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29/09/2006 | |||
Nigeria : naissance d’un géant des images | |||
(MFI) Tournées très rapidement, à des prix défiant toute concurrence, les vidéos nigérianes connaissent depuis le début des années 1990 un succès sans précédent. Aujourd’hui, le gouvernement souhaite réglementer cette très lucrative industrie… | |||
Plus que les Etats-Unis, mieux que l’Inde : avec une production de 2 000 films par an, le Nigeria est devenu depuis quelques années le géant mondial des images. L’attrait de ces fictions à petit budget (entre 15 000 et 100 000 dollars) dépasse largement la frontière du pays : leur circulation s’étend désormais à toute l’Afrique, y compris l’Afrique du Sud. En juillet dernier, Zenithfilms, une société britannique, a lancé sur le réseau BskyB de Rupert Murdoch une chaîne spécialement consacrée aux films nigérians, sur le chemin de sa « consœur » MultiChoice, qui offre depuis longtemps un canal spécialisé sur cette production. Au Nigeria, l’industrie du film emploie un million de personnes, faisant du cinéma le plus important employeur du pays après l’agriculture, selon le National Film and Video Censors Board (NFVCB). Les ventes représentent entre 200 et 300 millions de dollars par an. La popularité de ces films, qui circulent sous forme de cassettes vidéo et de VCR, est liée à leur très bas prix, qui les rend disponibles à tous, y compris dans les zones rurales les plus reculées, mais aussi à leurs sujets, toujours fortement ancrés dans la culture populaire du pays. On dit que c’est en 1992 qu’est née « Nollywood » (mot-valise assimilant, à l’instar de Bollywood, son homologue indienne, l’industrie du cinéma nigériane à Hollywood) : Onitsha, un commerçant se retrouvant à la tête d’une grande quantité de cassettes vierges achetées à très bas prix à Taiwan, décide de tourner un film pour ajouter une plus-value à son stock. Bonne intuition : Living in bondage se vendra à plus de 750 000 copies, encourageant une foule d’imitateurs à se lancer sur la voie. Le thème du film – l’histoire d’un homme hanté par le fantôme de sa femme – sera la recette à ce jour insurpassée de Nollywood : du mélodrame, un soupçon de sexe et une bonne dose de magie noire. Depuis toujours, les vidéos nigérianes sont produites sans aucune aide publique. Mais cette situation pourrait bien changer prochainement : le président Olusegun Obasanjo, vient de créer une commission chargée d’étudier les moyens d’aider l’industrie cinématographique nationale. Cette soudaine sollicitude de l’Etat n’est pas gratuite : avec ses sujets ultra-violents qui exploitent sans vergogne superstitions et légendes locales, Nollywood serait désormais le pire ambassadeur du pays. « Quand je voyage à l’étranger, les gens se plaignent des thèmes vaudous et de la piètre qualité technique des films », note Emeka Mba, directeur général de la NFVCB. Rien de surprenant, dans ces conditions, à ce que l’industrie voit arriver ces aides d’un œil suspicieux. Certains cinéastes craignent que leur chiffre d’affaires ne diminue si le gouvernement limite l’exploitation des thèmes vaudous et autres histoires de sorcellerie. D’autres, en revanche, souhaitent que les autorités encouragent la création de prêts spéciaux à bas taux. Ou préconisent la création d’un véritable système de distribution. Certes. L’année prochaine, le Nigeria comptera cinquante salles de cinéma. Pour un pays de 134 millions d’habitants, beaucoup de chemin reste à faire. | |||
Elisabeth Lequeret | |||
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