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13/10/2006
Mineurs en prison : lAfrique compromet leur avenir

(MFI) Les conditions de dtention des jeunes dlinquants observes un peu partout sur le continent africain sont mauvaises : exposition aux violences des ans, manque dhygine et de soins, quasi-absence de formation Des ONG se mobilisent pour viter dhypothquer lavenir.

Une trentaine de jeunes entasss pour dormir, parfois mme le sol, dans une petite chambre : les conditions de vie des mineurs dtenus la prison centrale de Yaound, au Cameroun, sont trs difficiles. Elles ne diffrent pas cependant de celles observes dans la plupart des pays du continent : pourtant plus vulnrables, les adolescents sont souvent logs la mme enseigne que les adultes. Ainsi, en 2004, un collectif dOng notait dans un rapport quau Bnin les conditions carcrales dans les quartiers des mineurs taient contraires au Pacte et la Convention relative aux Droits de lenfant, tout en soulignant que certaines prisons du pays ne possdaient mme pas de quartier spcifique ces prisonniers. Nous manquons de tout, raconte un jeune dtenu de la prison centrale de Yaound. Je nai par exemple mme pas de brosse dent. Nous navons aussi quun seul repas par jour : un plat de haricots et de mas. Jai tout le temps faim et a mempche dtre attentif aux quelques heures de cours que des prisonniers adultes nous donnent. Et lorsque nous sommes malades, on ne nous donne que du paractamol.
Le dnuement dans lequel vivent ces jeunes, pour la plupart emprisonns pour vol, donne lieu toutes sortes dabus et met leur sant et leur vie en danger permanent. A Kinshasa, une Ong, le Bureau international catholique de lenfance (BICE) a constat en 2005 que sur 380 enfants dtenus, on comptait 144 cas de paludisme, 169 de verminose intestinale et 98 de dermatoses. Pour un repas de plus ou contraints par la force, il arrive que certains dentre eux soient obligs de se soumettre des relations homosexuelles. A Yaound, lune des punitions infliges aux rcalcitrants lordre carcral consiste les envoyer dans les quartiers des prisonniers adultes, o ils sont alors bien souvent victimes de viols. Les consquences de ce type de violence peuvent tre trs graves : il nexiste pas daction de sensibilisation ou de mesure de prvention contre la propagation du VIH dans cette prison.


De nombreux mois en dtention prventive, sans quil ne se passe rien

En gnral, la grande majorit de ces jeunes prisonniers ne peuvent pas compter de soutien lextrieur : ils sont souvent abandonns par leur famille. Jai envoy des dizaines de lettres mes parents depuis que je suis ici. Mais je nai jamais eu de rponse, ni de visite , rapporte un des dtenus de Yaound. Livrs eux-mmes, ils ont rarement de quoi payer les services dun avocat. Au Cameroun, plus de la moiti dentre eux passent de nombreux mois en dtention prventive, sans quil ne se passe rien. Peu de magistrats se donnent la peine de traiter convenablement des affaires impliquant des mineurs pauvres, a constat de son ct, en septembre 2005, lOnu en Rpublique dmocratique du Congo (RDC).
Cette situation catastrophique est cependant prise en compte depuis quelques annes par quelques Ong qui travaillent lamliorer. Le BICE, par exemple, mne en Cte dIvoire, en RDC, au Mali, au Sngal et au Togo un projet intitul Enfants privs de libert. Il agit dans les commissariats de police, les prisons, les parquets et les tribunaux afin, notamment, de sensibiliser le personnel de ces administrations aux droits des enfants. Au Cameroun, Kids Care tente, depuis deux ans, en association avec tous les ministres concerns (Justice, Education, Sant, Jeunesse), de retrouver les familles de certains de ces jeunes, de mettre en place une quipe davocats prts les suivre, damliorer leur quotidien et la prise en charge de leur sant, de prparer leur future rinsertion dans la socit en organisant un peu mieux leur cursus scolaire au sein de la prison.
Au Sngal, les efforts conjugus de la mission de coopration franaise, de lOng Enda Tiers-Monde et de ladministration pnitentiaire ont chang, depuis le milieu des annes quatre-vingt-dix, les conditions de dtention et de rinsertion des jeunes dlinquants. Ont notamment t rduites les dures demprisonnement : dsormais, les jeunes restent en dtention provisoire ou purgent des peines pour des priodes qui ne dpassent pas une moyenne de deux mois. Si le dispositif nest pas encore parfait, puisquil ne concerne pas la prise en charge de ces jeunes une fois quils sont sortis de prison, au moins il naggrave pas leur marginalisation et ne les enfonce pas plus dans la dlinquance. En prenant soin de leur formation, de leur sant ou de leur alimentation, cest une partie de lavenir du pays quon vite dhypothquer, estime Kids Care.

Fanny Pigeaud

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