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13/10/2006
Cinquantenaire du Congrs des crivains et des artistes noirs de 1956
Trois questions Lilyan Kesteloot


(MFI) Du 19 au 22 septembre dernier, sous lgide de lditeur Prsence Africaine et de lUnesco, Paris a clbr le cinquantenaire du Premier Congrs des crivains et des artistes noirs qui stait droul la Sorbonne en 1956. Lilyan Kesteloot a particip cette rencontre qui a runi dminents intellectuels dAfrique et de sa diaspora pour commmorer lidalisme et la perspicacit de leurs ans aujourdhui disparus. Entretien.

MFI : Pourquoi le Congrs de 1956 est-il important dans lhistoire politique et culturelle ngro-africaine ?

Lilyan Kesteloot : Il est important car en runissant dans la capitale franaise toute lintelligentsia noire de lpoque, il a donn une visibilit indite la culture et la pense dAfrique et de sa diaspora, il a mis en branle un mouvement daffirmation que le monde ne pouvait plus ignorer. Avec ce Congrs est vritablement ne une communaut noire de culture. Il a reprsent pour le monde noir ce que la confrence de Bandoeng qui a eu lieu la mme anne a pu reprsenter pour le tiers-monde en gnral. Dailleurs, le Congrs de Paris est souvent prsent comme un Bandoeng culturel .

MFI : Quels taient les moments forts de ces trois jours de commmoration ?

L. K. : La sance inaugurale tait indniablement lun des moments les plus forts de cette clbration. Lamphithtre Descartes de la Sorbonne, o le Congrs de 1956 a eu lieu, tait bond. Les intervenants ont rappel le rle fondamental de Prsence Africaine et de son fondateur Alioune Diop dans la conception et lorganisation de cette rencontre. Ils ont t chaleureusement applaudis. Mais le clou de la crmonie douverture tait, mon sens, lintervention du prix Nobel nigrian de littrature Wole Soyinka qui, en centrant ses propos sur les drames de lAfrique daujourdhui (Darfour, Cte dIvoire, Rwanda), a permis de mettre en perspective lidalisme des pres fondateurs de lAfrique moderne.
Un autre moment fort de cette commmoration a t la projection du documentaire Lumires noires qua ralis cette occasion un cinaste amricain sur le Congrs de 1956. Ce film tait une rvlation car il montrait combien fut vhmente la polmique qui a oppos lors des travaux les Amricains noirs tels que Richard Wright et Baldwin aux Africains. A tel point que le Congrs a failli sarrter. En regardant le film de Bob Swaim, beaucoup dentre nous se sont rendu compte combien fut srieuse leur polmique sur la dfinition du monde noir. Elle fut beaucoup plus grave quelle ne le parat travers les actes du Congrs.


MFI : Quel souvenir garderez-vous de cette clbration ?

L. K. : Le souvenir mu dun sentiment dimpuissance exprim quasi-unanimement par les intellectuels noirs runis cette occasion. Alors que leurs ans en 1956 taient pleins denthousiasme, llite africaine daujourdhui est sans illusion sur la capacit de lAfrique de sortir du marasme actuel court terme. Jai t frappe par laccent mis par tous sur les problmes de lAfrique daujourdhui, le plus souvent sur le mode critique ou interrogatif, avec un essai louable de lucidit sur soi. Les dbats ont mis en valeur la responsabilit des gouvernements africains et de la classe intellectuelle dans ce quon pourrait appeler la dtrioration culturelle et politique des nations africaines. En 1956, le Congrs sest conclu sur un appel solennel lanc lEurope coloniale pour quelle change. En 2006, les congressistes se sont spars avec la conscience douloureuse que cest lAfrique qui doit changer si elle veut aller de lavant.

Propos recueillis par Tirthankar Chanda

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