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18/08/2006 | |||
Littrature Par amour de JC | |||
(MFI) JC , de simples initiales, pour dsigner un des plus importants musiciens de jazz des annes 60 : John Coltrane est le hros de la nouvelle publie il y a plus de vingt cinq ans par lcrivain congolais Emmanuel Dongala. Quun spectacle russit remettre en musique, dans une adaptation prsente pour la premire fois Paris (1). | |||
Un jeune Africain dcouvre, au dbut des annes 60, lAmrique et le jazz. Tranant dans les clubs new yorkais, il croise un curieux personnage de cette scne alors en pleine mutation : saxophoniste, celui-ci a acquis un nom en jouant notamment avec Miles Davis, mais John Coltrane se signale par une rputation sulfureuse, non pas tant pour son usage de lalcool et de la drogue (il y a renonc en 1957), que par sa capacit vider les salles. A la tte de ses diverses formations, il affiche un style rsolument personnel mais dsoriente le public par de longues improvisations o passent les plus tranges sonorits et dimprobables accords sous linfluence du free jazz, alors en pleine expansion. Malgr les critiques et les checs, Coltrane persvre dans une voie musicale troitement associe une qute spirituelle qui lui vaudra plus tard une reconnaissance universelle. Mais comme tant dautres jazzmen, lun des plus grands de son poque meurt en 1967 dans un relatif anonymat. Musique et engagement Alors tudiant, le Congolais Emmanuel Dongala prouve comme ses camarades une grande admiration pour cette figure hors du commun. Il lui rendra hommage dans une nouvelle, parue en 1981 avec le recueil Jazz et vin de palmes. Son titre, A love supreme, est aussi celui dun album clbre de Coltrane. Quarante ans aprs sa publication, le texte na gure vieilli et livre une fine lecture de lunivers si personnel de J.C. , ainsi que de ses aspirations musicales. Sil a t souvent lu et comment, il restait lui donner une dimension scnique, en le ramenant vers sa source dinspiration premire : le jazz. Cest quoi sest employ le metteur en scne franais Luc Clmentin, dans un spectacle russi qui associe un trio de musiciens et un acteur (livoirien Adama Adepoju), en suivant pas pas la nouvelle de Dongala. O lon redcouvre comment lcrivain menait un parallle entre engagement politique et recherche musicale, prtant Coltrane des proccupations qui taient aussi celles de sa gnration, et qui restent fort actuelles. Thierry Perret (1) Tarmac de La Villette, Paris, du 8 aot au 9 septembre 2006. Un spectacle conu dans le cadre de lanne des cultures francophones, francofffonies !, et du festival de jazz de La Villette. Un livre qui a su capter lesprit de lpoque (MFI) Un entretien avec Emmanuel Dongala, ralis par Bernard Magnier pour le Tarmac de la Villette. Reproduction autorise avec la mention : MFI/Tarmac de la Villette. Vous tes grand amateur de jazz et tout particulirement de John Coltrane. Votre nouvelle A love supreme est consacre ce musicien. Pourquoi ce musicien plus quun autre ? Pouvez-vous nous dire ce qui vous sduit chez lui ? Emmanuel Dongala : Pour comprendre ma fascination pour John Coltrane, il faut savoir que je suis arriv aux tats- Unis au dbut des annes 60, une poque o le jazz amorait une de ces transformations qui en ont fait une musique vivante, toujours en volution. Le genre dominant jusque-l tait le be-bop qui avait fini par ringardiser le bon vieux swing. Avec son tempo effrn, ses improvisations bases sur la structure harmonique plutt que sur la mlodie ce qui produisait parfois des sonorits dissonantes qui horripilaient les adeptes du swing le bop avait fini par rompre le lien troit qui existait entre le jazz et la danse, avec les big bands . Du coup, les musiciens migrrent vers les petits night-clubs o ils pouvaient sclater et pousser au bout leurs exprimentations. Ainsi donc, le bop qui avait commenc au milieu des annes 40 avec des musiciens comme Charlie Parker et Dizzie Gillespie tait son apoge avec ses drivs comme le hard-bop, le cool, la third-stream. Mais au dbut de ces annes 60, les jeunes musiciens commenaient se sentir ltroit dans le genre et aspiraient autre chose. Cette autre chose