Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Culture Socit Liste des articles

24/11/2006
Faons de parler

AUTOUR DES MOTS : les mots de la musique

(MFI) Si la premire fte de la musique, initie par le ministre franais de la culture Jack Lang en 1982, clbre joyeusement depuis lors larrive de lt dans de nombreux pays, la musique a sans doute donn au franais moins dexpressions qu dautres langues. Elles sont le plus souvent lies la voix, et quelques instruments et sont assez souvent pjoratives !
Pour fustiger quelquun qui chante faux, on dira quil chante comme une crcelle ou comme une casserole, ou on mentionne sans en avoir lair quil va pleuvoir (ce qui, dans un pays comme la France o il pleut souvent, est bien entendu pjoratif). Sil chante avec une voix de fausset, cela ne veut pas dire quil chante faux mais dans un registre dsagrablement aigu. La Castafiore lun des rares personnages fminins mis en scne par Herg dans Tintin fait frmir ses auditeurs par ses trmolos (sauf le professeur Tournesol : mais il est sourd) ; mais dire que quelquun parle avec des trmolos dans la voix nest pas davantage flatteur, cest sous-entendre quil montre une motion excessive et sans doute hypocrite. De mme, lexpression mais quest-ce que tu me chantes l ? est pjorative et indique quon nest pas daccord avec ce qui est dit. Etre un matre-chanteur, cest faire chanter quelquun, cest--dire lui extorquer de largent en le menaant de rvler une information embarrassante pour lui. Mais attention : au Gabon, lexpression a conserv le sens quelle a dans lopra du mme nom de Wagner : elle dsigne un musicien la fois chanteur et danseur traditionnel qui a t initi aux rites de certaines crmonies religieuses dont sa famille est dtentrice. Heureusement que quelque part dans le monde, la dignit originelle du chant est conserve !
Quen est-il du violon ? Demander plusieurs personnes daccorder leurs violons, cest leur reprocher de ne pas tre daccord. Il arrive mme que lon fasse subir ce noble instrument dindignes traitements : pisser dans un violon, cest comme cracher dans leau, cest--dire faire quelque chose qui ne sert rien. Il a fallu la passion du peintre Ingres (1780-1867) pour la musique et sa grande matrise du violon (le sien est conserv au Muse de sa ville natale, Montauban), pour que la langue franaise senrichisse dune expression positive : avoir un violon dIngres cest exceller dans une occupation secondaire. Notons quen Acadie, un violon nest pas un instrument de musique, mais un arbre : une sorte de mlze
La flte, maintenant. Il nest pas du bois dont on fait les fltes est assez laudatif : il a du caractre. La flte, cest aussi un pain, un peu plus petit que la baguette. En Suisse, en revanche, cest un long biscuit sal : mais flter , cest aussi, en argot lycen, scher un cours La trompette a donn des expressions un peu familires et assez ambivalentes: quelquun qui trompette parle du nez ; un vnement qui se passe sans tambour ni trompette peut aussi bien connoter la simplicit que le souci de ne pas lannoncer ou de le passer sous silence. Heureusement, pour une femme, le nez en trompette, lui, est mignon et charmeur, surtout sil est petit
Quant la musique elle-mme, elle nest pas trs bien lotie. Lexpression rgl comme du papier musique implique ordre et organisation (allusion aux portes rgulires sur lesquelles est crite la musique occidentale) ; celui qui connat la musique a une habitude et une comptence dans le domaine. Mais dclarer On connat la musique implique un certain agacement devant ce qui est dit ou ce quoi lon sattend. Quant au jeu des chaises musicales, il consiste tourner autour de chaises (une de moins que le nombre de joueurs) et sasseoir lorsque la musique sarrte. Mais lexpression est aussi utilise de faon pjorative pour dsigner le fait que les politiciens passent dune charge lautre mais conservent le pouvoir...
On le voit, la langue franaise nest pas trs tendre pour la musique. Heureusement quil y a les potes pour la clbrer. Une dclaration de Baudelaire, en particulier, fait oublier tout le reste : La musique creuse le ciel.


UN PEU DE LATIN

(MFI) Un certain nombre dexpressions latines sont utilises de faon tellement courante dans la langue franaise quon ne respecte plus forcment la rgle demandant dcrire en italique les mots trangers. On a cependant parfois tendance les prononcer ou les crire de faon approximative ou fautive. Quelques rappels, donc :
dans a posteriori, a priori, a fortiori, le a ne comporte pas daccent puisquil sagit de la prposition latine a
ad libitum a bien en commun avec libido et libidineux lide de dsir, mais scrit avec un t , pas un d . Manger ad libitum, cest manger ce quon veut et autant quon le veut. Sur une partition de musique, ad libitum (abrg en ad lib.) indique que linterprte peut choisir son tempo.
utilise dans un registre plus recherch, lexpression mutatis mutandis signifie en changeant ce qui doit tre chang .


MOTS VOYAGEURS : budget

(MFI) Voil un mot dont limportance ne se dment pas, aussi bien dans la sphre prive (qui na pas de difficults boucler le sien ?) que dans le domaine public : le budget de lEtat est un enjeu non ngligeable Proccupation internationale, donc. Mais do vient le mot lui-mme ? De langlais ? Point du tout ! Ou seulement dans une dernire phase
Reprenons les choses dans lordre.
A lorigine, on trouve un mot gaulois, bulga, qui veut dire sac en cuir. En franais, il devient bouge (le mot est lorigine fminin). Il dsigne un petit sac de cuir et a pour diminutif bougette, qui veut dire bourse .
Les Anglais empruntent bougette sous la forme budget pour dsigner la bourse des finances publiques, puis le bilan financier annuel.
Et au 17e sicle, les Franais rcuprent le mot. Mais entre temps, au 15e sicle, le mot franais bouge est devenu masculin et sest mis dsigner la partie creuse dun objet.
Do la parent du mot on ne peut plus srieux et respectable de budget avec certains comparses plus roturiers :
la bogue de la chtaigne : lenveloppe pineuse qui la protge
le bouge : partie renfle du tonneau ; mais aussi petit logement misrable, et mme maison mal fame, souvent lie au jeu et la prostitution.


Marie-Claudette Kirpalani

retour