bassiste, et Wahid Chaib le chanteur sont tous deux ns en Algrie, mais leur rencontre sest faite Lyon. Cest au quartier de la Croix-Rousse quils ont tiss leur musique mtisse, pulse et voyageuse, et mri leurs textes aux mots justes, ralistes mais jamais dsesprs. La voix pre, trs rock de Wahid rve dune vraie galit des chances, dune socit plus humaine et plus solidaire, dune Rpublique qui retrouve ses valeurs : Jai compost un ticket pour un monde meilleur, un ticket pour dissiper mes peurs. Jaurais pu croire en libert-galit. Comme un boomerang retour la ralit, la peur aux trousses, je dtourne les yeux du 20 heures, imprimante clichs pour affabulateurs , chante-t-il dans le titre-phare Mais o on va comme a ? Ti Fred : entre amour, tolrance et revendication (MFI) Premire uvre de Ti Fred, Sitantelman (Piros/Harmonia Mundi) sinscrit dans la tradition du blues maloya. Fred Belhomme, dit Ti Fred, a grandi berc par les tambours malabar, une musique qui influence son maloya bluesy. Son succs date du milieu des annes 1980, quand le titre Kony , qui dnonce la violence de certains fonctionnaires de police lgard des petits dlinquants, trouve un puissant cho auprs la population runionnaise : quelques radios le diffusent alors en boucle. Dans les annes 1990, Fred Belhomme rejoint Danyel Waro dont il devient le choriste. Ce dernier lencourage crire ses propres textes et co-produit lalbum Sitantelman. Vingt ans aprs son premier succs, Fred Belhomme se retrouve donc sous le feu des projecteurs. Pour loccasion, il sest entour de linstrumentation classique du maloya et y a adjoint un instrument nouveau, les congas. Entre amour, tolrance et revendication, Ti Fred perptue un maloya trs roots, vritable blues runionnais et ciment de lunit culturelle insulaire. Diams : le rap au fminin (MFI) Avec son nouvel album, Dans ma bulle (EMI), et la perce du titre Ma boulette , Diams est aujourdhui en tte des succs du rap hexagonal avec Booba, Diziz la peste et Authentik de NTM. Mais la grande nouveaut, cest lampleur de ce succs fminin sur une scne trs machiste o les filles sont exhibes comme des marchandises. Sur cette plante musicale, la voix de Diams est donc hautement rafrachissante. Cette jeune Chypriote ne en 1980 et installe dans lEssonne (banlieue parisienne) huit ans plus tard a dcouvert le rap avec le groupe NTM. A 14 ans, elle monte son premier groupe, est paule par Jamel Debouzze, signe chez EMI en 2001 et connat le succs deux ans plus tard avec Brut de Femme. Loriginalit de Diams, son atout essentiel, cest cette bouleversante authenticit, cette sensibilit fleur de peau. Elle invective la France hypocrite ( Ma France moi ), voque la difficult dtre la fois femme et cratrice ( La feuille blanche ), parle des hommes et de lamour ( Jeune demoiselle ), pleure, se met nu, crie, plaisante avec ses mots elle, potiques, tendres, rvolts : une femme fragile et mouvante, loin des clichs du rap prfabriqu. Tony Allen, batteur araigne (MFI) Avec son nouvel album Lagos No Shaking (World Circuit), enregistr en dix nuits dans le quartier dIkeja, Lagos, Tony Allen dmontre une nouvelle fois ses talents de batteur araigne tant la polyrythmie chevele de ce rythmicien hors pair de lafro-beat le mtamorphose en un groupe de percussions lui tout seul. Les rythmes tournent, les cuivres senflamment et les peaux rsonnent dans cette ode lnergie pure. Pourtant, lancien batteur de Fela Anikulpo Kuti a dcid de faire peau neuve et dinnover en runissant dans ce nouvel opus les styles et les gnrations qui font de la scne lagosienne un champ unique dexprimentation. Sur quatre titres apparat le lgendaire Fatai Rolling Dollar, 78 ans, pre de la musique nigriane contemporaine, qui a influenc notamment Fela Anikulapo Kuti et King Sunny Ade. La touche RnB est donne par le jeune Omololu Ogunleye, 25 ans, dans le titre One tree mais aussi dans Aye Le . On retrouve galement dans cet album deux cuivres de Fela, Baba Ani et Show. Un vritable tour dhorizon musical et historique de la capitale nigriane ! | |||
Sylvie Clerfeuille | |||
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