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09/02/2007
Les Antilles au fminin de Gisle Pineau

(MFI) Dans son nouveau livre o la fiction se mle au vcu, la Guadeloupenne Gisle Pineau raconte la qute de bonheur de quatre femmes qui reprsentent quatre poques de lhistoire antillaise.

Roman ? Rcit fministe ? Autobiographie ? Difficile de situer le nouvel opus de la Guadeloupenne Gisle Pineau. Au confluent de la fiction et du vcu, ce livre intitul rcit ressemble aux prcdents ouvrages de lauteur qui puisaient leur inspiration la fois dans la vie et lentourage de lauteur, dans les drames et les tragdies de la socit antillaise. Mes quatre femmes sinscrit galement dans lcriture la fois lyrique et subversive laquelle la romancire guadeloupenne nous a habitus depuis son premier roman La Grande drive des esprits, paru il y a bientt quinze ans. Enfin, ce livre ne droge pas la rgle de la centralit de la femme antillaise que la fiction pinaulienne a rig en dogme. En effet, lintrigue morcele de Mes quatre femmes tourne autour de la qute du bonheur de quatre anctres de lauteur, qui ont vcu divers moments de lhistoire antillaise.
A travers des rcits intimement lis aux moments forts de lhistoire esclavage, abolition, collaboration ptainiste , la romancire explore la condition fminine aux Antilles. Les protagonistes de Gisle Pineau sont, lexemple de leurs compatriotes, broyes par la vie, humilies par les hommes qui furent leurs pres, leurs maris, leurs amants de passage, et mme leurs fils. Mais malgr des rapports de force dfavorables, elles sarrangent toujours pour avoir le dernier mot, pour tre libres au cur de la servitude.
Elles sappellent Anglique, Gisle, Julia, Daisy. Quatre femmes enfermes entre les quatre murs dune gele noire. Elle se consolent lune lautre, pansent leurs plaies. (...) Chacune parle son tour et expose les voilures de sa vie quelle enguirlande et brode sa manire , crit Gisle Pineau. Fantmes du pass, elles se librent en racontant leur vie, en se mettant lpreuve de la postrit. Leurs rcits ne sont pas prsents dans lordre chronologique, mais dans le dsordre des souvenirs et de la fiction.

Faire clater le mythe du chagrin damour

Lhistoire de Gisle, une tante maternelle qui a vcu au milieu du XXe sicle et dont lauteur a reu le prnom en hritage, inaugure le livre. Morte jeune, quelques mois aprs lassassinat de son mari, elle fut emporte par le chagrin, disait-on. Mais progressivement les dceptions, les humiliations remontent la surface, faisant clater en mille morceaux le mythe du chagrin damour. Le rcit de la tante Gisle se clt sur un constat cruel : Aucun homme ne vaut quon meure pour lui.
Calques respectivement sur la grand-mre et la mre de lauteur, Julia et Daisy sont aussi des personnages tragiques, marqus par le cynisme et la cruaut de leurs hommes. Aprs stre exile un temps en mtropole prs de son fils, Julia va revenir auprs de son bourreau de mari pour mieux se rinventer. Elle na plus peur de rien. Ni du bourreau ni de ses yeux verts de colre. Elle lui dira de ne plus jamais lever la main sur elle, de ne plus la menacer, de ne plus injurier sa maman dfunte... Elle na plus peur de la vie qui va son chemin.
Le portrait le plus attachant dans ce livre est celui de lanctre Anglique qui connut les temps perturbs de labolition puis du rtablissement de lesclavage. Paradoxalement, elle fut peut-tre, malgr son statut desclave, la plus heureuse des quatre femmes voques ici. Elle est aussi la vritable fondatrice de la ligne des Pineau. Lauteur a su restituer le dsarroi et le bonheur de lanctre qui fut la matresse du fils de son propritaire, le Sieur Pineau, puis son pouse une fois mancipe.
Auteur pour adultes, mais aussi pour la jeunesse, Gisle Pineau a publi une dizaine de romans. Proche des crivains de la crolit, elle a su tracer au sein de la littrature antillaise contemporaine sa voie propre, une voie propre sa sensibilit fministe.

Tirthankar Chanda


Mes quatre femmes, par Gisle Pineau. Editions Philippe Rey, 187 pages, 17 euros.



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