fut le mouvement qui a sorti le jazz de lre be-bop et devait rgner jusque dans le milieu des annes 70, mouvement que, faute de mieux, on a dnomm free jazz , new wave , ou encore new thing . Jai donc vcu cette priode-l et cest travers la musique de John Coltrane que je voyais, de disque en disque, de concert en concert, sous mes yeux en quelque sorte, la progression du mouvement. Au-del de sa musique y a-t-il des aspects dans sa dmarche de cration, dans sa trajectoire personnelle qui retiennent galement votre attention ? Ce qui ma fascin chez Coltrane cest sa capacit se transformer. Comment littralement en une nuit de 1957, il a pris la dcision darrter la boisson et les narcotiques qui avaient fait de lui un junkie, et comment... il la fait ! Comment il a apport une dimension spirituelle au jazz, cette musique qui jusque-l tait associe aux bouges et autres endroits mal fams. Dailleurs, quelques critiques ont dcrit sa musique comme du spiritual jazz . Cest aussi sa qute incessante de la perfection et de laventure. Aprs ce chef-duvre absolu quest A love supreme, il na pas hsit continuer sa recherche en se lanant dans le free jazz, alinant ainsi ses plus fidles admirateurs. Quel regard portez-vous, plus de 20 ans aprs sa parution, sur cette nouvelle ? Souvent, quand on relit des textes que lon a crit il y a longtemps, on se dit toujours quon aurait pu ajouter ceci ou retrancher cela. Mais presque trois dcennies aprs avoir crit A love Supreme, je trouve ce texte toujours aussi frais et toujours aussi vrai. En plus de son ct lyrique et potique, il a, me semble-t-il, trs bien capt lesprit de cette poque de lutte pour les droits civiques des Africains-Amricains durant laquelle musique et combat politique taient mls. Mieux, il semble que le temps lui a donn cette patine que lon trouve sur les vieilles photographies, ajoutant ainsi un brin de nostalgie et dauthenticit. Quel accueil a t rserv ce texte ? votre recueil ? Cest le recueil de nouvelles le plus connu et le plus lu dAfrique francophone. Il a t et est encore dans les programmes de nombreux lyces. Il a t rdit plusieurs fois et, mon grand chagrin, il existe mme des ditions pirates. Il est aussi trs utilis dans les universits et les lyces amricains qui ont un programme de franais. Jai aussi lu quelque part un critique qui considre Jazz et vin de palme comme la premire nouvelle de science-fiction africaine. Aujourdhui, vous vivez aux tats-Unis, comment percevez vous les liens existant entre les Africains-Amricains et lAfrique ? Une mre-patrie relle ? Fantasme ? Une terre dorigine lointaine ? Une fascination mle de crainte et dignorance ? Une attirance non-concrtise ? Dans les annes 60, pendant la lutte des Africains-Amricains pour leurs droits civiques, il y avait une vritable fascination pour lAfrique, une fascination aussi bien idologique quhistorique. Cela tait d au fait que lAfrique venait de conqurir son indpendance et servait un peu de modle ou du moins de repre historique cette population qui luttait elle aussi pour son droit dexister. Cest dailleurs vers cette poque-l que le terme African American a remplac le terme negro qui dsignait les noirs amricains, cest tout vous dire. Aujourdhui, lAfrique a du. Sous leffet de loupe des mdia dont la plupart des Africains-Amricains tirent leur information concernant le continent, lAfrique nest plus pour eux que le continent de la misre, du sida, des guerres civiles. Ils ne sy intressent pas vraiment. Heureusement quil y a une frange intellectuelle qui sintresse toujours notre vieux continent, organise des voyages et mme des programmes pour retrouver les rgions prcises dAfrique do provenaient leurs aeux partir des recherches gntiques bases sur lADN. MFI/Tarmac de la Villette Emmanuel Dongala est n en 1941 en Oubangui Chari, a vcu aux tats-Unis de 1961 1968, avant de sinstaller au Congo-Brazzaville. En 1997, chass par la guerre civile, il retourne aux Etats-Unis o il enseigne la chimie et la littrature francophone. Il est lauteur de cinq titres (dernier roman paru aux ditions Le Serpent Plumes : Johnny chien mchant, en 2002). | |||
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