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30/03/2007 | |||
Le 29 mars 1947 Madagascar Raymond Rajaonarivelo, cinaste : Tabataba, en mmoire de 1947 et de toutes ces socits villageoises en lutte | |||
(MFI) Dans son premier film, Tabataba, ralis en 1986 plusieurs fois prim, notamment Cannes en 1988 et Carthage en 1989, et bientt disponible en DVD Raymond Rajaonarivelo retrace le sombre pisode des insurrections de 1947 qui ont embras Madagascar en lutte contre la colonisation franaise. A travers les yeux dun gamin, venu au nom du parti pour lindpendance annoncer aux villageois quil faut prendre les armes, il propose une vision non orthodoxe de lhistoire. | |||
MFI : Quelle lecture faites-vous des massacres de 1947 ? Comment les dcririez-vous ? Raymond Rajaonarivelo : Lanne 1947 est celle dun massacre qui a fait environ 100 000 morts, ce qui est norme pour un pays comme Madagascar lpoque. Ces morts sont les victimes des tueries franaises et de la fuite dans la fort des populations qui cherchaient justement chapper ces tueries. La date du 29 mars 1947 est donc la commmoration dune vraie dfaite, car ce sont les colons qui lont choisie pour tuer la rbellion et non pas les rebelles qui ont attaqu les garnisons et les postes de gendarmerie. Les historiens de cette priode le disent : les colons ont lanc des Tabataba des rumeurs pour que la rbellion attaque ce jour-l : ils craignaient une vraie guerre dindpendance sils laissaient du temps aux rebelles. MFI : Tabataba est bti sur cette lecture originale des vnements. Que vouliez-vous montrer ? R. R. : Mon grand-pre a runi un jour ses petits-enfants javais douze ans lpoque, lge du petit garon dans le film pour nous prsenter un de ses copains qui avait lutt avec lui en 1947. On tait tous tonns car cet homme tait hmiplgique. Je men souviens comme si ctait hier. Aprs le dner, il la install dans un fauteuil et nous a runis pour couter son histoire. Lhomme nous a racont quil tait mdecin dans les zones de lEst de Madagascar et que les soldats franais lont tu coup de baonnette . Ils lont laiss pour mort mais il a survcu en se tranant dans la fort et en mettant des plantes mches sur ses blessures. A la fin de la guerre, car pour eux ctait une guerre, des gens lont trouv l, vivant comme les singes ctait ses propres mots et ils lont ramen au village MFI : Est-ce ce qui vous a inspir pour faire ce film ? R. R. : Plus tard, aprs mes tudes de cinma, jai pens que je devais raconter cette histoire. Celle-ci ou dautres histoires lies cette guerre. Voil la vraie naissance de mon film, qui est un devoir de mmoire. Jai crit le scnario aprs avoir recueilli des tmoignages dans ces villages enclavs. Et jen ai fait un film, Tabataba, non seulement en mmoire de 1947 mais de toutes ces socits villageoises en lutte contre un pouvoir qui les opprime et les dtruit psychologiquement et physiquement. Rien na chang dailleurs dans cette rgion. Cest pourquoi mon film est toujours actuel et moderne. Il nexprime pas de rancune et, en cela, il est profondment malgache. Toute dfaite est une leon observer pour lavenir. Accepter ses dfaites, cest travailler pour ses victoires futures. MFI : Une des squences marquantes montre une grand-mre assise sur la chaise du gnral Gallieni, qui dcide dy mourir quand les colons arrivent au village. Ce geste est-il symbole de rsistance ? R. R. : Cette image est le symbole mme de Madagascar de lpoque et malheureusement peut-tre encore daujourdhui. Cette vielle dame, cest Madagascar vieillie, dpouille, meurtrie par la colonisation et par tous les gouvernements qui se sont succd. Personne ne lcoute vraiment sauf Solo, lenfant de douze ans. Son nom veut dire remplaant ; le remplaant de la mmoire des autres. Un proverbe malgache dit : Ecoutez les anciens. Ils se sont bris la poitrine et les os ; ils ont fait de leur poitrine un bouclier et de leurs ctes un rempart. Ecoutez les anciens car aujourdhui leurs paroles senvolent sur les ailes des oiseaux. MFI : Vous montrez aussi des villageois qui fuient les combats et se rfugient dans la fort, mourant de faim plutt que des balles de larme franaise. Que faut-il comprendre ? R. R. : Dans lHistoire avec un grand H, larme venait pour tuer les rebelles et les rebelles, ctait les paysans. Les paysans qui plantaient le caf, les pois du Cape et autres produits... pour les colons qui les exportaient en France. Ce sont les paysans qui coupaient les arbres prcieux bne, acajou, etc. dans cette grande fort de lEst, pour les acheminer vers les grands bateaux. Dans le film, les paysans senfuient dans la fort pour dfendre leur vie. Et aussi pour fuir lesclavage des colons et la mort bien sr. Mais comme dit la vieille hmiplgique, la fort peut tre aussi une tombe . MFI : Ces villageois sont galement fatalistes. Ils vivent dans la crainte des armes quelles quelles soient. Est-ce votre vision de la socit malgache de lpoque ? R. R. : Ces villageois vivent dans des rgions totalement enclaves. Leur quotidien est une lutte incessante avec les forces de la nature, les cyclones, les inondations, les crues des rivires, les feux de forts... Chaque minute de leur vie est une recherche perptuelle de survie. Ces paysans ne voient pas larme comme une force protectrice car elle ne les protge en rien. Quand larme arrive dans un village, cest peut tre quil y a une guerre ou quelle poursuit des voleurs de grand chemin qui dpouillent les riches propritaires ou les entreprises. Il en va de mme aujourdhui. | |||
Propos recueillis par Antoinette Delafin | |||
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